Devant des milliers de partisans rassemblés à Wadi el-Hojeir (à la frontière israélienne) où les combattants du parti avaient détruit une dizaine de chars Merkava, fleuron de l'armée israélienne, le secrétaire général du Hezbollah a exprimé son soutien au général Michel Aoun, ajoutant à l'adresse du camp adverse : « Nous n'accepterons pas que l'un de nos alliés soit exclu ou isolé, surtout ceux qui se sont tenus à nos côtés pendant la guerre de juillet 2006. »
Hassan Nasrallah a aussi affirmé que la solution à toutes les crises internes actuelles est dans l'État, mais un État rassembleur, qui rassure toutes les composantes, indépendamment de leur importance numérique. Évoquant la possibilité de rejoindre le CPL dans la rue, Nasrallah a lancé : « Nos options sont ouvertes », avant de réitérer son appel au courant du Futur pour qu'il dialogue avec le général Aoun, au lieu non seulement d'ignorer ses revendications, mais aussi de recourir à des « provocations ».
Il s'exprimait dans le cadre du vaste rassemblement organisé par le Hezbollah pour célébrer la fin de la guerre de 2006 et la victoire sur l'armée israélienne. Ce rassemblement a d'ailleurs été placé sous le slogan Votre victoire est permanente, et la cérémonie a été marquée par le lancement de nouveaux hymnes à la résistance et du discours d'un combattant en treillis affirmant que lui et ses camarades sont prêts à répondre à l'appel de Nasrallah. Le secrétaire général du Hezbollah a divisé son discours en trois parties, la première consacrée à la confrontation avec Israël et à l'équation qui a permis, selon lui, au Hezbollah de vaincre les Israéliens en 2006 en les empêchant d'atteindre les objectifs de leur agression. La seconde partie avait pour titre le refus des projets de partition préparés pour la région et dont le groupe État islamique est l'un des instruments et enfin la troisième partie était consacrée aux questions internes et à l'annonce de l'appui du Hezbollah à l'action du général Aoun, tout en appelant au dialogue pour consolider l'unité nationale.
Mais Hassan Nasrallah a aussi laissé entendre que le CPL pourrait bien ne pas rester le seul à descendre dans la rue. Il a commencé par demander que le 14 août soit désormais considéré comme la fête de la « victoire divine », tout comme le 25 mai est la fête de la résistance et de la libération. Il a aussi insisté sur le symbolisme du lieu choisi pour célébrer cette victoire, la vallée de Hojeir qui, en 1920, avait déjà vu l'organisation d'un congrès des ulémas pour lancer la résistance contre les Français. Il a aussi rappelé que le 11 août 2006, les chefs militaires israéliens avaient lancé une vaste offensive terrestre pour tenter de prendre le contrôle de la zone s'étendant jusqu'au Litani, afin de négocier ensuite le retour des déplacés et le désarmement du Hezbollah, mais la riposte des combattants du Hezbollah qui ont détruit les blindés israéliens dans cette même vallée a mis en échec le projet des Israéliens qui ont insisté pour se retirer jusqu'à la frontière le 13 août 2006 au soir.
« Éviter » la partition en Syrie
Pour Hassan Nasrallah, il faut tirer les leçons suivantes : d'une part, l'armée de l'air, aussi puissante soit-elle, ne peut plus remporter des victoires militaires. Il faut qu'elle s'accompagne d'une offensive terrestre. Mais celle-ci non plus n'est pas assurée de réussir « tant qu'il y a la foi, la détermination et la conviction. Cela a été prouvé au Liban, mais aussi à Gaza et maintenant au Yémen ». « Face à la stratégie de l'invasion, nous opposons la stratégie de Wadi el-Hojeir », a-t-il lancé en réitérant son attachement à l'équation « armée-peuple-résistance ». Il a toutefois précisé qu'en 2006, il y avait une division interne verticale, politique et au sein du pouvoir. « Malgré cela, le Hezbollah a pu défaire les Israéliens. Que serait-ce alors si les Libanais et leur pouvoir sont unis ? » s'est-il demandé.
Au sujet des « plans de partition » de la région, il a déclaré qu'il les rejette, « bien qu'ils soient préparés par les États-Unis et, hélas, certains pays régionaux dont l'Arabie saoudite ». Selon lui, de nouvelles partitions et de nouvelles divisions vont plonger la région dans des guerres sans fin. « Si nous acceptons ces projets, nous devrons assumer la responsabilité de leurs conséquences sur les générations futures », a-t-il dit. Il a ajouté que les États-Unis utilisent l'EI, que cette organisation le sache ou non, pour reformer la région et imposer leurs conditions.
« En Syrie, ils prétendent vouloir empêcher Daech de s'approcher de la capitale à condition que le régime syrien s'en aille et que l'opposition modérée prenne le pouvoir. Mais cette opposition modérée est-elle capable de s'opposer à Daech ? Ils ont eux-mêmes déclaré qu'elle n'était pas efficace », a-t-il précisé. Il a aussi relevé qu'en Irak, « ils avaient réclamé un changement de gouvernement pour aider à combattre Daech. Cela a été fait, mais finalement, même les contrats d'armements conclus avec le pouvoir irakien n'ont pas été respectés par les Américains ». Dans cette partie, il a encore répondu à ceux qui accusent le régime syrien et ses alliés de préparer la partition du pays en rappelant qu'ils « se battent sur plusieurs fronts à l'intérieur du pays pour justement éviter la partition ».
Aoun, « passage obligé »...
Concernant le volet interne, Hassan Nasrallah a estimé qu'il ne suffit pas de parler de coexistence, il faut aussi travailler pour la réaliser et la consolider. Il a ainsi plaidé en faveur d'un « État rassembleur qui rassure toutes les composantes du pays ». « Dans le temps, a-t-il dit, on parlait de la peur des chrétiens et de la frustration des musulmans. Aujourd'hui, nous avons tous peur et nous nous sentons tous lésés, face à tout ce qui se passe dans la région. Il n'y a plus de communauté leader. C'est pourquoi il faut instaurer un partenariat véritable, dans le cadre de l'État, indépendamment de l'importance numérique de chaque communauté. »
Il a ajouté que le Liban traverse actuellement de graves crises, comme la vacance à la tête de la République, la paralysie du conseil militaire et le gouvernement en crise. Il faut donc trouver des solutions. Une grande partie des chrétiens se sentent exclus et ils sont descendus dans la rue pour le dire. « J'avais d'ailleurs demandé qu'on n'ignore pas les revendications du CPL. Mais on ne m'a pas écouté et, au contraire, certains veulent le briser. Je leur avais demandé de dialoguer avec lui. Ils ont refusé et ont même eu recours à des provocations. Certains misent même sur la lassitude et le désespoir du CPL. Mais je dis en ce 14 août, nous, au Hezbollah, n'accepterons pas qu'un de nos alliés soit isolé ou exclu. Surtout ceux qui se sont tenus à nos côtés pendant la guerre de 2006. C'est pour nous une question politique et morale qui mérite des sacrifices. C'est valable pour tous nos alliés. Mais, aujourd'hui, c'est du CPL qu'il s'agit. Vous ne pouvez pas le briser. »
Il a encore affirmé que le général Aoun est « le passage obligé vers la présidence et qu'il faut donc cesser d'attendre l'accord nucléaire ou ses conséquences. Le ministre iranien des Affaires étrangères était au Liban et a dit que son pays n'intervient pas, sauf si on le lui demande. Mais, dans ce cas, il ne fera pas pression sur ses alliés pour qu'ils adoptent une position dont ils ne sont pas convaincus ».
Même pour le gouvernement, le général Aoun est aussi un passage obligé si on veut qu'il soit productif. « Que personne ne croie pouvoir diriger le pays sans les deux composantes que sont le CPL et le Hezbollah. Qui peut garantir que le CPL restera seul dans les rues et que ses alliés ne l'y rejoindront pas ? Nos options sont ouvertes en dépit de nos activités au Sud et ailleurs. »
Hassan Nasrallah a encore affirmé que le Liban traverse une crise politique nationale qui exige des hommes à l'échelle de la nation. « Il faut des initiatives et les tentatives de briser l'autre ne réussiront pas », a-t-il dit. En même temps, il a invité les pôles chrétiens à revoir leur position au sujet du fonctionnement du Parlement, dans l'intérêt des Libanais et dans l'intérêt du dialogue national.
commentaires (5)
Voilà! C'est dit par la plus haute autorité d'un des majeurs partis poliliques du Liban actuel... pour ne dire que cela. Le CPL qui sait mesurer ses mouvements dans ses révendications légitimes, sera le momemt venu, au besoin et à la demande de sa dirigeance, soutenu et pas seulement par les poids plume de notre pays. Le mieux c'est donc de négocier entre Libanais, loin du sable chaud des arabies hyper démocratiques du golfe.
Ali Farhat
03 h 31, le 16 août 2015