Le secrétaire général du Hezbollah n'avait pas encore achevé son discours de 75 minutes sur le dossier présidentiel que les médias proches du 14 Mars avaient déjà décidé qu'en réalité, ce parti ne veut pas d'une élection présidentielle à ce moment précis. Des propos de Hassan Nasrallah sur les relations « respectueuses » entre le Hezbollah et ses alliés, qu'il s'agisse du CPL, des Marada, ou d'Amal, les médias du 14 Mars n'ont voulu comprendre qu'une chose, c'est que « le sayyed » ne veut pas utiliser son pouvoir sur ses alliés pour les pousser à aller au Parlement et à élire le général Michel Aoun.
Pour les milieux proches du Hezb, la position du parti est toutefois bien plus subtile... et en même temps plus claire. Pour ces milieux, le secrétaire général du parti a réussi à prononcer un discours structuré et détaillé sur un sujet délicat, sans faire de mécontents au sein de son propre camp. Il a clairement raconté le déroulement des événements, entrant même dans les détails, pour expliquer la position de son parti, sans perdre aucun de ses alliés. Ce n'était pourtant pas évident, sachant qu'aussi bien le public aouniste que celui des Marada étaient suspendus à ses lèvres. Hassan Nasrallah a donc clairement répété l'appui de son parti à la candidature du général Aoun, qui reste son premier choix et le restera tant que le général Aoun lui-même le souhaitera.
Indirectement, il est en train de dire à ceux qui voudraient obtenir le retrait de Michel Aoun de la course à la présidence d'en parler avec lui et d'essayer de le convaincre s'ils le peuvent. Pour le Hezbollah, cette question est tranchée et il n'est donc plus besoin d'y revenir et d'essayer de semer le trouble dans les esprits en invoquant une ambiguïté qui n'existe pas. En même temps, Hassan Nasrallah a émis « des critiques bienveillantes » à l'adresse de Sleiman Frangié, en rappelant que le général Aoun était candidat avant l'ancien ministre. Tout en multipliant les signes d'affection et de respect à l'égard de ce dernier, il a précisé que lorsque celui-ci a été approché par des émissaires du chef du courant du Futur, il lui avait conseillé d'en parler avec le général Aoun, tout en acceptant sa volonté de voir ce que ces émissaires pourraient avoir à lui proposer. Mais à aucun moment le Hezbollah n'avait songé à renoncer à la candidature de Michel Aoun puisqu'il s'était engagé « moralement et politiquement » envers lui. Hassan Nasrallah a aussi estimé que « la mise en scène » qui a suivi la rencontre de Paris entre Saad Hariri et Sleiman Frangié était mauvaise, tout en en faisant assumer la responsabilité au camp du Futur. Il a donc en quelque sorte justifié la méfiance du CPL à l'égard de cette proposition, relevant le fait que jusqu'à présent, elle n'a pas encore été officialisée.
Abordant l'appui des Forces libanaises et de leur chef à la candidature du général Aoun, Hassan Nasrallah l'a plus ou moins recadrée, déclarant : « Si votre adversaire appuie votre candidat, vous ne pouvez qu'en être heureux. » Il a ainsi mis un terme aux spéculations des médias du 14 Mars sur un changement de la position du Hezbollah à l'égard de la candidature de Michel Aoun après l'appui de Samir Geagea. Pour lui, c'est le chef des FL qui a modifié sa position, alors que Michel Aoun est resté à sa place. En même temps, le secrétaire général du Hezbollah a minimisé l'importance du pas accompli par Samir Geagea, en affirmant indirectement que cette démarche est « excellente sur le plan interne et notamment chrétien, mais elle n'est pas suffisante pour amener Michel Aoun au palais de Baabda ». Il a ainsi balayé toutes les injonctions lancées ces derniers jours par le chef des Forces libanaises qui lui demandait indirectement de réagir à sa nouvelle alliance avec Aoun.
Et à ceux qui mettent encore en doute l'appui du Hezbollah à la candidature du général Aoun, Hassan Nasrallah a lancé une bombinette en annonçant qu'il est prêt à renoncer à l'idée « du compromis global » si elle se transforme en obstacle devant l'élection de Michel Aoun. Il a précisé ainsi que si l'autre camp est prêt à élire ce dernier, il est prêt de son côté à renoncer à son exigence d'une entente sur une nouvelle loi électorale ou sur un package complet, dont la présidence serait un point et un début. Le secrétaire général du Hezbollah a donc ainsi fait une grande concession sur le plan local... qui n'a pas été relevée par l'autre camp, dont les commentaires sont restés superficiels, axés davantage sur la forme que sur le fond.
Hassan Nasrallah a ainsi montré l'étendue de la confiance que le Hezbollah voue à Michel Aoun, puisqu'il se contente de son élection sans plus exiger d'autres conditions portant sur le fonctionnement de l'État et de ses institutions pendant le nouveau mandat présidentiel.
Au sujet de ses relations avec ses alliés, il a expliqué qu'elles sont basées sur la confiance et le respect. Selon lui, le Hezbollah n'a jamais exigé de ses alliés un alignement sur sa politique. Il lui arrive toutefois de ne pas les informer de certaines de ses initiatives pour les protéger et éviter de les coincer. C'est le cas notamment de sa décision de participer aux combats en Syrie, dont il assume seul la responsabilité. Mais Hassan Nasrallah a aussi laissé entendre que ce n'est donc pas à lui de convaincre les récalcitrants d'appuyer la candidature de Michel Aoun ou de retirer la candidature de Sleiman Frangié. Il a donné la position de son parti, il a même fait une concession de taille... et il a jeté la balle dans le camp adverse.
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commentaires (11)
Un pays tout entier pris en otage par les egos titanesques d'une dizaine d'hommes (petit h). Bravo.
LS
21 h 44, le 01 février 2016