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Liban - Sondage présidentiel

Quand le retour à la réalité du consensus s’impose

L'initiative du Courant patriotique libre (CPL) de procéder à un sondage – afin de déterminer lequel des principaux candidats à la présidentielle est le plus populaire sur le plan chrétien – n'est pas en elle-même contraignante. Sur ce plan, et en théorie du moins, partis politiques et experts constitutionnels semblent d'accord.

Là ou le bât blesse, c'est lorsqu'il est question d'interpréter l'impact politique de ce genre de procédé alors même qu'un schéma constitutionnel existe et que celui-ci est clair, à en croire notamment les dispositions du paragraphe 2 de l'article 49 de la Constitution. « Le président de la République est élu au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages, par la Chambre des députés (lors du premier tour) ».

Seulement voilà. Pour les tenants de la proposition du sondage, c'est-à-dire le CPL présidé par le député Michel Aoun, depuis la prorogation du mandat de la Chambre des députés, « il y a comme une coupure qui s'est faite entre les citoyens et leurs représentants », comme le souligne le député Ibrahim Kanaan. L'idée du sondage, « c'est de reconnecter d'une façon ou d'une autre les citoyens à leurs représentants », ajoute-t-il. Le député va plus loin en soulignant que cette proposition – acceptée et entérinée par le bloc des Forces libanaises – est en fait « un début de solution politique et peut consister en un prélude à une candidature si tous les acteurs qui prennent part à ce sondage sont prêts à jouer le jeu démocratique ». Et de poursuivre que « faute de pouvoir organiser un référendum car ceci reviendrait à contrevenir à la Constitution, un sondage à volume substantiel, c'est-à-dire comprenant un échantillon de 5 à 6 mille personnes, est une manière non négligeable de sonder les opinions des citoyens ».

Pour l'ancien député Salah Honein en revanche, tout n'est pas si simple. Le problème majeur est qu'un tel sondage laisserait entendre que l'échéance présidentielle est une échéance purement chrétienne, ce qui n'est nullement le cas. Chaque politique et / ou responsable politique a une stature nationale, « qu'il soit député ou ministre ». Ou a fortiori président de la République. « Aucune fonction publique ne peut être la propriété d'une partie déterminée de la population », insiste M. Honein, surtout dans un système confessionnel. Car même si la Constitution ne le stipule nulle part, le pacte national veut que certains postes soient la chasse gardée des principales communautés qui constituent le tissu social libanais.

(Lire aussi : Michel Aoun à « L'OLJ » : Je résisterai et je continuerai à le faire, armé de la Constitution et du pacte !)

 

« Aucune valeur constitutionnelle »
Quant au député Dory Chamoun, chef du Parti national libéral, il n'y va pas par quatre chemins. À L'Orient-Le Jour, il déclare de but en blanc que cette proposition est « inconstitutionnelle ». « On n'a pas à inventer ce qu'on a envie de faire pour ne pas suivre le chemin constitutionnel ». Ce à quoi le CPL rétorque qu'il n'est écrit « nulle part » que « procéder à un sondage est en soit inconstitutionnel ».
De son côté, le député du bloc du Futur Ahmad Fatfat affirme que cette proposition ne choque pas la rue sunnite, en ce sens que « tout courant ou parti politique a le droit de procéder à tel ou tel sondage » et que de surcroît les députés sont protégés par l'article 27 de la Constitution, lequel stipule qu'« aucun mandat impératif » ne peut être donné au député par ses électeurs.

Si cette proposition de « sonder » les Libanais a donc fait tant de tapage ces derniers jours, c'est bien parce qu'elle émane de personnalités politiques, comme le souligne la constitutionnaliste Lara Karam Boustany. « Le sondage n'a aucune valeur constitutionnelle », dit-elle, rappelant en même temps qu'un tel procédé « peut être utilisé comme piste, mais sans plus ». Pour prendre l'exemple de la Grande-Bretagne, l'actuel Premier ministre britannique James Cameron a été donné perdant par les sondages à la veille de son élection.


(Lire aussi : Geagea : Le sondage proposé par Aoun n'est pas contraignant)


Sur la précision de ce type de procédé justement, L'Orient-Le Jour a interrogé un professionnel en la matière, Tanios Chehwane, pour tenter de comprendre quel serait le meilleur échantillon dans le cas précis d'un sondage sur la personne du potentiel futur président.
M. Chehwane souligne que la meilleure manière de s'y prendre serait de s'appuyer sur « les résultats du poids des forces politiques au niveau des camps chrétiens et puis de prendre en considération un échantillon fondé sur les listes électorales dans chaque région ». Et d'ajouter que « les variables les plus explicatives sont sans conteste la confession, le sexe, la catégorie d'âge et l'appartenance géographique ». Il faut également ajouter dans ce cadre que le degré de précision du sondage effectué dépend largement de la manière dont le statisticien pose la question à la personne sondée. En effet, selon M. Chehwane, plus les questions sont précises et pointues, et plus le résultat sera représentatif des attentes de la population sondée.

Les éléments qu'il convient de cumuler pour mener au mieux cette initiative qui se veut démocratique sont donc nombreux et difficiles à satisfaire. Toujours est-il qu'en définitive et quel que soit le résultat de cet exercice, la réalité du terreau politique finira par rattraper les aspirations des citoyens en matière de démocratie directe. Comme le souligne d'ailleurs Salah Honein, l'échéance présidentielle actuelle rappelle par beaucoup d'égards celle de l'été 1970. À l'époque, le président Camille Chamoun donné favori avait fini par se désister en faveur d'un candidat moins populaire mais plus consensuel, Sleimane Frangié. Le cru 2015 de la présidentielle devrait donc connaître un dénouement similaire, essentiellement consensuel, à l'image d'ailleurs du pacte national. Un exemple qui devrait, au final, donner à réfléchir aux ténors chrétiens.

 

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