C'est en lisant l'éditorial du journaliste Matthieu Croissandeau publié dans le Nouvel Observateur et titré « Il faut aider la Tunisie » que l'adrénaline a recommencé à tapoter mes tempes assoupies. « C'est un appel à l'aide, une demande simple et directe, comme on est en droit de l'adresser à un ami. » Je suis embarrassée et légèrement importunée face à une telle requête amicale et candide, à la frontière d'une naïveté affligeante. Elle me renvoie à un certain petit prince au dessin répétitif. « Là-bas, on attend tout simplement des gestes concrets, l'arrivée d'investisseurs comme la visite de nombreux touristes (...) Il y va de la survie d'un pays ami. » Il y a là comme un parfum volatil d'indécence. La survie mercantile. Est-ce tout ce qui préoccupe les Occidentaux ? Quel dommage de ne plus pouvoir aller passer des vacances bon marché sur les rivages de Djerba la gentille à quelques encablures de la Libye la furieuse. Cela fait quatre ans que mon pays natal, la Libye, a fait naufrage et aucun journaliste français n'a jamais rédigé un sincère « il faut aider la Libye ». Et pourtant, en février 2011, nous étions tous sortis heureux d'espoirs d'une grotte moisie à la colline lumineuse grâce à un célèbre philosophe français et d'un ex-président de la République qui s'étaient donné comme mission amicale de nous sauver d'un massacre sans précédent. Qu'en est-il aujourd'hui ? L'amitié, c'est une chienne infidèle. Chaos, guerre, indifférence, incompréhension, perte de contrôle et déferlement de migrants désespérés aux portes de l'Europe lorsqu'ils y parviennent. Qui faudrait-il aider réellement ? La Syrie ? Le Liban ? Le Yémen ?
L'Irak ? Toute l'Afrique ? What else ? La liste se déroule tel un parchemin ou une bobine sans le mot fin. Y a-t-il des pays qui méritent plus le label de favoris que d'autres, comme si la dignité et la liberté se déclinaient sur des rizières à étages. Je suis extrêmement déçue de lire des éditoriaux aussi troubles et qui brouillent les pistes aux lecteurs profanes de passage. C'est une copie inachevée à compléter où je reste sur ma faim à creuser les strates invisibles de cette Méditerranée qui drague les rives d'un Occident barricadé et égoïste.
Tahani Khalil GHAMATI
Genève
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