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Nos Lecteurs ont la Parole - Fouad ABOU NADER

Lettre ouverte à messieurs Berry et Salam

Pas d'indépendance véritable sans neutralité positive et permanente garantie internationalement

Le Liban se trouvant actuellement sans chef de l'État, je m'adresse à Son Excellence Nabih Berry, chef du Parlement, et à Son Excellence Tammam Salam, chef du gouvernement.

Excellences,
À l'occasion de la fête nationale, nous commémorons l'indépendance dont il ne reste presque plus rien, les « responsables politiques » l'ayant hypothéquée auprès des puissances régionales et internationales. Pour qu'il y ait une indépendance véritable, il est nécessaire d'adopter une neutralité positive et permanente garantie internationalement. Le Liban est formé de différents groupes culturels, chrétiens, musulmans et druzes, eux-mêmes formés de différentes communautés religieuses, qui se craignent et parfois conspirent les uns ou les unes contre les autres non sans recourir au concours d'une puissance étrangère (à laquelle est alors prêtée allégeance...). Sans neutralité du Liban, cette diversité est tantôt une richesse intrinsèque et une force tantôt une faiblesse structurelle et un talon d'Achille. La neutralité, à condition qu'elle soit positive et permanente garantie internationalement, offrirait au Liban paix, stabilité et protection contre les ingérences extérieures, éliminerait la peur de l'autre, créerait un sentiment d'appartenance nationale et citoyenne aux Libanais sur lequel pourra enfin s'édifier un véritable État afin que le territoire libanais ne soit plus le théâtre de conflits régionaux et internationaux à répétition paralysant l'État jusqu'à empêcher l'organisation d'élections législatives et présidentielles et même... le ramassage et le traitement des ordures !

Rappeler aux Arabes l'indépendance de la politique étrangère du Liban
Le Protocole d'Alexandrie du 7 octobre 1944, document fondateur de la Ligue arabe, reconnaît la déclaration gouvernementale libanaise du 7 octobre 1943 : l'indépendance complète et véritable du Liban, l'indépendance de sa politique étrangère, sa souveraineté nationale exclusive et l'intégrité des frontières libanaises internationalement reconnues, sans le recours à une protection occidentale ni à une unité ou une union avec les Arabes.

Le Liban doit être neutre et sa neutralité doit être garantie internationalement
Dans L'Orient du 10 mars 1949, Georges Naccache écrit qu'il ne peut y avoir d'unité et d'État en tant que tel dans le cadre de la formule « ni Orient ni Occident », car celle-ci repose uniquement sur une alliance (par définition instable et limitée dans le temps) entre deux leaders et ne peut pas être une doctrine d'État, deux « non » ne pouvant pas en politique produire un « oui ». Il conclut par : « Le Liban, par peur d'être simplement ce qu'il est, et à force de ne vouloir être ni ceci ni cela, s'aperçoit qu'il risque maintenant de n'être plus rien du tout. Nous payons l'utopie des embrassades historiques de Gemmayzé et de Basta : un État n'est pas la somme de deux impuissances – et deux négations ne feront jamais une nation. » L'accord de Taëf, imposé au Liban tel un diktat, a aggravé la situation, car le texte lie l'entente interlibanaise à l'entente libano-syrienne. Ce n'est plus un pacte national entre deux parties libanaises, mais un pacte entre trois parties, la troisième, non libanaise, en l'occurrence la Syrie, n'ayant même pas signé le texte. Le traité de fraternité a d'ailleurs scellé l'Anschluss avec la Syrie. L'accord de Taëf et le traité de fraternité sont une grave négation de l'indépendance et de la souveraineté du Liban. Les institutions libanaises sont d'ailleurs paralysées depuis le début de la guerre en Syrie.
Pour édifier un État, créer un sentiment d'appartenance nationale et citoyenne chez les Libanais et forger leur unité, il est nécessaire que le Liban assume ce qu'il est ou veut être, et le fasse comprendre à l'Occident, à la Russie, aux Arabes, à l'Iran et au Vatican. Sans cela, le Liban finira par disparaître. C'est pourquoi, ma conviction est que le Liban doit être neutre et dire « oui » à l'Occident et « oui » à l'Orient dans le strict respect de son indépendance et de sa souveraineté. Cette neutralité doit être garantie internationalement. Si l'Autriche a pu en bénéficier après la Seconde Guerre mondiale, il existe deux exemples plus récents. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (880) du 4 novembre 1993 « demande à tous les États de respecter la souveraineté, l'indépendance, l'intégrité et l'inviolabilité territoriales, la neutralité et l'unité nationale du Cambodge ». Le 12 décembre 1995, le Turkménistan a vu sa neutralité permanente reconnue internationalement par une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies (50/80) et soutenue par tous les États membres.

Pour une neutralité positive et permanente, et une indépendance véritable
Fragilisé par des tensions intestines incessantes entre communautés, groupes culturels ou factions qui conspirent les uns ou les unes contre les autres, le Liban est le théâtre de conflits régionaux et internationaux. Bénéficiant de relais au Liban qui leur ont prêts allégeance, les acteurs régionaux et internationaux s'y retrouvent pour s'y confronter par procuration. Confrontation qui provoque au mieux une crise politique et au pire une lutte armée interne. Il faut tirer les leçons du passé et adopter la neutralité positive qui met à l'abri le Liban et qui loin d'être de l'isolationnisme ou un repli est une ouverture au monde. Le Liban remplira alors sa mission en devenant le centre de dialogues interculturel et interreligieux.
Le Liban doit également se proclamer neutre en permanence : les Libanais refuseraient pour toujours que leur pays soit le théâtre de conflits et qu'ils en soient des acteurs. La neutralité permanente mettrait ainsi le Liban à l'abri et garantirait son indépendance et sa sécurité.

Les causes arménienne et palestinienne, le terrorisme islamiste, le jihadisme et le takfirisme, les Syriens et le Hezbollah
La neutralité suisse est permanente et absolue. Au contraire, la neutralité positive et permanente du Liban garantie internationalement ne remettrait pas en question ni le soutien du Liban à la cause arménienne pour la reconnaissance du génocide par les Ottomans ni son appui à la cause palestinienne en Palestine. La formule « le Liban est avec les Arabes lorsqu'ils sont d'accord et neutre lorsqu'ils ne le sont pas » signifie exclusivement l'appui du Liban à la cause palestinienne pourvu que les Palestiniens respectent sa souveraineté. Les Palestiniens se trouvant au Liban doivent donc être désarmés, y compris à l'intérieur de leurs camps, conformément à la décision du Parlement libanais d'annuler l'accord du Caire. L'extraterritorialité des camps palestiniens doit prendre fin. Cette neutralité ne remettrait pas non plus en question la lutte du Liban contre le terrorisme islamiste, le jihadisme et le takfirisme, et toute possible coopération interétatique dans ce cadre. Sur ces bases et par sa nature, cette neutralité serait à même de rassurer toutes les communautés et les factions libanaises, surtout les communautés sunnite et chiite, le courant du Futur et le Hezbollah. Cette neutralité forgera l'unité des Libanais et édifiera un État fort doté d'institutions civiles et militaires solides, conditions d'une indépendance véritable.

Excellences,
Sans président de la République, c'est le rôle du gouvernement de rappeler aux Arabes l'indépendance de la politique étrangère du Liban et celui du Parlement et du gouvernement de voter, d'une part, la modification de la Constitution en vue d'y affirmer la neutralité positive et permanente du Liban et, d'autre part, que le Liban demande officiellement aux Nations unies que sa neutralité soit garantie internationalement. Il est temps que les « responsables politiques » mettent un terme à leur déni des réalités et assument courageusement celles-ci en adoptant ces solutions qui permettront au Liban d'accéder à une indépendance véritable et de bénéficier d'une stabilité définitive.

Fouad ABOU NADER
Ancien chef des Forces libanaises

Le Liban se trouvant actuellement sans chef de l'État, je m'adresse à Son Excellence Nabih Berry, chef du Parlement, et à Son Excellence Tammam Salam, chef du gouvernement.
Excellences,À l'occasion de la fête nationale, nous commémorons l'indépendance dont il ne reste presque plus rien, les « responsables politiques » l'ayant hypothéquée auprès des puissances régionales et...

commentaires (9)

A qui vous vous adressez ? Eux ne feront rien. Adressez vous au peuple, invites le a descendre dans la rue, c'est notre seule et unique recours désormais pour aboutir aux changements espérés. Ignace Keirouz

Keirouz Ignace

11 h 44, le 25 novembre 2015

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • A qui vous vous adressez ? Eux ne feront rien. Adressez vous au peuple, invites le a descendre dans la rue, c'est notre seule et unique recours désormais pour aboutir aux changements espérés. Ignace Keirouz

    Keirouz Ignace

    11 h 44, le 25 novembre 2015

  • Merci, Monsieur Fouad ABOU DADER ! Puissent "Leurs Excellences" lire ou se faire lire cet article, qui résume tout !!! Mais je doute fort qu'elles soient tant soit peu réceptives...étant trop engluées dans le magma actuel qui régit notre pauvre pays... Et qui profite tellement à certains ! Est-il permis encore de rêver à ce futur Liban qui devrait être comme vous le décrivez parfaitement et que beaucoup d'entre nous souhaitons de tout notre coeur ? Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 07, le 25 novembre 2015

  • Et ce n'est qua ce moment-la et nul autre que le Liban deviendra reellement et finalement synonyme de Nirvana ...

    Remy Martin

    16 h 05, le 24 novembre 2015

  • La déclaration de Baabda élaborée par le Président de la République Michel Sleiman est un engagement patriotique aussi important que le Pacte de 1943. Elle est plus importante que les accords de Taéf et Doha réunis. Elle fut signée par toutes les composantes politiques du pays y compris par le Hezbollah et le CPL. Avant que l'encre de leurs signatures ne sèche, le Hezbollah et son bachi-bouzouk Michel Aoun ont craché sur leurs signatures, l'ont dénoncée en lui attribuant tous les malheurs du monde arabe et surtout de la "Résistance" !!! Falej la taalej.

    Un Libanais

    12 h 46, le 24 novembre 2015

  • "Son Excellence Nabih Berry, chef du Parlement, et à Son Excellence Tammam Salam, chef du gouvernement." ! et puis : "Nous commémorons l'indépendance dont il ne reste plus rien, les (responsables politiques) l'ayant hypothéquée auprès des puissances régionales et internationales." ! Il ne les vise quand même pas, aux "excellences" iraniennes et saoudiennes !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 11, le 24 novembre 2015

  • SUPERBE ARTICLE ! L'APPEL ET LES VOEUX D'UN VRAI LIBANAIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 53, le 24 novembre 2015

  • Bravo pour cet appel, le fond de son contenu est certainement la seule planche de salut de cette terre message, pluricommunautaire et multiculturelle, terre refuge, terre de tolérance et de paix. "Le mouvement pour la neutralité et la paix du Liban", naitra officiellement, incessamment,ses membres divers,appartenants à la société civile militent depuis quelques années dans ce sens. Un programme et une plateforme de rencontres au niveau national sera bientôt annoncée. Votre apport sera certainement le bienvenu.

    Salim Dahdah

    09 h 10, le 24 novembre 2015

  • Tout à fait d'accord! Juste deux précisions: - "l'appui du Liban à la cause palestinienne" ne doit pas être militaire (pas question de recommencer 2006). - l'indépendance du Liban passe évidemment par le désarmement de la milice iranienne.

    Yves Prevost

    07 h 38, le 24 novembre 2015

  • Merci Cher Fouad de ce rappel historique et prospectif : vous décrivez parfaitement ce qui serait le bien commun au Liban. Vive cette neutralité positive, qui rassurerait et fédérerait toutes nos communautés sans remettre en cause leur diversité pacifique.

    Aractingi Farid

    06 h 49, le 24 novembre 2015

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