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L'UE critique la Turquie sur les droits de l'homme et les "graves reculs" de la liberté d'expression

"Les Européens sont un peu obligés de manger dans la main d'Erdogan", reconnait un diplomate européen. "Il peut, s'il le veut, ouvrir les vannes et laisser venir des centaines de milliers de réfugiés en Europe".

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, lors d'une visite à Bruxelles, le 5 octobre 2015. FRANCOIS LENOIR/Reuters

L'Union européenne a critiqué mardi le bilan en matière de droits de l'Homme et les "graves reculs" de la liberté d'expression en Turquie, au moment où elle tente de convaincre Ankara de faire davantage pour freiner l'exode sans précédent de migrants vers l'Europe.

Les critiques sont "injustes et même disproportionnées", a immédiatement réagi le ministère turc des Affaires européennes, qualifiant en outre d'"inacceptables" les commentaires sur les pouvoirs exercés par le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan.

"Sur l'année écoulée, des manquements significatifs ont touché l'indépendance de la justice, ainsi que la liberté de réunion et la liberté d'expression", avait déclaré quelques heures plus tôt le commissaire à l'Elargissement, Johannes Hahn, en présentant devant le Parlement européen le rapport annuel sur les progrès de la Turquie vers une adhésion à l'UE.

Le rapport de la Commission "souligne la tendance générale négative pour le respect de l'Etat de droit et des droits fondamentaux" et appelle le nouveau gouvernement turc à "répondre à ces priorités urgentes".
Bruxelles déplore de "graves reculs" depuis deux ans en ce qui concerne la liberté d'expression et de réunion, à la suite de la répression contre les manifestations antigouvernementales de 2013.

M. Hahn a, lui, regretté "les pressions et intimidations de journalistes et de médias, ainsi que les amendements de la loi sur internet qui permettent de bloquer des contenus médiatiques" sur la toile, alors que la Turquie compte un nombre record de journalistes emprisonnés et que les autorités ont récemment pris le contrôle de plusieurs chaînes de télévision critiques du pouvoir.
Côté turc, le ministère a de son côté souligné que le gouvernement avait fait adopter plusieurs réformes pour renforcer un pouvoir judiciaire "indépendant et objectif" et la liberté d'expression en général. Mais il a également affirmé prendre note des "critiques justes et raisonnables" de Bruxelles.

La publication de ce rapport était initialement prévue début octobre mais elle a été reportée d'un mois, tant la question était sensible, en pleine crise migratoire et pour ne pas interférer avec les élections législatives du 1er novembre, remportées par le parti de Erdogan.

La Commission européenne a proposé à Ankara le 6 octobre un "plan d'action" afin d'endiguer les départs de milliers de réfugiés depuis les côtes turques pour gagner, via les îles grecques en mer Egée, le continent européen.
"Nous partageons des opportunités et des défis communs, comme la crise des réfugiés le montre malheureusement", a relevé M. Hahn.

 

(Lire aussi : Face à un Erdogan renforcé, les Européens contraints de jouer les équilibristes)

 

"La main d'Erdogan"
Ce dernier devait se rendre mardi après-midi en Turquie avec le vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans, pour poursuivre les négociations sur les migrants.
Celles-ci sont une priorité absolue pour Bruxelles, qui veut reprendre le contrôle des frontières extérieures de l'UE et ralentir l'afflux de réfugiés et migrants qui traversent les Balkans pour venir frapper à la porte des pays du nord du continent, à commencer par l'Allemagne.

Mais le gouvernement d'Ankara fait monter les enchères.
Il réclame trois milliards d'euros d'aide humanitaire pour les deux millions de réfugiés syriens et irakiens qu'il accueille sur son territoire, des avancées sur la question des visas Schengen pour les ressortissants turcs et l'ouverture de plusieurs chapitres dans les négociations d'adhésion, qui piétinent depuis des années.

"Les Européens sont un peu obligés de manger dans la main d'Erdogan", reconnaissait récemment un diplomate européen. "Il peut, s'il le veut, ouvrir les vannes et laisser venir des centaines de milliers de réfugiés en Europe", observait-il.
"L'indépendance de la justice et le principe de séparation des pouvoirs ont été sapés depuis 2014 et les juges et procureurs ont été soumis à une forte pression politique", juge l'exécutif bruxellois, qui dénonce les interférences du gouvernement dans les enquêtes retentissantes pour corruption qui ont éclaboussé des proches du président fin 2013.

Dans la longue liste de griefs énoncée sur 90 pages, figure aussi la reprise du conflit avec les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
La Turquie pourrait être le principal sujet de discussion d'un sommet spécial de l'UE consacré à la crise des migrants qui se tiendra jeudi à Malte, à l'issue d'une réunion la veille des responsables européens et africains, a indiqué mardi une source européenne.



 

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