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Liban - Disparition

Adieu, maestro !

Il était l'un des derniers plus grands géants du premier âge de la République.

C’était l’homme des grandes missions. Fouad Boutros, le ministre qui a donné ses lettres de noblesse à la politique étrangère du Liban, s’est éteint hier à l’âge de 98 ans. Découvert par Fouad Chehab, il avait assumé divers portefeuilles ministériels, avant de présider la commission chargée de l’impossible mission d’établir une nouvelle loi électorale. Faisant parfois preuve d’une lucidité proche du pessimisme, il luttait pour garder la foi dans le Liban.

Il était l'un des derniers géants du premier âge de la République, ainsi que l'un des principaux piliers de la diplomatie libanaise, à laquelle il avait donné ses lettres de noblesse, avant les années de servilité qui allaient suivre. L'ancien ministre et député grec-orthodoxe de Beyrouth Fouad Boutros s'est éteint dimanche, à 12h30, à l'âge de 98 ans.

Ministre de l'Éducation nationale et du Plan en 1959, député de Beyrouth, vice-président de la Chambre des députés en 1959 et 1960, ministre de la Justice entre 1961 et 1964, ministre des Affaires étrangères en 1968 et de 1976 à 1982, puis de la Défense entre 1976 et 1978, il fut surtout, à chacune de ces responsabilités, un ardent et farouche défenseur de la souveraineté du pays.

M. Boutros fut l'un des ténors du chéhabisme, école politique dont il incarnait l'ombrageux souci de souveraineté et les vertus de conscience et de travail. Grâce à sa ténacité et des principes intangibles, il avait réussi à donner de l'envergure à la politique étrangère du Liban. Il s'était imposé sous le mandat d'Élias Sarkis comme un interlocuteur pur et dur du régime syrien. Sa réputation avait dépassé le cadre libanais et était particulièrement appréciée des chancelleries occidentales et arabes, ainsi que par certains décideurs étrangers qui le consultaient souvent pour prendre le pouls du pays.

Il avait une vision lucide, parfois qualifiée de pessimiste, de la situation du Liban. Il répondait, avec une pointe d'humour, à ceux qui le lui reprochaient : « Le pessimiste, c'est celui qui voit le blanc noir. Mais celui qui voit le noir en noir, lui, a une vue parfaite. Ceci étant, baisser les bras n'est que fuite et faiblesse. L'espoir doit perdurer malgré toutes les embûches qui entravent notre chemin. Nous continuerons à défendre notre intégrité car nous avons foi en ce Liban, notre seule patrie. »
Fouad Boutros se distingua, dans les années 90 et jusqu'en 2005, par sa présidence de la commission chargée d'élaborer une nouvelle loi électorale. Son projet, fait d'un mélange de majoritaire et de proportionnelle, demeura toutefois sous forme d'hypothèse de travail.

 

(Pour aller plus loin, découvrez les mémoires de Fouad Boutros)



En juillet 2011, alors qu'il recevait le prix Élias Hraoui, Mouna Élias Hraoui témoignait de sa sagacité. « Je me souviens encore des réactions du président Élias Sarkis, avait-elle dit. Ce dernier, après avoir écouté l'avis de plusieurs ministres, finissait toujours par recueillir l'avis de Fouad Boutros et s'y rendait généralement. Par son réalisme exemplaire, il ressemblait au cèdre, dont les racines sont profondément enfouies dans le sol libanais et dont les branches enlacent le ciel. Fouad Boutros est l'un des grands de ce pays qui ont marqué l'histoire du Liban. »
Meurtri par le conflit libanais, lui-même s'interrogeait, dans les dernières années de sa vie : « Qu'est devenu le Liban de la beauté et de la sérénité ? Celui vers lequel accourent les hommes libres et les penseurs quand leurs horizons s'assombrissent ailleurs ? Celui de l'indépendance et du vivre-ensemble ? »

En septembre 2011, l'État se rattrapa en accordant à Fouad Boutros le rang de grand officier dans l'ordre du Cèdre. La décoration fut remise par le président Michel Sleiman à « l'homme du dialogue, de la diplomatie tranquille ». Aujourd'hui parti sur la pointe des pieds.

Hariri : « Une page glorieuse de l'histoire du Liban »
Réagissant à la nouvelle, l'ancien Premier ministre Saad Hariri a affirmé, hier, dans une série de tweets, qu'avec la disparition de Fouad Boutros, « une page glorieuse de l'histoire politique et diplomatique du Liban est tournée ».
« M. Boutros a été une valeur ajoutée au ministère des Affaires étrangères, et son action restera gravée dans les annales arabes et internationales. De par sa mission aux Affaires étrangères, il a réussi à faire de ce ministère un lieu de défense de la République et de ses principes démocratiques », a écrit M. Hariri. « L'histoire évoquera le rôle de M. Boutros aux côtés de l'ancien président de la République, Fouad Chéhab, dans la construction d'un État moderne. Elle se rappellera également de son rôle aux côtés de Rafic Hariri dans la préservation de l'unité de la capitale », a-t-il dit.

L'ancien Premier ministre Nagib Mikati a estimé pour sa part que « le Liban a perdu une personnalité politique et diplomatique de premier plan ». « M. Boutros a eu beaucoup de prises de position remarquables durant la guerre civile. Il a également condamné les exactions israéliennes au cours de son travail diplomatique, s'est souvenu M. Mikati. C'était un fin négociateur, possédant intelligence, culture et courage, des qualités qui en ont fait un des hommes forts de la politique libanaise. »

Le secrétariat du 14 Mars a publié un communiqué affirmant que « le Liban a perdu aujourd'hui une grande figure nationale, un grand juriste et un grand homme de loi qui a laissé ses marques sur la vie nationale et politique grâce à sa droiture et sa défense de la souveraineté du Liban et de son indépendance. Voilà un homme qui a été témoin de toutes les phases de la vie nationale et qui a défendu le Liban jusqu'au dernier souffle », a conclu le communiqué.

Les obsèques de Fouad Boutros auront lieu demain mardi à 13h30 en l'église Saint-Nicolas, à Achrafieh.

 

Lire aussi
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Pour mémoire
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Le style Fouad Boutros

Il était l'un des derniers géants du premier âge de la République, ainsi que l'un des principaux piliers de la diplomatie libanaise, à laquelle il avait donné ses lettres de noblesse, avant les années de servilité qui allaient suivre. L'ancien ministre et député grec-orthodoxe de Beyrouth Fouad Boutros s'est éteint dimanche, à 12h30, à l'âge de 98 ans.Ministre de l'Éducation...

commentaires (6)

Les Sains libanais de toutes obédiences se disaient qu’à cause de ces satanés Malsains syro-palestino-libanais, ce n’était pas un rêve qu’ils étaient en train de faire mais bien un cauchemar. Fait de feu, de mort et d’humiliation avec la peur jusqu’à la moelle, et une haine si profonde pour ces Malsains que toute confiance était impossible ! Il fallait se faire une raison. Fouad Boutros n’était pas seulement l’héritier de Fouad Chéhab. Il était aussi, que cela plaise ou non, que cela lui plaisait ou non, l’héritier des Sains libanais ; musulmans et chrétiens ; de tous ces Sains : les doux et les tous sévères, les modérés et les allumés dont les enfants le regardaient depuis tous enthousiasmés. Il les avait tous dans ses gènes ! Et il est formidable que les dissemblances du monde libanais Sain, que l’on croyait parfois incompatibles, aient pu finalement aboutir à cette magnifique adhérence aux thèses si irrésistibles de ce même Fouad Boutros. Mais il fallait aussi pour consolider tout ceci, que celui-ci encore assez proche des "purs" Nahjistes, fut atténué et comme émoussé par la belle maturité qui caractérise l’homme politique idéal chez ces Sains comme chez d'autres. Fouad Boutros l’avait compris. Et c’était merveilleux de le voir, au plus rude de cette joute, en styliste affûté tolérant les divergences mais évitant les affrontements. Empruntant le milieu du guet, voie des véritables hommes d’État qui savent que la bataille se gagne le plus souvent au mitan !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 00, le 04 janvier 2016

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Commentaires (6)

  • Les Sains libanais de toutes obédiences se disaient qu’à cause de ces satanés Malsains syro-palestino-libanais, ce n’était pas un rêve qu’ils étaient en train de faire mais bien un cauchemar. Fait de feu, de mort et d’humiliation avec la peur jusqu’à la moelle, et une haine si profonde pour ces Malsains que toute confiance était impossible ! Il fallait se faire une raison. Fouad Boutros n’était pas seulement l’héritier de Fouad Chéhab. Il était aussi, que cela plaise ou non, que cela lui plaisait ou non, l’héritier des Sains libanais ; musulmans et chrétiens ; de tous ces Sains : les doux et les tous sévères, les modérés et les allumés dont les enfants le regardaient depuis tous enthousiasmés. Il les avait tous dans ses gènes ! Et il est formidable que les dissemblances du monde libanais Sain, que l’on croyait parfois incompatibles, aient pu finalement aboutir à cette magnifique adhérence aux thèses si irrésistibles de ce même Fouad Boutros. Mais il fallait aussi pour consolider tout ceci, que celui-ci encore assez proche des "purs" Nahjistes, fut atténué et comme émoussé par la belle maturité qui caractérise l’homme politique idéal chez ces Sains comme chez d'autres. Fouad Boutros l’avait compris. Et c’était merveilleux de le voir, au plus rude de cette joute, en styliste affûté tolérant les divergences mais évitant les affrontements. Empruntant le milieu du guet, voie des véritables hommes d’État qui savent que la bataille se gagne le plus souvent au mitan !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 00, le 04 janvier 2016

  • Les Sains libanais de toutes obédiences se disaient qu’à cause de ces satanés Malsains syro-palestino-libanais, ce n’était pas un rêve qu’ils étaient en train de faire mais bien un cauchemar. Fait de feu, de mort et d’humiliation avec la peur jusqu’à la moelle, et une haine si profonde pour ces Malsains que toute confiance était impossible ! Il fallait se faire une raison. Fouad Boutros n’était pas seulement l’héritier de Fouad Chéhab. Il était aussi, que cela plaise ou non, que cela lui plaisait ou non, l’héritier des Sains libanais ; musulmans et chrétiens ; de tous ces Sains : les doux et les tous sévères, les modérés et les allumés dont les enfants le regardaient depuis tous enthousiasmés. Il les avait tous dans ses gènes ! Et il est formidable que les dissemblances du monde libanais Sain, que l’on croyait parfois incompatibles, aient pu finalement aboutir à cette magnifique adhérence aux thèses si irrésistibles de ce même Fouad Boutros. Mais il fallait aussi pour consolider tout ceci, que celui-ci encore assez proche des "purs" Nahjistes, fut atténué et comme émoussé par le vernis de componction qui caractérise l’homme politique idéal chez ces Sains comme chez d'autres. Fouad Boutros l’avait compris. Et c’était merveilleux de le voir, au plus rude de cette joute, en styliste affûté tolérant les divergences mais évitant les affrontements. Empruntant le milieu du guet, voie des véritables hommes d’État qui savent que la bataille se gagne le plus souvent au mitan !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    13 h 50, le 04 janvier 2016

  • DE FEU FOUAD BOUTROS, AUX LETTRES DE NOBLESSE, ON EST À BASSILOS AUX LETTRES DE FAIBLESSE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 14, le 04 janvier 2016

  • Fouad Boutros était le ministre de la grandeur de la Patrie et non le ministre de la corruption généralisée. C'est tout dit.

    Un Libanais

    11 h 51, le 04 janvier 2016

  • A côté d'un tel géant, Mr. Gendre nous apparaît encore plus petit!

    Yves Prevost

    06 h 30, le 04 janvier 2016

  • "Il était l'un des derniers plus grands géants du premier âge de la République, ainsi que l'un des principaux piliers de la diplomatie libanaise, à laquelle il avait donné ses lettres de noblesse, avant les années de servilité (et de décadence choquante) qui allaient suivre." En une phrase, l'OLJ dit tout sur la grandeur et la noblesse de Fouad Boutros. Après cet homme, plus que jamais la sensation que les grands de cette République sont partis, et qu'il n'y reste que des nains. Je regrette d'avoir à le dire.

    Halim Abou Chacra

    05 h 29, le 04 janvier 2016

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