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Nos Lecteurs ont la Parole

Un spectacle hallucinant

Nous avons reçu du Dr Antoine Courban, professeur de déontologie médicale à l'Université Saint-Joseph, l'opinion suivante concernant le cas de la petite Ella Tannous et de l'arrestation du pédiatre Issam Maalouf :

Mettre aux arrêts un médecin, pour les besoins d'une enquête judiciaire portant sur un acte médical qui soulève problème est une mesure injustifiée, car :
1 – Tout acte médical est un acte violent qui porte atteinte à l'intégrité physique et morale de la personne humaine. Soigner est une intrusion violente et pénalement justiciable dans l'ordre social. Le médecin passe son temps à « influencer » la volonté des gens ; à leur prescrire des substances « toxiques » ; à leur porter des « coups et blessures », sans intention première d'homicide. C'est ainsi que l'acte médical se définit.
2 – C'est pourquoi, le permis d'exercer la médecine sur un territoire donné ne peut être délivré que par la puissance publique. Il s'agit, d'après la loi, d'une « dépénalisation » de gestes, en principe relevant du code pénal, lorsqu'ils sont exercés par un individu remplissant toutes les conditions prévues par la loi.
3 – C'est pourquoi la médecine est dite « une profession protégée », c'est-à-dire qu'elle est immunisée contre les poursuites pénales dans les conditions de la loi.
4 – Le diplôme de docteur en médecine est insuffisant pour autoriser quelqu'un à soigner quelqu'un d'autre. Seul le permis des autorités sanitaires, suivi de l'inscription à l'ordre professionnel, autorisent cela. La « profession protégée » signifie donc qu'elle est sous « surveillance » des autorités responsables.
5 – Le contrat médical passé entre le médecin et son patient ne soumet pas le praticien à l'obligation des résultats mais uniquement des moyens. Le médecin ne s'engage jamais à guérir son malade mais, uniquement, à le soigner avec compétence, humanité et conscience. Dès lors, la notion même de « faute médicale professionnelle » est une insuffisance de moyens. Il s'agit d'une violation d'un contrat, et seule la justice civile est compétente en premier. Il appartient à la justice, et à la seule justice, d'estimer si l'insuffisance des moyens découle d'une intention ou d'une négligence criminelles, auquel cas l'affaire passe devant la justice pénale.
6 – Le décès du malade, dans le cadre du contrat médical, ne suffit pas pour mettre un médecin aux arrêts car rien n'est aussi naturel que de mourir de maladie.
Dans l'affaire de la pauvre petite Ella et du Dr Maalouf, son pédiatre, seul le juge est en mesure de dire si, oui ou non, il y a eu « faute professionnelle » par insuffisance de moyens et si une telle insuffisance découle d'une intention ou d'une négligence criminelle.
Or on a assisté à un spectacle hallucinant, devenu familier depuis quelque temps. Des « pitres » télévisuels autoproclamés « divas » populistes, étalent au grand jour, face à un public non familier de ce qu'est la « faute médicale », des informations qui relèvent du secret professionnel, notion juridique d'ordre public au Liban. Ces sinistres funambules des talk-shows pensent que leur prestation est un substitut de la justice et de la loi.
Ce que cette triste affaire révèle ce sont les insuffisances des procédures libanaises :
a) le statut de l'ordre des médecins, qui mélange celui d'un ordre professionnel, c'est-à-dire d'une chambre judiciaire qui surveille et protège l'exercice de la médecine ;
et celui d'un syndicat corporatiste qui démocratiquement défend les intérêts de ses membres.
b) l'absence de justice véritable dans ce pays. On l'a vu dans l'affaire du criminel-terroriste Michel Samaha, du traître-espion Fayez Karam et du Saint assassin de l'officier Samer Hanna. Dans l'affaire de la petite Ella, c'est tout l'appareil judiciaire qui étale tragiquement sa paralysie et ses insuffisances de moyens.
c) l'insuffisance criante des modalités et des structures de contrôle démocratique de l'acte médical. Nul ne semble se préoccuper de remettre l'acte médical dans son cadre citoyen.
d) la dangereuse dérive populiste d'une opinion publique dont la légitime émotivité est sollicitée, de manière vulgaire, par les pitres télévisuels et autres animateurs-divas couverts de montres rutilantes et de cravates aux mille couleurs.

Mettre aux arrêts un médecin, pour les besoins d'une enquête judiciaire portant sur un acte médical qui soulève problème est une mesure injustifiée, car :1 – Tout acte médical est un acte violent qui porte atteinte à l'intégrité physique et morale de la personne humaine. Soigner est une intrusion violente et pénalement justiciable dans l'ordre social. Le médecin passe son temps à...

commentaires (4)

Donc c'est la faute de tout le monde SAUF du médecin qui a amputé (je me retiens d’utiliser un autre verbe) les DEUX BRAS et la JAMBE d'un nourrisson de 8 mois. ai-je tout bien compris monsieur ? je ne vous félicite pas.

Lebinlon

14 h 23, le 10 juin 2015

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Commentaires (4)

  • Donc c'est la faute de tout le monde SAUF du médecin qui a amputé (je me retiens d’utiliser un autre verbe) les DEUX BRAS et la JAMBE d'un nourrisson de 8 mois. ai-je tout bien compris monsieur ? je ne vous félicite pas.

    Lebinlon

    14 h 23, le 10 juin 2015

  • NON Monsieur..peut etre c'est le seul moyen de faire reflechir le corps medical...il est temps que certains medecins ..charlatans commencent a craindre la justice...et recommencer a pratiquer leurs arts avec conscience et honnetete....basta a tous ces praticiens dont le seul but est le dollar et le pauvre malade n'est qu'un client source de revenues..si ces shows televises attirent de l'audience..c'est que les gens ont en marre de ces medecins qui se prennent pour des dieux..

    Houri Ziad

    15 h 11, le 09 juin 2015

  • L'HISTOIRE S'ÉTALE LARGEMENT DANS LES FABLES DE LAFONTAINE... POUR CACHER LES GRANDS CRIMES... TOUT SE RÉSUME EN : HARO SUR CE BAUDET !

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 10, le 09 juin 2015

  • Excellent ! Merci Monsieur Courban.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 27, le 09 juin 2015

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