Comme l'Ouroboros, le serpent mythique qui se mord la queue dans le déni du temps et de ses ravages, la 16e réunion de la table de dialogue national, reflet de toutes les contradictions dans lesquelles se débat le pays, n'a pu se mettre d'accord hier que sur la date de sa prochaine séance, prévue pour le 30 mars.
La réunion s'est en revanche caractérisée par un vif échange entre le chef du Courant patriotique libre (CPL), le ministre Gebran Bassil, représentant son beau-père, Michel Aoun, et le chef des Marada, le député Sleiman Frangié, sur fond de course présidentielle.
Le débat durant la séance a d'ailleurs principalement porté sur l'élection présidentielle, à la demande de plusieurs des participants, notamment le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, le vice-président de la Chambre, Farid Makari, le ministre des Télécoms Boutros Harb et le chef du parti Kataëb, le député Samy Gemayel.
De sources bien informées, la séance a débuté par une allocution du président de la Chambre concernant la loi électorale et les résultats de la commission parlementaire chargée du suivi de ce dossier. « La commission a été incapable de réaliser un quelconque exploit. Je vais ôter la loi électorale de l'ordre du jour », a-t-il indiqué. « Le rôle de la Chambre est fondamental dans la mise en place de lois qui peuvent aider le Liban. Nous n'avons pas de budget. Il faut qu'il y en ait un et la commission des Finances est prête à en discuter. Les commissions travaillent sérieusement et ne produisent pas en raison de l'absence d'action de la Chambre », a ajouté M. Berry.
Cette intervention a incité Samy Gemayel à réagir, pour rappeler que « nous n'avons pas clôturé le débat sur la présidentielle, qui est le premier point à l'ordre du jour ». « Le dialogue a un but, et ne doit pas se transformer en palliatif aux institutions légales et constitutionnelles. Il y a une partie qui a décidé de bloquer l'élection et je ne sais jusqu'à quand. Cela fait deux ans que nous vivons sans État et sans institutions », a-t-il noté, rappelant la position de son parti de ne pas légiférer à l'ombre de la vacance présidentielle.
Sans désapprouver le retour au débat sur la présidentielle, Nabih Berry a rappelé que « cette instance n'est pas décisionnelle, mais procède à des recommandations, dans le but de générer des ententes ».
Boutros Harb
Prenant la parole, Boutros Harb a réclamé du sérieux et de la pratique. « Les gens veulent tous une solution à deux problèmes fondamentaux : les déchets et la présidentielle, surtout avec les répercussions du vide sur les institutions, qui s'effondrent, une preuve étant l'Inspection centrale », a-t-il indiqué.
« Chacun décide du sort du pays seul. Il y a des ministres qui font cavalier seul. Un retour à l'État, ses usages et ses principes est nécessaire. L'ordre du jour de la table de dialogue n'a pas été respecté. Il n'y a pas eu d'accord sur la présidence. La bonne intention (derrière ce dialogue) pourrait avoir des effets négatifs sur nous, puisque le pays et son avenir sont menacés », a ajouté M. Harb.
Le ministre des Télécoms a proposé de donner un mois pour l'élaboration de contacts en vue de s'entendre sur un candidat. Si cela s'avère impossible, il faudra aller à la Chambre et élire un président à la majorité absolue au second tour. Nabih Berry est aussitôt intervenu pour appuyer la première partie de la proposition Harb, suggérant la formation d'un comité de concertation dans ce cadre, mais il a refusé la seconde partie, affirmant s'en tenir à une élection sur base du quorum des deux tiers.
Le tandem Raad-Bassil
Boutros Harb, Fouad Siniora et Farid Makari se sont ensuite adressés au chef du bloc parlementaire du Hezbollah, le député Mohammad Raad, en lui demandant de justifier le blocage présidentiel effectué par le Hezbollah. M. Raad a répondu que « la logique de notre parti est simple et que c'est vous qui refusez de la comprendre », accusant le 14 Mars de bloquer l'élection. Il a reçu l'appui de Gebran Bassil, qui a argué du fait que « le boycott des séances est un droit constitutionnel ». « Ceux qui ne respectent pas le pacte et la majorité populaire et parlementaire veulent nous interdire d'exercer notre droit à nous opposer et à boycotter », a-t-il souligné.
La logique du tandem Raad-Bassil a provoqué des réactions de stupéfaction et d'irritation, notamment chez Boutros Harb, mais aussi chez Samy Gemayel, qui a affirmé : « Puisqu'il n'y a pas de division stratégique autour des candidats, que le consensualisme politique et sectaire est assuré autour des candidats Michel Aoun et Sleiman Frangié, après que le 14 Mars eut choisi ses candidats au sein du 8 Mars, rendons-nous à la Chambre pour élire un président. Le problème est celui de petits comptes politiques de la part d'une partie politique. Est-il permis de bloquer le pays parce que le Hezbollah est incapable de choisir l'un de ses alliés ? » a-t-il noté.
Le chef des Kataëb s'est aussitôt attiré une réponse illico presto de Mohammad Raad : « Nous ne vous le permettons pas. » « J'ai le droit de dire ce que je veux en toute politesse. Allons tenir cette élection. La question n'est ni consensuelle ni autre. Elle est régionale », a répondu M. Gemayel.
L'échange Bassil-Frangié
« Il y a une tentative de minimiser le problème de la présidence de la République, dans une fuite en avant profonde dont le pays souffre depuis 1990 », a repris Gebran Bassil, en réponse à ses détracteurs. « Lorsque nous avons élu un président en 2008, le problème n'a pas été résolu. La majorité populaire ne peut pas s'exprimer à cause de la loi électorale. La Constitution impose un quorum en cas d'absence d'accord. Ce qui se produisait avant Taëf est différent de ce qui se déroule maintenant. Le président avait des prérogatives. La solution est dans un sondage d'opinion, pas des députés », a indiqué M. Bassil. « Pourquoi ne pas profiter des municipales pour faire des élections législatives, en mettant deux urnes côte à côte ? » a-t-il lancé.
C'est alors que Sleiman Frangié a dirigé ses foudres sur M. Bassil : « Ce qui nous a menés à 1990, votre courant, M. Bassil, en assume la responsabilité. » « S'il y avait eu un compromis ce jour-là, les chrétiens n'auraient jamais été traités inéquitablement », a-t-il noté, énumérant les erreurs du cabinet Aoun
« Quant à la représentation populaire, nous étions là avant vous, nous sommes là et le resterons après vous. Depuis 2005, vous parlez en tant qu'opposition, alors que vous êtes au pouvoir. Pourquoi refusez-vous d'assumer la moindre responsabilité ? Nous avons tenu des élections dans nos régions, et les chrétiens ont voté sur base du caza. Michel Murr n'est-il pas représentatif ? Vous n'êtes pas les seuls à représenter les chrétiens. Chacun a sa représentativité, et vous ne pouvez annihiler personne. Nous ne voulons pas vous annihiler, sauf si c'est le sort que vous voulez réserver aux autres », a poursuivi le leader des Marada.
Et d'ajouter : « Quant aux 86 % (pourcentage de soutien dont bénéficierait Michel Aoun après l'accord de Meerab, selon le CPL et les Forces libanaises), le chiffre est celui de la même société de sondage qui avait montré, à l'époque, que la majorité des Libanais étaient en faveur de la prorogation du mandat Lahoud. » « Félicitations pour votre alliance avec les FL », a-t-il également lancé à M. Bassil.
Le chef du CPL a refusé de répondre au leader des Marada, et Nabih Berry a aussitôt levé la séance.
Naturellement, le dossier présidentiel a totalement éclipsé la crise des déchets, soulevée de manière liminaire par le député Talal Arslane à son départ, à l'issue de la réunion.
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La réunion s'est en revanche caractérisée par un vif échange entre le chef du Courant patriotique libre (CPL), le ministre Gebran Bassil, représentant son beau-père, Michel Aoun, et le chef des Marada, le député Sleiman Frangié, sur fond de course présidentielle. LA PRESIDENCE VAUT PLUS QU'UN VIF ECHANGE DE PAROLES.GROS LOT DU LOTO POLITIQUE LIBANAIS IL COMPTE POUR DES CENTAINES DE MILLIONS DE DOLLARS .DONT REVENT NATURELLEMENT TOUS LES PRESIDENTDIABLES MARONITES LIBANAIS. ET QUI SONT PRETS ALLER AU DELA DES ECHANAGES DE VIFS PROPOS. SI SEULEMENT LA SITUATION LE PERMETTAIT.
Henrik Yowakim
16 h 07, le 10 mars 2016