Le CPL vaut bien une prosternation ! Désormais, nous avons un jeune chef adoubé devant témoins. La cérémonie s'est déroulée dans une ferveur religieuse qui rappelle les Te Deum de l'Ancien Régime français. Et dans le parterre choisi, formé des caciques du parti, personne ne s'est levé pour dire : c'est assez ! Personne n'était préparé à dire non ; personne n'a osé « un ça suffit, arrêtons la mascarade » ! Quelle engeance de suiveurs ! De quoi sommes-nous faits pour aliéner ainsi notre indépendance d'esprit ?
Oui, on est en plein père Ubu et nous vivons toujours sous le joug d'Idi Amine Dada. La scène de l'adoubement précité pourrait également nous rappeler des épisodes du couronnement de Bokassa, empereur de Centrafrique.
Dans le camp opposé, l'appel à la génuflexion a été largement critiqué. La symbolique de soumission est inacceptable, nous dit-on. C'est en effet l'action de se mettre à genoux comme à la messe au moment de la sainte communion ; et tout cela est en conformité avec une pratique ancestrale telle que confirmée par le Missale Romanum de 2002*. Certains y ont vu de la surenchère, le jeu d'intérêts sordides, une réplique de l'adoration des Mages ou d'autres scènes bibliques. C'est qu'on est en plein délire mystico-religieux, c'est que nous expérimentons une régression archaïque.
Certes, ce fut risible et honteux, mais ce n'est pas une première dans l'histoire libanaise ! On nous rapporte, mais c'est apocryphe, que Fakhreddine premier, en se présentant devant le sultan ottoman, a baisé la terre entre les pieds de son Altesse Impériale. Charmante initiative, mais c'était il y a des siècles. Et depuis, nos quémandeurs nationaux n'arrêtent pas de courber l'échine devant les seigneurs du moment. Alors s'attacher à accabler un « jeune chef » ne serait pas équitable ! À un moment donné de leurs carrières, tous nos responsables ont courbé l'échine devant un zaïm indigène ou un raïs étranger. Les professions de foi publiques résonnent encore dans nos mémoires pour n'exclure aucun acronyme PSP, PC, OACL, FL sans oublier le PPS qui a été jusqu'en Libye faire des salamalecs au tyran Kadhafi**. Certains se sont aplatis devant des officiers syriens, d'autres dans l'attente d'un chèque barré et d'autres encore ont célébré la sagesse de petits chefs de guerre sans foi ni loi. La frousse et l'intérêt nous commandent.
Mais comment fait-on pour être libre, puisqu'il semble que ce soit l'exception à la règle ? Un homme libre est celui qui renverse les idoles, pas qui en élève. Un homme libre déboulonne les statues, il n'appelle pas à les adorer. Un esprit indépendant est nécessairement iconoclaste, et surtout avec les siens. Nulle discipline de groupe ne doit l'amener à être un béni-oui-oui.
Cela dit, à quoi tient notre flagornerie ?
Notre éducation familiale est responsable de nos veuleries, de notre obséquiosité et de nos craintes révérencielles ;
nous avons intériorisé des schémas indignes. Au chef, qui représente l'autorité donc la sécurité, on doit tout sacrifier et jusqu'à l'honneur !
Une génuflexion, c'est toujours une de trop !
Une génuflexion, jeune homme ! Et vous n'y étiez pas obligé !
Youssef MOUAWAD
*Ainsi, on s'incline à Bkerké pour des raisons hiératiques, à Moukhtara pour des raisons dynastiques, et à Rabieh par servitude volontaire. Ailleurs également.
** Y ajouter le courant du Futur, le mouvement Amal, le Hezbollah, les Phalanges... et j'en passe.
commentaires (5)
.... Après tant de siècles d'abrutissement généralisé.
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
09 h 59, le 04 septembre 2015