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Liban - Symposium / USA

Tyr au cœur de la Bibliothèque du Congrès

La cité antique vient d'avoir « sa » journée au cœur de la capitale américaine, dans le cadre le plus prestigieux qui soit.

Maha Chalabi clôturant la journée. Photos I.M.

L'initiative était portée par Maha Chalabi. À la tête de l'Association internationale pour la sauvegarde de Tyr, cette passionnée de la cité antique lutte depuis des décennies pour que non seulement elle ne tombe pas dans l'oubli, mais aussi pour qu'elle continue à livrer toutes les beautés qu'elle recèle.
Comme fruit de ce combat, Tyr vient de disposer d'une mémorable journée, dans la capitale des décisions, plus précisément dans le grand sanctuaire historique de la culture qu'est la Bibliothèque du Congrès américain à Washington.
L'événement, organisé en collaboration avec le comité américain de l'Association internationale pour la sauvegarde de Tyr, s'est déroulé dans la partie dédiée à Thomas Jefferson (troisième président des États-Unis), qui a donné en 1802 à cette bibliothèque (créée en 1800) sa véritable envergure, couvrant jusqu'aux rives méditerranéennes. Témoin : le nom de Tyr inscrit au-dessus de la porte d'entrée du département d'Afrique et du Moyen-Orient.
La journée débute par un symposium réunissant des experts de différentes nationalités. Charles Boustany, membre du Congrès américain, représentant de la Louisiane, et d'origine libanaise, donne le coup d'envoi de l'événement. Tyr est loin de lui être inconnue et il est « fier de pouvoir participer à son éclairage ». À ses dires, il est imbibé de son background ancestral, infusé en particulier par son grand-père paternel. Cet aïeul, nommé Alfred Frem Boustany, a émigré de Deir el-Kamar et s'est installé en Louisiane. Il a été tout à sa joie de voir son petit-fils, Charles, devenir médecin. En retour, Charles, devenu congressman, s'apprête à rédiger son histoire.

La ville-État
Puis, Maha Chalabi prend la parole pour évoquer la portée de cette journée si particulière. Elle met d'abord en relief « les liens solides entre le Liban et les États-Unis, forgés au départ par les poètes et écrivains libano-américains, d'Amine Rihani à Gebran Khalil Gebran, en passant par Élias Abou Madi et Mikhaïl Neaïmé ».
« Aujourd'hui, nous remontons plus loin dans le passé pour célébrer une illustre cité phénicienne. Certains pourraient se demander s'il est toujours opportun d'en parler tant elle a été chantée, contée et citée par les écrivains et les voyageurs de l'Antiquité. Que peut-on ajouter de plus ? On prévoit que le futur pourrait révéler encore beaucoup sur l'histoire de cette ville-État », relève-t-elle. « Une ville qui a établi les fondements d'une mondialisation pacifique, reliant les anciennes cités méditerranéennes et cherchant à établir des échanges tout aussi pacifiques. Sans parler des scientifiques et des philosophes (Pythagore et Porphyre, entre autres) qui y ont laissé leurs marques. »
« Notre présence ici, dédiée à Tyr, n'aurait pas pu avoir lieu sans les efforts concertés et le plein engagement des administrateurs de cette Mecque de la culture et du savoir : le bibliothécaire, James Billington, et Mary Jane Deeb, directrice du département d'Afrique et du Moyen-Orient », poursuit Mme Halabi, annonçant cette dernière.

« Sans alphabet phénicien, pas de bibliothèque »
Remerciant Maha Chalabi pour son initiative, Mme Deeb souligne que la Bibliothèque du Congrès est « le lieu par excellence pour évoquer la civilisation phénicienne qui a donné au monde le premier alphabet phonétique sans lequel il n'y aurait pas eu de livres. Et, par conséquent, pas les bibliothèques que nous connaissons aujourd'hui ».
« Certes, la civilisation implique le progrès et l'avancement, mais nous ne pouvons pas agir dans le présent sans être conscients de nos racines, bien implantées dans le passé », dit-elle.
Ont suivi, le matin même, deux sessions de travail. La première, consacrée à l'histoire de Tyr, a débuté par une présentation de Leila Badre, directrice du Musée archéologique de l'Université américaine de Beyrouth. Elle a axé son propos sur les recherches entreprises à l'initiative de ce musée qui, en définitive, ont abouti à une double découverte importante : la mise au jour du premier temple phénicien à Tyr, qui est, également, le premier temple phénicien du Liban retrouvé dans sa totalité.
Les autres participants à cette session étaient Mohammad Hassine Fantar (Université de Tunis), Françoise Briquel-Chatonnet, directrice de recherches au Centre national de la recherche scientifique en France, et Pierre-Louis Gatier, directeur de recherche en histoire et sources des mondes antiques.
Le second panel portait sur Le commerce et l'art phénicien. exposés par Frédérique Duyrat, directrice du départment des monnaies anciennes à la Bibliothèque nationale de France, Patrick McGovern, directeur du laboratoire de l'archéologie biomoléculaire du laboratoire de l'université de Pennsylvanie, Peter van Dommelen-Joukowsky, professeur d'anthropologie à la Brown University, et James Fitzpatrick, professeur de droit à l'université de Georgetown.
Dans l'après-midi, c'était au tour de quatre spécialistes de Tyr dans la Bible, de s'exprimer : Irene Winter, du départment d'art et d'architecture à l'université de Harvard, Eric Gubel, directeur géneral du Musée royal de l'histoire de l'art de Bruxelles, Almagro Gorbea, conservateur des antiquités de l'Académie royale d'histoire, en Espagne, et Rodi Kratsa, président de l'Institut Constantin Caramanlis pour la démocratie, à Athènes.

Dîner libanais sous les arcades
Après quelques heures de repos, tout ce monde a retrouvé le gratin washingtonien autour d'un dîner (purement libanais) offert par le comité américain de Tyr dans une très belle galerie à arcades de la Bibliothèque du Congrès, aux plafonds et aux murs décorés de peintures. « Nous venons de vivre un moment intense. Tyr, reine des mers, était présente tout au long de cette journée, en tant que reine de l'histoire, de la culture et de la paix mondiales. Des experts de différents horizons ont braqué une nouvelle lumière sur des aspects ignorés de la ville. La présence ici de personnalités de divers horizons politiques, économiques, culturels et scientifiques sont un témoignage vivant de leur soutien à ceux qui travaillent sans répit pour promouvoir l'étude d'une civilisation prestigieuse, représentée d'une manière impressionnante par Tyr », a fait remarquer, à l'occasion, Maha Chalabi.
Elle a à nouveau réitéré ses remerciements à tous ceux qui ont collaboré à accueillir Tyr à la bibliothèque du Congrès. Sans oublier Esther Coopersmith, personnalité très en vue de Washington, doublée d'une ambassadrice de bonne volonté auprès de l'Unesco et présidente honoraire du Comité américain de l'Association internationale pour la sauvegarde de Tyr, dont elle a été l'une des premières supporters aux États-Unis.
En guise d'appréciation, Mme Chalabi a offert à la Bibliothèque du Congrès deux livres anciens (Ptolémée et Les Assyriens) d'une grande valeur. La Bibliothèque avait exposé quarante ouvrages sur Tyr, rédigés en douze langues, prouvant la réputation mondiale de la ville.
Maha Chalabi a terminé la soirée par cette citation du président Thomas Jefferson : « La paix et l'amitié avec toute l'humanité est notre politique la plus sage et je souhaite qu'il nous soit donné de la poursuivre. »

Des amis de Tyr venus de partout

Des amis de Tyr, une cinquantaine, étaient venus de partout pour participer à cette journée si spéciale : de plusieurs États américains, du Liban, de France, de Belgique, de Tunisie et de Grèce. À leur intention, l'Association avait prévu, en parallèle, un programme culturel et plusieurs réceptions : visite des musées (Air and Space, National Gallery of Art et Freer and Sackler Gallery et National Geographic Museum), tour privée de la Bibliothèque du Congrès, visite du cimetière d'Arlington, concert dans la boîte mythique de jazz, Blue's Alley.
À leur arrivée, ils étaient conviés à un cocktail donné en leur honneur par l'ambassadeur du Liban à Washington, Antoine Chédid, et son épouse Nicole. En accueillant ses invités, M. Chédid a notamment dit : « Je pense sincèrement qu'en protégeant Tyr, nous protégeons le Liban, son passé et son avenir. » Il a félicité Mme Chalabi « pour avoir été capable de porter la cause de Tyr à ce haut niveau d'où elle peut braquer les feux pour mieux conserver cette métropole phénicienne ». « Nous célébrons avec vous Tyr, également votre ville natale, dans cette capitale du monde qu'est Washington », a-t-il lancé.
Il y a eu aussi un déjeuner offert par le National Geographic Institute et un barbecue dans la résidence d'Esther Coopersmith.
Un autre moment privilégié pour les amis de Tyr : la visite de la Bibliothèque du Congrès qui compte aujourd'hui 155 millions d'ouvrages, de documents et d'objets. Elle avait été fondée en 1800 par le deuxième président américain, John Adams, pour réunir une collection d'ouvrages utiles aux membres du Congrès américain. Thomas Jefferson donnera à cette bibliothèque sa véritable envergure en 1802. Elle a pour vocation première de soutenir la démocratie par une connaissance des grands domaines du savoir. Mais son rôle ne s'arrête pas à servir les membres du Congrès. Elle se donne aussi pour objectif de démocratiser l'accès au savoir notamment à travers des expositions.

 

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