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Liban - Décryptage

Entre « zones sûres » et « zones de résidence », le Liban avance en terrain miné

Au sommet de Nouakchott, le Liban avait bien préparé son dossier, au sujet de la crise des déplacés. Il est vrai que ce problème devient de plus en plus pressant et ses conséquences deviennent insoutenables pour les Libanais, tant sur le plan sécuritaire que sur ceux économique, social et politique. Le Premier ministre Tammam Salam a donc voulu proposer aux Arabes, dans le cadre de ce sommet, un projet de solution qui tienne compte des intérêts du Liban, mais aussi du droit international et des principes humanitaires. Il pensait d'ailleurs que le moment était bien choisi pour pousser vers l'adoption d'une nouvelle approche plus concrète, puisque la crise des déplacés concerne désormais de nombreux pays, dont l'Europe, et mobilise de plus en plus de parties régionales et internationales. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si cette année, en marge de la session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, deux conférences internationales sur les réfugiés se tiendront à New York, la première à l'initiative de l'Onu aura lieu le 19 septembre et la seconde, organisée par l'administration américaine sur une initiative du président Obama, aura lieu deux jours plus tard, le 21 septembre.

Devant les dirigeants arabes, ou leurs représentants, Tammam Salam a donc voulu devancer en quelque sorte ces conférences et reprendre l'initiative en définissant les besoins et les intérêts du Liban. S'il est vrai que les propositions du Premier ministre libanais n'ont pas eu l'effet escompté, les dirigeants arabes étant trop occupés à gérer leurs conflits, elles n'en ont pas moins le mérite d'avoir été claires. Elles se résument en deux points : la création d'un comité arabe pour superviser le retour des déplacés syriens dans des zones de résidence en Syrie et la création d'un fonds arabe pour gérer les conditions de vie des déplacés.

Tammam Salam a bien pris soin de ne pas parler de « zones sûres », contrairement à ce qui a été dit dans certains médias, car cette appellation a une connotation politique qui pourrait soulever une controverse. En effet, c'est d'abord la Turquie qui a proposé de créer une « zone sûre » au nord de la Syrie. Il s'agissait en fait de placer une partie du nord de la Syrie sous le contrôle de la Turquie, en interdisant notamment aux forces aériennes syriennes de la survoler et bien entendu de la bombarder, ce qui a été considéré par le régime syrien comme une atteinte à sa souveraineté et la proposition a été par la suite rejetée par les Russes et les Américains. De fait, parler de l'installation de « zones sûres » soulève de nombreuses questions. D'abord, quels sont les critères de ces zones ? Faut-il considérer que cette notion englobe les conditions de vie des habitants, comme le courant électrique, l'eau potable, les habitations etc., ou bien cette notion se limite-t-elle à l'aspect sécuritaire ? Dans ce cas, quelles sont les forces qui devraient assurer la sécurité de ces zones ? Sont-elles locales ou internationales et quel est leur statut ? Autant de questions susceptibles de provoquer des polémiques sans fin.

Le Premier ministre ne voulait donc pas ouvrir un débat sur cette question ni ajouter un sujet de conflit à tous ceux qui existent déjà. Il en est resté à la position de principe du Liban qui est de refuser toute ingérence étrangère dans les affaires internes d'un pays et, donc, pour le respect de la souveraineté de chaque pays. C'est pourquoi il a bien pris soin de parler « de zones de résidence » en territoire syrien, sachant que les agences internationales relevant de l'Onu, comme OCHA (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) sont en train d'assurer le retour de déplacés syriens dans la région de Palmyre.

Pour le Liban, cette démarche est un indice significatif sur la possibilité d'assurer le retour des déplacés en territoire syrien. Or cette option est la seule acceptable pour le Liban, car elle assure une solution durable à la question des déplacés, les autres étant soit injustes pour le Liban, soit partielles et provisoires, d'autant qu'avec les menaces qui pèsent actuellement sur l'Europe et sur le monde en général, peu de pays souhaitent accueillir chez eux des réfugiés et les intégrer dans leurs sociétés respectives. Le principe de solidarité avec les réfugiés, reconnu par la Charte des Nations unies et par l'Union européenne, a pris un sérieux camouflet alors qu'en plus, les pays donateurs sont de moins en moins généreux. Le Liban a beau faire des efforts et souhaiter aider au maximum ses frères syriens, il n'est plus en mesure aujourd'hui de continuer à accueillir les réfugiés. Ni son espace géographique (avec une densité de population élevée), ni ses moyens et ses ressources, et encore moins sa situation politique ne lui permettent de recevoir un si grand nombre de déplacés.

Cette situation particulière du Liban devrait donc être prise en considération et les instances internationales, régionales et arabes devraient comprendre que ce pays ne peut pas mettre en cause ses propres intérêts et sa sûreté nationale pour régler la question des déplacés syriens à ses propres dépens. Son droit, voire son devoir national, est de préserver ses propres intérêts. C'est le message indirect que le Premier ministre, avec sa manière élégante, a voulu transmettre. À travers ses propositions, il a voulu aussi montrer à ceux qui croient avoir des recettes toutes faites que les traitements ne peuvent pas être les mêmes pour tous les pays, et en particulier pour le Liban, dont la situation est déjà suffisamment délicate.

À Nouakchott, la position libanaise n'a peut-être pas obtenu l'attention nécessaire, mais elle permet au Liban de poser les jalons d'une nouvelle politique plus claire et plus déterminée dans le dossier des déplacés syriens, ouvrant la voie à la possibilité d'en discuter avec toutes les parties concernées. Et, comme le dit la blague libanaise, « toutes, cela veut dire toutes ! ».

 

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commentaires (1)

Le 1er M aurait pu faire une toute petite allusion aux arabes récalcitrants , venus pour détruire du pays et ne pas se mouiller la djellabah pour en recevoir quelques uns chez eux , alors qu'ils ont une grosse responsabilité dans cette situation . Mais comme vous le dites , pas de place à des polémiques stériles et avec des arabes qui ont eux aussi des problèmes à régler chez eux ..

FRIK-A-FRAK

12 h 08, le 29 juillet 2016

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Commentaires (1)

  • Le 1er M aurait pu faire une toute petite allusion aux arabes récalcitrants , venus pour détruire du pays et ne pas se mouiller la djellabah pour en recevoir quelques uns chez eux , alors qu'ils ont une grosse responsabilité dans cette situation . Mais comme vous le dites , pas de place à des polémiques stériles et avec des arabes qui ont eux aussi des problèmes à régler chez eux ..

    FRIK-A-FRAK

    12 h 08, le 29 juillet 2016

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