Juillet 2015. À la suite d'un nouvel accord entre Bruxelles et Athènes, la Grèce est maintenue au sein de l'Union européenne (UE). Le Grexit est évité. L'UE vacille mais tient encore sur ses jambes. Plutôt sur une jambe : l'Allemagne, qui a imposé sa vision au reste du Vieux Continent. La gouvernance allemande de l'UE n'est jamais apparue aussi limpide. Angela Merkel est alors la chancelière de l'Europe.
Mars 2016. Les photos du petit Aylan sont déjà oubliées. L'indignation qui a motivé l'accueil de la première vague des réfugiés est vite retombée. L'Europe ferme ses portes. Et redessine ses frontières. Piétinant au passage Schengen et la Convention européenne des droits de l'homme. Les pays de l'Est, menés par le Premier ministre hongrois, Victor Orban, font bloc et désignent le migrant comme le nouvel ennemi. Les pays scandinaves, autrefois présentés comme des sociétés modèles, durcissent leur politique migratoire dans le but de bien faire comprendre aux nouveaux arrivants qu'ils ne sont pas les bienvenus. La France reste plutôt silencieuse et donne l'impression que tout l'enjeu de la crise des migrants réside à Calais. La Grèce est débordée. Et l'Allemagne, ou plutôt sa chancelière, continue de réclamer que l'accueil des réfugiés soit équitablement réparti entre les pays membres. L'UE tremble. L'Allemagne est isolée. « Mama Merkel » est montrée du doigt dans toute l'Europe.
(Lire aussi : L'est de l'Europe fait bloc contre l'Union)
L'arrivée massive des migrants, essentiellement en provenance de Syrie, a dévoilé de profondes fissures au sein de l'Europe. Le Vieux Continent a peur, et l'arrivée de cet « Autre », ni blanc ni chrétien, a ressuscité les fantasmes des croisades, du choc des civilisations ou de la théorie du grand remplacement, poussant l'Europe à s'interroger sur ce qu'elle a de plus fragile : son identité et son projet.
Angela Merkel appelle les autres pays membres à être à la hauteur de la crise. À être à la hauteur de l'histoire. Celle qui était tant décriée pour sa froideur et sa rigidité au moment de la crise grecque n'a désormais plus que deux mots à la bouche : responsabilité et tolérance. La chancelière allemande croit encore en l'Europe et semble être la seule à en avoir une véritable vision. Mais la dynamique n'est pas en sa faveur. L'Union européenne ressemble à une idée « has been » que plus personne n'a envie de défendre. Les extrêmes, la plupart du temps antieuropéens, montent en puissance sur l'ensemble du Vieux Continent et imposent l'identité comme débat central de la vie politique. Une identité qui se définit davantage par le rejet de l'autre que par l'acceptation d'une communauté de destin.
Critiquée jusque dans son propre pays, Angela Merkel fait face au plus grand défi de sa carrière : éviter le naufrage du paquebot européen. Elle, qui a grandi en Allemagne de l'Est et pour qui le projet européen a longtemps ressemblé à un rêve éloigné, doit aujourd'hui apporter une réponse claire et simple à une des questions les plus complexes qui soient : c'est quoi, au juste, l'Union européenne ?
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commentaires (4)
Merkel a confondu le patinage artistique et le surf ...vu sa non-expérience, elle risque d'être emportée par la vague....
M.V.
13 h 48, le 05 mars 2016