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Nos Lecteurs ont la Parole - Élie Michel NASARD

Que veut dire Arabe ?

L'appartenance arabe peut avoir plusieurs significations. Il y a pourtant beaucoup de gens au Liban et dans le monde arabe (je dirais même la majorité, surtout dans le monde arabe), qui disent et répètent qu'ils sont arabes, sans savoir ou comprendre le sens profond que ce terme implique. Essayons d'en disséquer la portée :
Je pense qu'on peut être arabe ethniquement et/ou culturellement et/ou juste en tant que citoyen d'un pays faisant partie du monde arabe.
Si nous prenons la moyenne de la population libanaise, dont le pays a connu des peuples, tels que les Phéniciens particulièrement, ainsi que les Grecs, les Romains, les Byzantins, les Syriaques, les Arabes, les croisés et les Mamelouks, qui se sont mêlés aux Libanais, ainsi que les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Seljoukides, les Turcs et les Français, qui ont laissé peu de traces génétiques, nous obtenons un cocktail ethnique ou un génome assez ressemblant à celui des peuples de la région du Proche-Orient connue sous le nom de Bilad al-Cham ou le Croissant fertile (qui englobe le Liban évidemment), particulièrement dans ses composantes syrienne et palestino-jordanienne, cocktail dans lequel la proportion de gênes arabes (d'origine sémitique, bien entendu) serait limitée. Cela se rapporte naturellement au facteur ethnique.
Quant au facteur culturel, c'est une tout autre histoire, parce qu'il englobe aussi, pour les musulmans pratiquants, la stricte soumission aux préceptes du Coran (l'authentique Coran, et non pas celui inventé par les prédicateurs wahhabites-takfiristes assassins, ou les prédicateurs charlatans recrutés par les services américano-sionistes), livre dont rien que le très haut niveau de la langue arabe utilisée (vocabulaire, style aussi concis que précis et tournures de phrases) est une culture en elle-même. Pour les non-musulmans, ils ont à leur disposition l'immensité de la langue arabe littéraire courante, qui est déjà une langue très riche et merveilleuse, à laquelle l'apport des intellectuels libanais (dont les curés maronites, surtout ceux de l'ancien Collège maronite de Rome) a été considérable, ce qui nous a évité la turquisation au détriment de notre langue. Cependant, n'oublions pas que cela fait partie de notre culture générale libanaise, multilinguiste, par laquelle se distingue une certaine société libanaise.
Pour les plus réticents, et sans plonger dans une étude historique et philosophique profonde, juste quelques exemples simples et prosaïques, de la vie quotidienne, qui devraient les faire plier : prenons les parlers ou dialectes courants dans les quatre régions suivantes, le Maghreb, l'Égypte, la presqu'île Arabique et le Proche-Orient. Vous constaterez des différences énormes, à tel point qu'on se comprend très mal. J'ai moi-même visité quelques fois le Maroc, où j'étais acculé à ne communiquer qu'en français, car impossible de se comprendre mutuellement en arabe, sauf si l'on décide d'utiliser l'arabe littéraire, ce qui ne serait pas vraiment approprié. Mêmes différences dans plusieurs autres domaines : caractère, tempérament, ardeur au travail, ambition, cuisine, musique, art de vivre, de recevoir, de se fréquenter, de jouir de ses moments de loisir (avec ou sans les épouses), etc.
Il reste le troisième et dernier facteur : celui d'appartenir à un pays faisant partie du monde arabe, uni par la géographie, la langue (littéraire) et des intérêts communs, tout en écartant tout amalgame avec la religion, qui est censée être une affaire strictement personnelle, sans aucune répercussion sur la vie culturelle, socio-économique et politique des individus et des collectivités, ce qui, hélas, est loin d'être le cas (surtout depuis l'invasion jihadiste-takfiriste de cette décennie).
Morale de l'histoire : si on est citoyen libanais laïc, on est ethniquement pas plus arabe que phénicien ou syriaque, tout en étant culturellement libano-arabe, et tout en faisant partie du monde arabe qui nous entoure. Ainsi, si quelqu'un me demande si je suis arabe, je lui répondrai que je suis libanais, et que, en tant que tel, mes concitoyens et moi-même faisons partie du monde arabe. Par contre, répondre qu'on est arabe, sans autre explication, donnerait une fausse idée de notre pays, de notre identité et de notre culture générale.
Tant qu'on garde la religion à part, cette même philosophie pourrait s'appliquer à d'autres nations arabes, comme le Maghreb et l'Égypte, qui sont respectivement assez différents ethniquement, historiquement et culturellement (aussi par rapport aux autres nations arabes), tout en continuant pourtant, comme nous, à faire partie du monde arabe.
J'espère que cet article contribuera à éliminer les doutes de beaucoup de citoyens libanais et des pays arabes, comme lorsqu'une fois, feu le Premier ministre Saëb Salam, lors d'une de ses rencontres avec feu cheikh Pierre Gemayel, déclara : d'accord, nous sommes des Libanais, mais les Libanais sont quoi ? Il sous-entendait évidemment que les Libanais sont des arabes, point de vue sur lequel j'ai de sérieuses réserves, bien entendu.

L'appartenance arabe peut avoir plusieurs significations. Il y a pourtant beaucoup de gens au Liban et dans le monde arabe (je dirais même la majorité, surtout dans le monde arabe), qui disent et répètent qu'ils sont arabes, sans savoir ou comprendre le sens profond que ce terme implique. Essayons d'en disséquer la portée :Je pense qu'on peut être arabe ethniquement et/ou culturellement...

commentaires (6)

"J'ai moi-même visité quelques fois le Maroc, où j'étais acculé à ne communiquer qu'en français, car impossible de se comprendre mutuellement en arabe, sauf si l'on décide d'utiliser l'arabe littéraire, ce qui ne serait pas vraiment approprié." ! En quoi, M., l'utilisation de l'arabe littéraire aurait été vraiment inappropriée ?

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

07 h 56, le 31 juillet 2016

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Commentaires (6)

  • "J'ai moi-même visité quelques fois le Maroc, où j'étais acculé à ne communiquer qu'en français, car impossible de se comprendre mutuellement en arabe, sauf si l'on décide d'utiliser l'arabe littéraire, ce qui ne serait pas vraiment approprié." ! En quoi, M., l'utilisation de l'arabe littéraire aurait été vraiment inappropriée ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 56, le 31 juillet 2016

  • "L'authentique Coran, et non pas celui inventé par les prédicateurs wahhabites-takfiristes assassins, ou les prédicateurs charlatans recrutés par les services américano-sionistes." ! Quid, M., des prédicateurs fakkihistes-takfiristes aSSaSSins, ou des prédicateurs Mollâhs-charlatans recrutés par les services américano-Per(s)cés-sionistes ?

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    07 h 52, le 31 juillet 2016

  • Vieux débat sans importance .. On est ce qu'on ressent vouloir être, et en ce moment avoir envi de se dire arabe c'est infâmant, tout simplement ..

    FRIK-A-FRAK

    12 h 02, le 30 juillet 2016

  • Disons arabophones et finissons-en !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 14, le 30 juillet 2016

  • Ne s'agit-il pas d'un débat quelque peu obsolète qui dégage un relent des discours d'un temps qu'on aurait aimé oublier. On sait bien qu'en Orient l'identité nationale est plutôt vécue sur le mode ethnico-religieux et non politico-civique; et c'est regrettable. L'arabité est une identité de fait. On peut être européen tout en étant attaché à une identité nationale. Ne peut-on pas se sentir tout simplement arabe de la même manière? Le plus important c'est de ne pas développer cette haine-de-soi en tant qu'arabe.

    COURBAN Antoine

    07 h 19, le 30 juillet 2016

  • Le Proche Orient, et particulièrement le Liban, a été, pendant environ 4 siècles sous domination arabe. Ensuite, sont venus, successivement ou simultanément, turcs, francs (env 200 ans), kurdes et mamelouks, avant que ne domine à nouveau un empire de 4 siècles, celui des turcs ottomans. Pourquoi donc s'accrocher à cette "arabité" qui a pris fin il y a mille ans?

    Yves Prevost

    06 h 43, le 30 juillet 2016

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