Deux événements majeurs sont venus sortir la scène politique de sa stagnation quasi permanente. Il s'agit d'abord de la relaxe de l'ancien ministre Michel Samaha, qui avait été jugé pour terrorisme et détention d'explosifs, et a purgé une peine de quatre ans et demi de prison (trois ans et demi de facto, l'année judiciaire étant de neuf mois) avant d'être relâché par la Cour militaire.
Il avait été arrêté le 9 août 2012 en flagrant délit de transport d'explosifs pour le compte du chef des services de sécurité syriens, le général Ali Mamlouk. Ceux-ci étaient destinés à être utilisés dans des attentats terroristes à caractère confessionnel. Il avait reconnu alors « sa grande erreur ». L'ancien député et ministre a été libéré sous caution monétaire de 150 millions de livres (100 000 dollars), accompagnée d'une interdiction d'aborder son affaire en public, y compris sur les réseaux sociaux, et de voyager pendant un an, à dater de sa remise en liberté. Son passeport libanais lui a été confisqué.
Dans les milieux du 14 Mars, ce développement a eu l'effet d'une bombe et a poussé les partisans de ce mouvement à se rebeller contre ce qu'ils considèrent être la résurgence des années de tutelle syrienne. Ils ont ainsi repris certains des slogans qui avaient alors été brandis après l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri. Pour les jeunes du courant du Futur et du PSP, cette décision, bien que purement judiciaire et d'apparence légale, porte en elle la marque du retour en force de la tutelle syrienne au Liban et plus précisément au sein de ses organes sécuritaires. L'ancienne présidente de la Cour de cassation militaire Alice Chaptini – aujourd'hui ministre des Déplacés – estime à cet égard qu'en dépit du fait que cette décision est intrinsèquement légale, il n'en demeure pas moins qu'elle est considérée inacceptable par une majorité de Libanais, comme le démontrent les commentaires publiés sur les réseaux sociaux.
Du côté du Hezbollah, on tient également à se laver les mains de l'affaire Samaha. Une source du parti a ainsi affirmé à cet égard n'avoir « jamais soutenu l'ancien ministre et s'être abstenue de tout commentaire durant les quatre années pendant lesquelles il purgeait sa peine. Et même après cela, nous n'avons fait aucun commentaire et nous nous en abstiendrons à l'avenir ». Plus largement, au sein du 8 Mars, nul ne souhaite le retour de M. Samaha en politique et parmi les composantes de ce courant car « ce qu'il a fait ne peut être justifié ».
Le 8 Mars n'a en outre aucune envie de se sentir encore plus piégé qu'il ne l'est après l'événement majeur de cette semaine : la validation par Samir Geagea et le parti des Forces libanaises de la candidature de Michel Aoun à la présidentielle. Le second grand événement politique qui a secoué une scène politique plus habituée à la stagnation qu'à l'électrochoc.
Cet accord qualifié par ses auteurs d'historique a eu pour effet immédiat de renvoyer la balle de l'échéance présidentielle dans le camp du Hezbollah et de dévoiler l'origine du blocage qui sévit, à ce niveau, depuis plus de 18 mois. Le Hezbollah a ainsi affirmé dans la foulée de l'accord que ce dernier « ramène la situation au point de départ », même si techniquement, il subsiste toujours deux candidats à la présidentielle : Michel Aoun, désormais soutenu par la grande majorité des chrétiens, et Sleiman Frangié. Et que tous deux sont sans conteste des alliés traditionnels du Hezbollah. C'est en cela que le refus du Hezbollah de prendre acte de cette nouvelle donne laisse transparaître sa réelle volonté de bloquer la tenue d'une élection présidentielle.
Moins d'une heure après l'accolade Geagea-Aoun qui a eu lieu à Meerab, c'est un Sleiman Frangié déterminé qui affirmait sur le perron de Bkerké qu'il maintenait malgré tout sa candidature. Une façon comme une autre de démontrer que l'initiative de Samir Geagea a eu pour effet de paralyser une nouvelle fois l'échéance présidentielle, car le Hezbollah refuse toujours de se rendre à l'hémicycle afin de départager les deux candidats puisqu'il s'estime perdant quelle que soit la personne qui sera élue à la présidence de la République.
En fait, à en croire une source du Quai d'Orsay, l'Iran se refuse toujours à séparer le dossier libanais du volet syrien. Cette source ajoute que l'initiative de Samir Geagea vise à « gêner le Hezbollah », car aujourd'hui il devient de plus en plus difficile pour lui de justifier sur le plan interne son refus de participer à des élections dans lesquelles les candidats sont tous ses alliés traditionnels. Or la France est de plus en plus préoccupée par la situation économique au Liban à l'aune du vide institutionnel qui y règne. Et c'est probablement de cela qu'il sera question dans les discussions qu'auront bientôt le président français François Hollande et son homologue iranien Hassan Rohani. Le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius fera de même lorsqu'il rencontrera le roi d'Arabie saoudite.
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commentaires (5)
En aucune façon abondance de bien ne pourrait nuire. ! On indexe le parti de la résistance et déjà on l'accuse de ce qu'il n'a pas commis. Pourquoi ne dirait on pas à Saad de rompre son officiellement son engagement avec Sleiman , ensuite avec l'accord Aoun Geagea on pourra juger des intentions du hezb résistant ! Évidemment qu'il y a des connexions entre la Syrie et le Liban, comme il y en aurait entre la bensaoudie et le Liban et entre l'Iran et la Syrie et la bensaoudie et la Syrie etc..... c'est pas nouveau et on le sait tous, mais pourquoi serait elles, ces connexions toujours plus suspectes quand il s'agit de l'axe de la résistance ? On est en terrain miné et les gestes apparents sont tjrs les plus difficiles à interpréter. Mais en aucune façon le hezb ne renoncerait à voir son allié le phare Aoun au trône, il sait ce qu'il lui en coûterait de rompre l'alliance qui les lie. Je souhaiterai voir le fl et le hezb se rencontrer, ça serait quelque chose de positif en soi, mais je n'en vois pas l'intérêt immédiat pour le puissant parti de la résistance ! Je dirai même qu'il a encore beaucoup à faire sur l'international.
FRIK-A-FRAK
13 h 38, le 20 janvier 2016