Moi, Aylan, 3 ans

Si vous aviez réfléchi à deux fois avant de déclencher cette guerre
Maman et papa auraient eu encore un travail pour mettre de l'eau dans mon verre.
Je n'aurais pas été obligé de porter le même habit durant une semaine,
Obligé de voir régulièrement sur le visage de mon grand frère la même peine.

Si vous aviez pensé à résoudre le problème de façon pacifique,
Nous n'aurions pas eu à fuir loin de ces affrontements tragiques
Laisser derrière nous cette vie de peurs pour un lendemain plus beau.
J'ai été obligé de laisser derrière moi toutes mes figurines et mes legos.

Si vous aviez pensé à nous une seule seconde,
J'aurais commencé l'école en même temps que tout le monde.
Plus tard, papa m'aurait aidé dans mes devoirs
Tandis que maman m'aurait préparé de bons plats du soir.

Si vous m'aviez regardé comme vous regardez vos enfants,
J'aurais sûrement grandi comme n'importe quel petit insouciant,
J'aurais eu un lit pour reposer chaque soir mon petit corps fatigué,
Une paire de chaussures neuves à chaque événement à fêter.

Si vous aviez écouté votre bonne conscience et votre raison,
Je ne me serais pas retrouvé entre les vagues, agrippant mon père par son pantalon,
Obligé de voir ma mère s'épuiser en essayant de rester hors de l'eau,
Avec, autour, tous ces regards désespérés de ces âmes noyées par les maux.

Et si vous aviez arrêté ce massacre bien plus tôt,
Je ne serais pas là, sans vie, couché sur ce sable chaud,
À sentir mon âme quitter mon corps du haut de mes trois ans.
On cherchait une vie meilleure, mais la mort nous a trouvés avant.

Et si vous retrouviez à cet instant un soupçon d'humanité,
Alors d'une main ferme, levez-vous, prenez les choses en main et agissez.
Je suis Aylan, 3 ans, et je suis exactement comme vos enfants.
Insouciant et innocent, je ne demandais qu'à vivre différemment.

Par Braïm EL-AMINE,
Dakar, Sénégal