Voilà un certain temps qu'ils se réconciliaient à feu doux, « le courageux petit général » et « le lévrier dangereux et furtif », ainsi que les surnommait la presse française en leurs années de gloire et nos années perdues. Certes, il n'y a rien de mal à se réconcilier. C'est même très bien, on ne va pas faire les pisse-froid quand tout le monde semble à la fête. On va tenter d'oublier les épouvantables ravages de leur guerre fratricide, de faire une croix sur nos morts et le passé, d'oublier leurs alliances létales et nos alignements pathétiques à leurs causes étroites. On va tenter de les croire et faire ce grand sourire ébloui et béat que l'on a quand on voit un miracle. « Tout l'art de la guerre est basé sur la duperie », dit Sun Tzu. La paix procède sans doute du même principe.
Ils étaient beaux, tiens, dans leurs costumes sombres et bien coupés de notables, eux que l'on connut en campagne, treillis fané, regard terne, le cerne jusqu'au menton et les joues ombrées de barbe et d'inquiétude. Frais et souriants, eux que l'on ne connut que sinistres ; et même riant et tentant un peu d'esprit quand longtemps ils n'eurent à la bouche que menaces et harangues. Ils se serrent la main, la poignée est ferme, chaleureuse juste ce qu'il faut, déterminée. Ils s'embrassent, chrétiens, deux joues gauches on vous dit, qu'ils se tendent de bonne grâce.
Et donc c'est fait. Geagea a intronisé Aoun et Aoun a baissé le front pour recevoir l'ineffable couronne du sacre. Roulement de tambours, on sort les mouchoirs, les deux pôles ennemis du Liban maronite s'aiment désormais au grand jour. Ils nous rejouent France-Allemagne, on croit voir De Gaulle et Adenauer signant le traité de l'Élysée, Mitterrand et Helmut Kohl se tenant la main à l'ossuaire de Douaumont, Merkel s'appuyant tendrement à l'épaule de François Hollande au lendemain des attentats de Paris. Bientôt, peut-être, ils nous offriront une chaîne culturelle commune, genre Arte, et même un jumelage entre Rabieh et Meerab.
Que l'on s'en émeuve, s'en réjouisse ou que l'on grince des dents, l'usure fait qu'un jour ou l'autre les grands conflits s'achèvent ainsi, aussi bêtement qu'ils ont commencé.
On ne boude pas la paix. On déplore la manière. Certes, Geagea comme Aoun, Geagea beaucoup plus douloureusement que Aoun, ont expié entre prison et exil le bain de sang dont ils furent la cause entre les années 80 et le début de la décennie 90. Mais on aurait souhaité plus d'humilité, moins d'hilarité en une circonstance propre à réveiller tant d'amertumes auprès de tant et tant de gens meurtris. On aurait souhaité, tant qu'à conclure cette réconciliation historique, qu'y soient associés, par un geste, un symbole, une expression commune de regret, un rien d'émotion, les familles endeuillées et les combattants sacrifiés d'un conflit dont l'utilité n'a jamais été prouvée.
À Douaumont, le glas avait retenti, et on avait donné la sonnerie aux morts en présence de 5 000 anciens combattants. Une gerbe avait été déposée sur un catafalque recouvert des drapeaux français et allemand. Il y avait eu du silence, du recueillement, de la solennité. À Meerab on s'est donné de grandes tapes dans le dos, on a bien rigolé et puis on a découpé un gâteau. Aux couleurs du drapeau libanais.
commentaires (12)
juste des bandes d'aigri ces libanais !! ils ne valent vraiment pas la peine de ce fatiguer pour eux
Bery tus
18 h 40, le 21 janvier 2016