Le Moyen-Orient est en train de changer et il faut s’attendre à un nouveau paysage politique dans la région au cours des prochains mois. C’est ainsi qu’une source haut placée résume les perspectives actuelles. L’explosion mercredi au siège de la Sécurité nationale à Damas, qui a déjà fait quatre morts au sein de l’appareil militaire et sécuritaire syrien, est un coup dur pour le régime et resserre l’étau autour de lui. Certes, il n’en est pas encore à la chute, mais la source haut placée estime que celle-ci est devenue inévitable. Elle considère que le président syrien a trois options : organiser de nouvelles élections présidentielles et se retirer de la scène, désigner son vice-président Farouk Chareh – réapparu hier à Damas lors des obsèques des généraux tués dans l’explosion après des mois de discrétion totale – à sa place et se retirer du pouvoir, ou subir son sort jusqu’au bout, c’est-à-dire poursuivre le combat et achever son mandat dans le sang. D’autres croient qu’il existe encore une quatrième option, une victoire du régime contre ses adversaires, mais cette possibilité devient de plus en plus improbable... La décision de Bachar el-Assad, estime la même source, dépendra en grande partie des conseils que lui donneront les Russes et les Iraniens qui l’appuient d’une façon presque désespérée.
Pour l’instant, estime la source haut placée, la Syrie est encore livrée aux affrontements qui devraient se terminer, lorsque les circonstances internationales le permettront, par une sorte de Taëf syrien qui aboutira à l’élection d’un président alaouite privé d’une grande partie de ses prérogatives au profit d’un Premier ministre sunnite, qui pourrait être le général Manaf Tlass, ou un autre en réserve du pouvoir. Mais ceux qui se battent aujourd’hui, estime la source, ne seront pas au pouvoir demain, ou si peu, dans le cadre d’un gouvernement d’union nationale. La source précitée est ainsi convaincue que le régime qui verra alors le jour sera tellement affaibli après les mois de violences et de déchirement qu’il ne pourra plus, même s’il le souhaite, avoir la même politique régionale, notamment à l’égard du Liban et du Hezbollah en particulier.
La source haut placée en arrive ainsi à dire que le paysage politique libanais est lui aussi appelé à changer. Mais l’issue finale dépendra largement de l’attitude de la classe politique qui, jusqu’à présent, n’a pas fait preuve d’un grand sens des responsabilités. Chaque camp guette l’autre et mise sur son affaiblissement pour lui soutirer plus de concessions. Au lieu de commencer dès maintenant à dialoguer sérieusement en vue de l’étape à venir, les différentes parties libanaises préfèrent se lancer des invectives et attendre l’issue de la grande bataille qui se joue en Syrie, misant sur le fait qu’il y aura alors un vainqueur et un vaincu en Syrie et au Liban. Sauf que, ajoute la source haut placée, même si le régime syrien s’en va, le rapport des forces ne devrait pas changer immédiatement au Liban. Même privé du soutien syrien, le Hezbollah est encore en mesure pendant quelque temps d’imposer sa force sur la scène locale, et le placer au pied du mur à un moment aussi délicat ne peut que le pousser à une réaction violente, coûteuse pour tout le pays. S’il y a des sages au Liban, c’est maintenant qu’ils devraient dialoguer pour assurer un minimum de stabilité à leur pays dans la tourmente qui pointe son nez.
L’armée libanaise, qui a compris la gravité de la situation et la nécessité de donner au Liban une immunité face au séisme à répétition qui est en train de frapper la région, cherche à reprendre la main. Le discours du général Jean Kahwagi hier a voulu donner de l’espoir aux Libanais et surtout un sentiment de confiance. Mais la classe politique reste déterminée à utiliser l’armée dans ses conflits internes, en l’accusant d’être de parti pris ou d’avoir une coloration confessionnelle. Pourtant, comme l’a rappelé jeudi le président de la Chambre Nabih Berry, l’armée est encore l’une des rares institutions publiques libanaises qui rassemblent toutes les confessions. En se soulevant contre l’armée, des parties politiques localisées dans certaines régions se soulèvent finalement contre elles-mêmes. Le Akkar est ainsi considéré comme « le réservoir de la troupe », puisque 40 % des effectifs de celle-ci sont originaires de cette région, toutes confessions confondues. De même, donner une coloration confessionnelle à l’armée est non seulement un crime contre la nation, mais aussi une faute car au sein de ses effectifs, les sunnites sont les plus nombreux, suivis des chiites, des chrétiens et des druzes. L’armée refuse naturellement cette classification, contraire à son idéologie nationale. Mais ceux qui la critiquent ne doivent pas déformer les réalités pour des raisons politiques ou confessionnelles. L’armée libanaise reste ainsi la soupape de sécurité du Liban et son point de repère, en cette période d’instabilité généralisée. Mettre en cause sa crédibilité, c’est perdre ce repère et jouer avec le feu, un feu qui pourra dévorer tout le monde, si le pays n’y prend pas garde.
commentaires (7)
Article intéressant mais lourd d'inconnues... Je ne suis pas «une source haut placée» de loin pas, mais je sais que ces sources-là dites «haut placées» ne sont pas souvent les plus pertinentes. Il n'y a plus grand-monde pour parier sur le maintien de Bachar el Assad à Damas. Il pourra aller s'installer en Russie. Ne me dites pas qu'il n'y a que le Général Tlass, fils de son père (rappelez-vous Hama) pour succéder à Bachar. Il y a une multitude d'intellectuels syriens, musulmans, chrétiens, Druzes, Kurdes, Arméniens, capables de créer un gouvernement démocratique où toutes les minorités (Alaouites y compris) seraient acceptés. Il n'y a pas à choisir entre la peste du baasisme et le choléra des islamistes. Il y a lieu de s'interroger sur le succès des islamistes, sur l'origine de leurs frustrations... Sans être devin, il y a lieu d'espérer qu'une fois Bachar tombé, le Hezbollah rendra ses armes au gouvernement libanais et deviendra un réel parti gouvernemental. Avec un autre gouvernement, il va de soi. Un gouvernement qui ne jouerait pas le rôle de Ponce Pilate face aux exactions commises par les pays voisins...
G.F.
08 h 54, le 22 juillet 2012