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Nos Lecteurs ont la Parole - Nabil R. ASMAR

Mon pays m’a quitté...

Mon ami a posté sur son timeline de Facebook une photo de son passeport et le billet d'avion, avec comme légende en dessous en arabe « je t'aime quoi que tu sois, au revoir », pour exprimer son amour envers son pays, le Liban, sans vouloir dire adieu, mais plutôt à bientôt.
Son post m'a inspiré pour écrire ces quelques mots.
Je fais partie de la génération de la guerre civile et tout ce qu'elle a commis comme dégâts. Je dis « je » sachant que nombreux vont s'identifier et chacun va se prendre pour ce « je », et pas pour ce « jeu », ce sale jeu dans lequel on nous a entraînés depuis 1975. Je suis né le 26 juin 1970, donc j'ai commencé à vivre la guerre dès l'âge de 5 ans. Et cette dernière je l'ai bien vécue.
D'une école à une autre, mes parents ont dû me trimbaler ; de Beyrouth au village de refuge on a dû nous balader, en espérant à chaque fois que ce serait la dernière fois, et que bientôt tout sera en ordre et qu'on n'aura plus à se déplacer. Après l'école et entre deux guerres, mes amis en France n'arrêtent pas d'essayer de me convaincre de quitter le pays et d'aller vivre en France. L'occasion s'est d'ailleurs présentée, et j'ai quitté le pays. Quelques mois plus tard, mes autres amis au Liban se mettent à leur tour à me convaincre que la guerre est bien finie et que le pays était en train de se redresser. Je plie bagage et je rentre.
Mon diplôme d'université en main, ma carrière démarre. Je commence à réaliser des programmes télé à partir de l'année 1997. Je deviens réalisateur télé indépendant et, d'une télé à une autre, d'une maison de production à une autre, d'un pays à un autre, je me balade, et je commence à réaliser, à chaque fois que je rentre au pays, qu'entre nous quelque chose n'allait plus. En 2007, je m'installe à Dubaï ; mais mon pays me manquait, quoique : quand j'y revenais pour quelques jours, ce sentiment que quelque chose n'allait pas augmentait. En 2008, je reçois du Liban un appel d'un responsable de la chaîne que je considère comme mon second foyer, me demandant de rentrer et reprendre mes shows avec eux. Encore une fois, je plie bagage et je rentre.
Mais là, depuis, entre mon pays et moi, ça n'allait vraiment plus. Mes projets à l'étranger continuent jusqu'au jour où, en août 2014, je reçois un autre appel me proposant un autre projet à Dubaï. Et depuis, je m'y installe, et depuis je suis convaincu que mon pays m'a quitté, et non le contraire ; notre relation n'allait plus depuis quelques années, j'ai tout essayé, je l'ai aimé, je l'ai adoré, il me manquait à mourir... mais je n'y peux rien, il ne veut plus de moi, il m'a mis à la porte, il m'a simplement laissé tomber. Mon pays m'a quitté parce que je n'ai pas pu supporter la corruption qui le dévore ni pu voter pour ceux qui, au lieu de faire de lui un lieu à vivre, l'ont transformé en un endroit où il devient de plus en plus facile de remplir leurs poches et appauvrir le pauvre peuple.
Mon pays m'a quitté parce que je n'ai pas accepté qu'il m'impose son système. Que je me plie à sa corruption. Que je m'habitue à son manque de respect.
Mon pays m'a quitté parce que j'ai réussi à éviter les symptômes du syndrome de Stockholm
Oui c'est mon pays qui m'a quitté et non, comme le chante si bien Enrico Macias, le contraire ; mon pays m'a quitté et a quitté mon ami qui a posté ce qui m'a inspiré à écrire cela...

Nabil R. ASMAR

Mon ami a posté sur son timeline de Facebook une photo de son passeport et le billet d'avion, avec comme légende en dessous en arabe « je t'aime quoi que tu sois, au revoir », pour exprimer son amour envers son pays, le Liban, sans vouloir dire adieu, mais plutôt à bientôt.Son post m'a inspiré pour écrire ces quelques mots.Je fais partie de la génération de la guerre civile et tout...

commentaires (1)

"Le Libanais, n'émigre jamais, il s'absente."

Un Libanais

14 h 48, le 20 août 2015

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Commentaires (1)

  • "Le Libanais, n'émigre jamais, il s'absente."

    Un Libanais

    14 h 48, le 20 août 2015

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