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Liban - Éclairage

Le Nord plus que jamais lié au dossier syrien...

En dépit des déclarations qui se veulent rassurantes et des réunions qui se ressemblent, avec chaque nouveau « round » (puisqu’il faut malheureusement revenir à cette terminologie qui rappelle les jours noirs de la guerre libanaise), le Liban est en train de s’impliquer un peu plus dans le bourbier syrien. Ce que l’on craignait depuis des mois, et que certains réfutaient avec véhémence, est en train de se produire. Le dossier syrien ne se contente plus de diviser les Libanais politiquement entre prorégime et pro-opposition, il menace désormais la cohésion interne en aiguisant les sentiments confessionnels. S’il est vrai que l’hostilité entre Jabal Mohsen (alaouite) et Bab el-Tebbaneh (sunnite) remonte aux années 75 et 76, elle s’exprime aujourd’hui avec une violence intacte qui s’est traduite au cours du week-end par des combats d’une grande intensité (qui ont d’ailleurs fait plus de huit morts), sur un périmètre qui ne cesse de s’élargir, avec en plus le regain d’activité des francs-tireurs dont le but est d’éviter tout contact entre les deux quartiers. Plus grave encore, le plan de sécurité mis en place pour ramener le calme dans cette région de Tripoli prévoit une force mixte entre l’armée et les FSI. Autrement dit (même si certaines vérités ne sont pas bonnes à dire en général), les FSI se déploient à Bab el-Tebbaneh et l’armée à Jabal Mohsen. Et à ceux qui n’ont pas encore compris l’allusion, il faut préciser que dans l’inconscient des Tripolitains, les forces légales libanaises ont désormais une coloration politique, sinon confessionnelle. Bien que les déclarations officielles se refusent à ce genre de constat, on peut se poser la question suivante : s’il est question d’une force mixte, n’est-ce pas parce que certaines parties ont refusé le déploiement de l’armée dans leurs quartiers et d’autres celui des FSI ? Même si le tapage médiatique s’est plus ou moins calmé, les séquelles des derniers incidents de Tripoli et du Akkar (qui avaient mis en cause l’armée libanaise et la Sûreté générale) deviennent donc de plus en plus concrètes et se traduisent par une confessionnalisation de la sécurité qui ne peut que nuire à l’image rassembleuse de l’État et de ses institutions, ainsi qu’à leur crédibilité.


Une nouvelle réalité est ainsi en train de s’imposer sur le terrain au Nord et elle se résume à l’équation suivante : l’armée semble de plus en plus neutralisée et les FSI ne sont pas en mesure de la remplacer. La prochaine étape, si rien n’est fait pour stopper ce processus suicidaire pour tout le Liban, sera pour une faction de Nordistes de réclamer la protection de l’armée syrienne face à l’appui déclaré de l’opposition syrienne à certaines parties au Nord. Le responsable du principal parti de Jabal Mohsen Rifaat Eid y a d’ailleurs fait allusion samedi. De la sorte, la guerre syrienne sera transposée au Liban, avec l’accord plus ou moins conscient des Libanais aveuglés par leurs instincts confessionnels doublés d’intérêts politiques contradictoires. Que le régime syrien joue la carte de la déstabilisation du Liban pour desserrer l’étau qui l’entoure, ou que l’opposition syrienne choisisse d’utiliser le Liban comme base arrière parce qu’elle n’a pas pu obtenir une zone de libre circulation à la frontière avec la Turquie ou avec la Jordanie, n’enlève rien à la responsabilité des Libanais eux-mêmes.


Le véritable problème réside dans le fait que les parties libanaises croient pouvoir marquer des points les unes sur les autres en jouant la carte syrienne. Un camp considère qu’il ne peut revenir au pouvoir que si le régime syrien s’en va et l’autre estime que ce régime est une garantie de survie pour l’axe de la résistance. Mais lorsque ces convictions se transposent sur le terrain, le feu syrien peut brûler tout le Liban.


Le 14 Mars peut estimer ainsi avoir réussi à mettre en difficulté le Hezbollah, puisqu’en jouant la carte confessionnelle, il a carrément paralysé cette formation qui, en dépit de toute sa force militaire, ne peut pas (et ne veut pas d’ailleurs) intervenir sur la scène interne sous peine d’alimenter la discorde entre sunnites et chiites dans un climat déjà bien tendu. Mais en même temps, il s’est laissé déborder par les courants islamistes et il pourrait bientôt avoir face à lui de nouveaux interlocuteurs avec lesquels il lui sera bien difficile de traiter. Si le Hezbollah est donc soumis à de fortes pressions à la fois politiques et confessionnelles, sans parler des provocations sur le terrain, le 14 Mars n’est pas vraiment dans une situation plus confortable, s’impliquant chaque jour un peu plus avec une opposition syrienne qui ne semble pas en mesure de renverser le régime de Bachar el-Assad, mais augmente ses pressions sur l’intérieur libanais.

 

Dans ce contexte, ne serait-il pas sage de renouer le dialogue national comme le propose le président de la République et le soutient fermement le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï ? Même si ce dialogue ne peut pas aboutir rapidement à des résultats concrets, puisque, hélas, toute décision importante au Liban reste liée aux développements régionaux et internationaux, il pourra au moins faire baisser la tension sur le terrain et lancer une véritable réflexion sur le régime, la sécurité, l’État, bref toutes les questions qui intéressent les Libanais. Il pourra aussi éviter que ceux-ci, qui ont souffert d’une longue guerre interne puis de toutes les guerres d’Israël au Liban, ne recommencent à mourir, cette fois pour la Syrie.

En dépit des déclarations qui se veulent rassurantes et des réunions qui se ressemblent, avec chaque nouveau « round » (puisqu’il faut malheureusement revenir à cette terminologie qui rappelle les jours noirs de la guerre libanaise), le Liban est en train de s’impliquer un peu plus dans le bourbier syrien. Ce que l’on craignait depuis des mois, et que certains réfutaient avec...

commentaires (10)

Christian, Robert, il y a différence quand même entre zones-tampons de fait et zones-tampons créées et légalisées. Et, c'est le pas vers la cantonnisation de fait ! Si seulement elle pouvait se faire sans sang.

SAKR LEBNAN

15 h 06, le 04 juin 2012

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Commentaires (10)

  • Christian, Robert, il y a différence quand même entre zones-tampons de fait et zones-tampons créées et légalisées. Et, c'est le pas vers la cantonnisation de fait ! Si seulement elle pouvait se faire sans sang.

    SAKR LEBNAN

    15 h 06, le 04 juin 2012

  • Mniha Gédéon.

    Robert Malek

    09 h 43, le 04 juin 2012

  • Quand je lis zones tampon,çà me fait toujours rigoler...mais le Liban tout entier est une succession de zones-tampon...et tout le monde s'en tamponne...

    GEDEON Christian

    07 h 25, le 04 juin 2012

  • …"Il pourra éviter que ceux-ci, qui ont souffert d’une guerre interne et des guerres d’Israël au Liban, ne recommencent à mourir, cette fois pour la Syrie." ! Et comme si, selon cette "théorie", ils n’avaient point déjà souffert des guerres de La Syrie au Liban et n’étaient pas Morts pour cette Syrie ! "Le 14 Mars en jouant la carte confessionnelle, a paralysé cette formation (le Hezbollah) qui ne veut pas intervenir sous peine d’alimenter la discorde entre sunnites et chiites." ! Ainsi, ce n’est que le 14 Mars qui "jouerait cette carte" et Non le "hézébb" qui lui, simple soldat de la "fakîh wilaya" ne la jouerait pas ! Et, le 14 Mars "s’est laissé déborder par les courants islamistes." ! C’est Si convenu…. ! Puis, "si le Hezbollah est soumis à des pressions, sans parler des provocations, le 14 Mars ... lui, s’impliquant avec une opposition qui ne semble pas en mesure de renverser Assad." ! Mais, desquelles "provocations" parle-t-on ? Précisions… SVP ! Et le 14 Mars "s’impliquerait chaque jour un peu plus" : par le fait même qu’il aide des Syriens réfugiés bien sûr ; mais le hézébb évidemment n’est "point impliqué" par son "appui à l’assadiot" ! Bien entendu. Puis toujours, "…une opposition syrienne qui ne semble pas en mesure de renverser le régime de Assad…" ! Clair, net et précis : ça a été décidé ainsi ! Grâce à dieu et Ouf. Merciiii !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    07 h 07, le 04 juin 2012

  • En fait certaines puissances, internationales comme locales, veulent créer une zone-tampon au Nord, les uns pour servir leurs desseins d'appuyer les insurgés du voisinage, les autres pour montrer au monde qu'on est la victime du terrorisme, et d'autres aussi pour légaliser et asseoir leur cantonnisation unilatérale. A Tripoli, comme au Akkar, certains, rares à ce stade, car confiné uniquement aux quelques Salafistes, ENCORE, car les provocations des uns font monter le nombre des autres, s'y laissent aller dans le jeu et, peut-être, ils y aspirent aussi pour contrebalancer les faits accomplis dans l'autre partie du Pays. Quoi qu'il en soit, se laisser entraîner par les complots extérieurs, les UNS au Nord comme les AUTRES au Sud, c'est pousser le Pays tout droit dans l'abysse. Le DIALOGUE devient une NÉCESSITÉ absolue et URGENTE. DIALOGUEZ, pardieu ! Sauvez votre Pays et l'avenir de vos familles et de vos enfants et leurs familles. Cela, ne vaut-il pas la peine ???

    SAKR LEBNAN

    05 h 59, le 04 juin 2012

  • c'est un grand classique du régime syrien que "d'exporter" ses problèmes. on l'a tellement vu durant des décennies que ça frise le ridicule de le nier maintenant. le problème c'est que les Libanais en sont volontiers le terreau fertile. A preuve les discours menaçants de l'establishment hezbollahie et les armes très sophistiquées utilisées depuis Jabal Mohsen (sans parler des drapeaux syriens a toutes les fenêtres, preuve que ces types sont très peu Libanais). dans un registre plus comique il y'a les menaces des Aounistes. je dis comiques parce qu'a la première baffe ils vont se cacher derrière je ne sais quel uniforme et après trois coups de feu, hop ! direction l'ambassade. Tout de même, a force de menacer les gens comme le fait le Sayyed de le résistance (qui n'a plus tirer une balle sur l'ennemi Sionisto-imperialisto-gnagna depuis lullure) ben, les gens ils vont penser a se défendre un tantinet.

    Lebinlon

    05 h 39, le 04 juin 2012

  • Le Liban ressemble en ce moment a une partie de flipper. Selon l'endroit ou la boule est projetee, des points sont marques ou perdus et cette boule projetee vers d'autres cibles avec des effroyables bruits de ping, cling , brrr, etc... La machine s'emballe et on se plus comment controler la partie,chacun croyant que la solution serait de faire appel au grand frere, syrien pour les uns et saoudoyanky pour les autres. A supposer que le hezb est coince entre son objectif louable de proteger le pays d'une invasion au sud, et se proteger des salafoswahabites du nord, au jeu de la guerre, il faut etre prepare, sinon la machine fait tilt, game over. Le temps joue toujours pour ceux qui ont la legalite et les moyens de la faire respecter.Le dialogue national c'est bien et sous l'egide du Patriache Rai c'est encore mieux, mais a condition qu'on en arrive pas a une ennieme cacophonie.

    Jaber Kamel

    04 h 51, le 04 juin 2012

  • Triste constat que ce lui que dresse Scarlett Haddad...et vrai.Le chiffon rouge de la confessionalisation est désormais agité "sans complexes" par les uns et les autres..et le ,ou plutôt les drapeaux syriens aussi...les allégeances tiennent lieu de politique...les anciennes comme les nouvelles...quelle malédiction pour le Liban d'avoir de tesl voisins,et quelle malédiction pour les Libanais de tomber une fois de plus dasn les affres des anathèmes et des appels à la victoire des uns sur les autres et des autres sur les uns...et c'est bien tristement que je dis une fois de plus Lebnéne wou bass...parceque ,si nous sommes victimes,nous sommes aussi acteurs de notre propre malheur,et largement...D'ailleurs,il faudrait que les chrétiens,si divisés,se rendent peut-être compte que quand on parle du Liban,comme dans l'article vrai de Scarlett,on ne parle plus que des sunnites et des chiites...vous avez compris ou pas?Quantité négligeable vous êtes devenus...êtes vous bien sûrs que vous ne l'avez pas mérité?

    GEDEON Christian

    04 h 39, le 04 juin 2012

  • Votre article Madame Scarlett Haddad aurait été très objectif si ce n'était votre accusation que c'est le 14 mars qui recherche la confessionnalisation de la scène. Vous oubliez, à dessein, que ce sont ceux qui sont perchés sur les hauteurs de Tripoli qui sont les fauteurs des troubles et que les ogives et les francs tireurs, sont lancées et agissent contre la ville, toujours prenant l'initiative, "et je le connais depuis toujours et actuellement aussi car vécu sur place", y exécutant des ordres et semant les paniques et les troubles, pour alléger les poids ailleurs. Quand aux sentiments armée et F.S. j'approuve votre analyse, et c'est très malheureux, car en agissant de la sorte ils ne sont plus là pour sévir contre les fauteurs de troubles. Quand au Dialogue, vous avez mille fois raison que tous doivent immédiatement y participer, car il y va de la sécurité et de l'avenir même du pays. LE DIALOGUE ! L'ENTENTE ! et L'UNITÉ ! seuls sauveront le pays de l'abysse où certains inféodés et vendus l'y précipitent. Bonne journée.

    SAKR LEBNAN

    01 h 51, le 04 juin 2012

  • - - La déroute politique du 14 mars n'est plus un secret pour personne . Ils ont perdu leur pari Syrien et maintenant celui de Tripoli . Ils sont hors du pouvoir et leur chef est en fuite comme par hasard depuis le début des événements en Syrie .. Ali Eid à raison , les choses vont radicalement bouger sur le terrain Nordique si ces voyous réfugiés Syriens et leurs collabos Libanais continuent à vouloir importer leur sale guerre chez nous puisqu'ils n'arrivent pas à la gagner chez Z'eux ! pensant ainsi pouvoir internationaliser la chose politiquement et militairement !!!

    JABBOUR André

    00 h 13, le 04 juin 2012

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