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Nos Lecteurs ont la Parole

Privatisation : le moment n’est pas à l’idéologie

Robert FADEL
Privatisation. Ce mot qui revient souvent dans le débat public est devenu un marqueur politique. Les uns seraient « pour » ; les autres seraient « contre ». Comme si la privatisation était une cause ou qu'elle correspondait à une idéologie. Les raisons de cette radicalisation sont nombreuses : la fracture politique que le gouvernement d'union nationale a réussi à réduire n'a pas empêché chaque camp de mobiliser les siens autour de thématiques porteuses. La culture économique extrêmement lacunaire de la classe politique, et des Libanais en général, favorise la politisation de concepts dont le sens reste flou pour le plus grand nombre.Dans ce contexte, il me semble nécessaire de clarifier les enjeux de la privatisation.
De quoi parlons-nous ? La notion de privatisation recoupe deux sortes de relations entre l'État et le secteur privé : soit il lui cède définitivement un actif public ; soit il lui concède, pour un temps plus ou moins long, la propriété, la gestion ou l'exploitation de cet actif.
Certains biens publics sont susceptibles d'êtres vendus, d'autres non. À titre d'exemple, il est impensable d'envisager la cession définitive de l'espace maritime, l'espace aérien, des ondes hertziennes, même des aéroports... En revanche, personne ne comprendrait aujourd'hui que l'État détienne encore, comme c'est le cas dans certains pays, des usines automobiles ! Cette dernière question ne se pose pas au Liban, mais elle a largement animé le débat sur la privatisation dans les années 1980, que ce soit en France ou dans l'Angleterre de Margaret Thatcher.
Les actifs détenus par l'État libanais sont relativement peu nombreux. La privatisation est donc limitée à : la Middle East Airlines, Intra, les anciennes raffineries de pétrole, Télé-Liban et Radio-Liban, le Casino, les réseaux de téléphonie mobile, les centrales électriques... La situation n'a rien à voir avec la vague de privatisation qui touche les pays dont les régimes socialisants ont longtemps placé l'économie sous le joug de l'État, comme la Syrie, l'Égypte ou la Russie. À cet égard, l'expérience russe est citée par tous aujourd'hui comme l'exemple type des dérives de la privatisation : lorsque les actifs sont cédés pour une bouchée de pain à des particuliers dont l'enrichissement subséquent est éhonté.
Derrière la question de la privatisation se cachent en fait deux problématiques qu'il faut distinguer.
La première concerne la libéralisation d'un secteur : la concurrence est la meilleure garantie de qualité et de maîtrise des prix ; et en la matière, le comportement d'un monopole, qu'il soit public ou privé, est sensiblement le même. La seconde concerne la notion de service public : on a souvent tendance à considérer que l'État est seul en mesure d'assurer un service public ; je dirais que l'État doit en être le garant, à travers des mécanismes de régulation et de contrôle, mais qu'il n'est pas tenu de les assurer lui-même.
Au Liban, l'incapacité présumée de l'État à assumer son rôle pousse certains à vouloir tout privatiser, le secteur privé étant jugé plus efficace. Cette recommandation est compréhensible tant les administrations publiques libanaises sont défaillantes. Mais elle ne saurait être davantage qu'un mouvement d'humeur. Car, ne nous leurrons pas, privatiser ne dispense pas l'État de ses responsabilités régulatrices : la réforme de l'État est donc en tout cas une nécessité ; à défaut de quoi l'on se retrouve avec des entreprises certes privées, mais des clients et des usagers insatisfaits. Il appartient aussi en tout cas à l'État de définir les politiques sectorielles dans lesquelles tous les acteurs, qu'ils soient publics ou privés, joueront leur partition.
Le débat sur la privatisation est donc mal posé au Liban. La question n'est pas de savoir s'il faut ou non avoir recours au secteur privé, mais comment. La privatisation n'est pas une démission de l'État, bien au contraire, si elle est réalisée dans de bonnes conditions.

Robert FADEL
Député de Tripoli
Privatisation. Ce mot qui revient souvent dans le débat public est devenu un marqueur politique. Les uns seraient « pour » ; les autres seraient « contre ». Comme si la privatisation était une cause ou qu'elle correspondait à une idéologie. Les raisons de cette radicalisation sont nombreuses : la fracture politique...

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