Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Tous les chats sont gris

En 1973, on accueillait Dalida à l’AIB...

Découvrir une photo d'archives de la Yolanda devant le théâtre Piccadilly, rue Hamra, et essayer de reconstituer le puzzle d'une de ses nuits à Beyrouth en 1973... Ou carrément s'amuser à la créer de toutes pièces.

Photo DR

Nous sommes en 1973, je venais d'avoir dix-huit ans. Ma majorité avançant à grands pas s'apprêtait déjà à surfer sur les nappes synthé d'un mange-disque orange crachouillant Dalida et Delon, dans un beuglant égypto-italiano-parigot. De quoi faire chavirer les cœurs en chantier de l'adolescence. Cette année-là, sortait donc le single Paroles, paroles, et, pour l'occasion, la chanteuse était de passage à Beyrouth pour deux représentations au théâtre Piccadilly de la rue Hamra. Dopé à une testostérone qui me rendait toute chose, il avait suffi que j'apprenne la nouvelle pour galoper jusqu'à l'aéroport, me laissant aller à la complaisance un peu hystérique, un peu tire-larmes d'une foule de fans attendant leur idole. Je me souviens d'elle, sortant de là. Créature étourdissante, tignasse de lionne, allure de liane, éberluée de nous voir si nombreux à l'accueillir en brandissant nos banderoles fabriquées avec du papier, des crayons et des ciseaux, et nos Dalida, bienvenue à Beyrouth ! Ya ahla w sahla fiki. Et de son timbre noir de houille, noirci de brume, elle s'était excusée : « Je ne peux pas tarder, j'ai un concert tout à l'heure. Mais c'est chouette, je vais manger des falafel ! »

Le coup de peigne de Naïm
À l'arrière d'une Mercedes Benz W114, Dalida fume en réprouvée de la cigarette qui a décroché ce moment sacré, noyé de solitude et de silence. Ce terreau fertile où commençaient déjà à pousser ses pensées sordides. Fayez, le chauffeur, babille sans trêve, lui pointant du doigt le phare de Beyrouth, gonflant la poitrine face à la Grotte aux pigeons et claquant la bise à ses trois doigts croisés « Aklé! Délicieux », lorsque la voiture traverse Ajami ou Chez Popeye, « ils ont une délicieuse pizza au sojok ! ». Mais Yolanda est ailleurs, recroquevillée comme si la vie l'avait rudoyée, contemplant la ville derrière les lunettes noires de son impassibilité. Elle arrive à l'hôtel – on l'avait logée au Phoenicia pour sa proximité de la mer –, fonce dans sa suite, suivie par sa toison d'or et ses malles dorées. Juste le temps de mettre un peu d'ordre à ses cheveux, avec le coup de peigne de Naïm le coiffeur star, un peu plus de noir sur ses grands yeux, et de s'envelopper d'une robe pailletée. De celles qui la séparent de la réalité et taillent ses bras de crawleuse en pleins ouragans.

Itsi bitsi Gigi
Il est vingt heures, rue Hamra, dans la pénombre veloutée du mythique théâtre Piccadilly. Dalida entre en scène, sur ces planches qu'elle connaît, mais qui la présentent à chaque fois comme une apparition sous un spot brumeux. Le regard fléchi et vaguement flétri, elle est mal à l'aise, encagée dans son buste battant, canon à fantasmes et harpon à machos... Elle marmonne un Massa el-kheir Beyrouth et le parterre enflammé la pousse alors à se fendiller pour déterrer toute sa vigueur au piment oriental. Puis, tour à tour, ses mains se voient, distraites, à balayer la sensualité de ses courbes quand elle évoque son jeune de dix-huit ans. Puis elles la dénudent du croupion sur Itsi bitsi petit bikini et lui servent de mantille quand elle convie Gigi l'amoroso...

Les gens la suivent. Ils s'abandonnent à ses mimiques de drama queen, se laissent entortiller dans ses r roucoulants qui sonnent comme un lien de parenté et se font mordre à belles dents sous ses canines de gentille vampirette. Après tout, quels ennuis pouvaient tracasser les Libanais en 1973, si ce n'est le choix cornélien entre l'Express, le Horshoe ou les Caves des Roy pour continuer la soirée ?
Parce que, à l'époque, il y avait toujours une suite à la fête, sans penser au lendemain, en bons torpilleurs de la banalité que nous étions. Dalida l'avait bien compris, et après son concert, elle avait opté pour un dîner au Wimpy, sur la rutilante rue Hamra. Sans craindre la foule et bien avant l'ère de ces matraqueurs de selfies indiscrets, elle avait fait le tour du café, prenant la main de ceux qui l'avaient reconnue. Les regardant, lentement, de ses yeux obliques, comme ternis par la montée d'une brume de mélancolie. Et avant de s'attabler, elle leur avait juste dit, d'un français trébuchant sur de l'italien : « Vous avez le plus beau pays du monde, prenez-en bien soin... »

 

Pour mémoire
Il était une fois, les fabuleuses années de Beyrouth

Nous sommes en 1973, je venais d'avoir dix-huit ans. Ma majorité avançant à grands pas s'apprêtait déjà à surfer sur les nappes synthé d'un mange-disque orange crachouillant Dalida et Delon, dans un beuglant égypto-italiano-parigot. De quoi faire chavirer les cœurs en chantier de l'adolescence. Cette année-là, sortait donc le single Paroles, paroles, et, pour l'occasion, la chanteuse...

commentaires (4)

Epoque entierement revolue ou, a Baalbeck,les Miles Davis soulaient les festivaliers, tout en jaune, en leur tournant le dos ... Le souvenir, lui, est toujours present.

Remy Martin

00 h 10, le 26 février 2016

Tous les commentaires

Commentaires (4)

  • Epoque entierement revolue ou, a Baalbeck,les Miles Davis soulaient les festivaliers, tout en jaune, en leur tournant le dos ... Le souvenir, lui, est toujours present.

    Remy Martin

    00 h 10, le 26 février 2016

  • L'age d'Or du Liban, independant, fier et souverainiste....

    IMB a SPO

    13 h 18, le 25 février 2016

  • DALIDA... SES CHANSONS RAPPELLENT LES BEAUX JOURS D,UNE PERIODE QUI FUT LE COEUR DU ROMANTISME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 40, le 25 février 2016

  • Rézzzâllâh ! Baddak l'haSSine woû Tonnerre à Rien thé-eau-zed qu'ils comPrennent !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 31, le 25 février 2016

Retour en haut