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Culture - Concert

Walid Hourani, l’éternel retour...

Fidèle à sa terre natale, fidèle à la qualité de sa musique, fidèle à son humour, fidèle à son gilet cousu en notes sur partitions, Walid Hourani, pour ce soixante-septième anniversaire de l'indépendance libanaise, est à l'Assembly Hall (AUB) pour un nouveau rendez-vous avec le clavier. Un éternel retour toujours attachant.

Walid Hourani, maître unique du clavier.  (Ibrahim Tawil)

À jour fastueux, programme fastueux. Devant une salle archicomble, forçant le public presque au coude-à-coude serré sur les bancs, Walid Hourani, présenté par l'Association des Scouts libanais, a offert à l'auditoire un joli bouquet du répertoire pianistique aux pages panachées.
De Haydn à un opus proposé initialement par Ziad Rahbani et remanié par le pianiste lui-même, en passant par Beethoven, Ravel, Chopin et Albéniz, les touches d'ivoire ont allègrement franchi les siècles, le temps, les humeurs et les frontières.
Ouverture en douceur avec l'une des soixante-deux sonates pour clavier du compositeur d'Orlando. Trois mouvements entre la continuité de Scarlatti et l'esprit de Mozart avec cette Sonate n°46 à la verve rythmique remarquable et au mouvement lent, léger et empreint d'un certain lyrisme contenu.
Tout aussi mesuré est le lyrisme beethovenien dans cette Sonate n°9 en mi majeur op 14, n°1 du maître de Bonn. Trois mouvements alliant en toute maîtrise vivacité, joie et esprit galant. Sans grands effets sonores et déferlements impétueux et tonitruants. Pas de morsures au clavier, mais un flot lumineux de notes enrobées d'une paisible harmonie... Oui, cela aussi peut être du Beethoven !
Suit une relativement brève mais brillante narration de Maurice Ravel, portant à juste titre la désignation de Sonatine. Délice des notes « raveliennes » mêlant en toute subtilité charme et fragrance exotique aux couleurs vives, contrastées et presque flamboyantes comme le miroitement d'un plumage somptueux, celui d'un oiseau de paradis au soleil...
Moment privilégié du concert avec la présence de Chopin (doit-on encore parler de la célébration du bicentenaire?) à travers trois œuvres éminemment pianistiques, à la fois diaphanes et fluides. Tout d'abord cette Ballade n°3 en la bémol majeur, op 47 entraînant l'auditeur dans une randonnée entre flânerie et méditation vouée à une rêverie teintée d'une imperceptible mélancolie. Souffle d'une fraîcheur poétique qui se joint à ce Nocturne op 27 n°2 dont le début est un tournoiement comme une lente chute d'étoile dans le ciel. À travers des accords opalescents, délicate fuite des notes comme un rêve qui s'effiloche, comme un nuage qui se distend dans l'immensité de l'azur.
Pour finir avec le cycle Chopin, voilà cette vertigineuse Étude op 10 n°4 d'une grande tension passionnelle, hantée par une foudroyante célérité. Virtuosité absolue pour une narration au souffle âpre et véhément.
Avec Issac Albéniz émerge, avec éclat, la poésie ibérique pour une Andalousie tissée de lumière. Le Cordoba interprété ici par Walid Hourani est un hommage à la gloire des jardins d'Espagne, à ces moments indolents et doux où vivre est brusquement un rêve heureux. Musique puisée au plus profond de l'âme andalouse avec trémolos et rythmes enflammés où le piano se substitue adroitement et avec panache aux cordes de la guitare...
Escale proche de l'Orient arrivée à point pour conclure ce concert avec une première libanaise d'un opus intitulé Bach and Beyond (Bach et au-delà). Opus conçu d'abord par Ziad Rahbani et revisité par Walid Hourani lui-même.
Du cantor, on retrouve l'art de la fugue et du contrepoint pour vite s'échapper vers une liberté toute orientale, avec des éclats jazzy, dans des rythmes marqués et des cadences chaloupées, délurées. Et puis, surgi de nulle part, le Boogie-Woogie est un ouragan qui souffle tout sur son passage à cent à l'heure.
Le pianiste est en transe : il dodeline de la tête et ses épaules battent la mesure...
Tempête d'applaudissements pour un public trop enthousiaste (un public abonné à l'applaudimètre, au vu des frénétiques interventions entre deux mouvements et parfois même avant qu'un mouvement ne se termine !) pour une prestation musclée et haut de gamme.
À soixante-deux ans, mis à part quelques bavures dans les arpèges ou les imperceptibles glissements de doigts qui s'écrasent, Walid Hourani reste un maître du clavier.
Après la révérence de l'artiste, pour un dernier bis, le The Man I Love de Gershwin. Élégie sentimentale, languide, lancinante, sensuelle.
Les dernières notes éteintes sur les rosaces aux vitraux colorés, les derniers accords fondus dans les boiseries des voûtes du chapiteau, la mélodie toujours en l'air, le public, subjugué, indécis pour un instant à quitter les lieux, est encore sous le charme...
À jour fastueux, programme fastueux. Devant une salle archicomble, forçant le public presque au coude-à-coude serré sur les bancs, Walid Hourani, présenté par l'Association des Scouts libanais, a offert à l'auditoire un joli bouquet du répertoire pianistique aux pages panachées. De Haydn à un opus proposé initialement...

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