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Déranger les pierres

Il y a quelque chose d'extrêmement troublant dans la jouissance qu'éprouvent les monstres en détruisant, quand ils savent qu'ils ne peuvent pas les revendre, des œuvres d'art immatérielles, immarcescibles, universelles. Quelque chose d'extrêmement troublant, aussi, lorsqu'un être humain, au-delà de son appartenance socioprofessionnelle, au-delà de son acculturation et de son éducation, se surprend à suffoquer, à chavirer, à enrager, autant sinon davantage qu'à un massacre ou un génocide, parce que des monstres, encore eux, ont saccagé des statues, détruit des tableaux ou des sculptures, brûlé des livres, des films ou des bandes-son. Quelque chose d'extrêmement troublant, à la limite de la perversion, quand cet être humain se rassure en se répétant que, jusqu'à nouvel ordre, il peut se reproduire, mais qu'on n'accouchera jamais d'un nouveau Lamassu, de nouveaux bouddhas de Bâmyân, ou d'un nouveau sanctuaire de Jonas. En se répétant, une fois assimilée, si tant est que cela soit possible, l'indicible horreur des 62 millions de morts de la Seconde Guerre mondiale, pour ne pas remonter plus loin, que la cathédrale Saint-Basile de Moscou est encore là, et avec elle les livres de Dostoïevski et les films de Tarkovski, que le Louvre, Versailles ou la grotte de Lascaux sont encore là, que le théâtre romain antique de Mayence est encore là, que le sanctuaire shinto d'Itsukushima est encore là. Le soulagement et la honte : pas besoin d'être un passionné totalement sociopathe et coupé du monde pour éprouver à la fois ces deux mini-tsunamis.
Un soulagement, et parfois une satisfaction : le film tourné en caméra cachée avec Michel Samaha, cet ancien ministre accusé d'avoir transporté des explosifs à des fins terroristes, avec ses mots, énormes, le ballet, halluciné, de ses mains qui envoyer valser, plus fortes que tout un laïus, et ses figues de Barbarie, ce film n'est pas une œuvre d'art. Ni au propre ni au figuré. Mais il restera, trace et stigmate indélébiles. Envers et contre tout. Et tous – à commencer par le juge Ibrahim et son verdict.
L'art sauvera le monde est un axiome posé par un mathématicien du mot : Dostoïevski, encore et toujours lui. Certes. Et Palmyre ? Mais Palmyre...
Il y a(ura) quelque chose d'extrêmement troublant dans la jouissance qu'éprouve(ro)nt les monstres en saccageant, s'ils y entrent, cette ville-temple du soleil. Ils s'acharneraient sur Baal, surtout. Ils ne comprendraient rien au mariage fascinant, sublime et pérenne du sable et de la pierre. Comme tous les autres peuples qui ont connu la fureur des guerres aux quatre coins de la planète et à chaque soubresaut de l'histoire, les Syriens, résilients jusqu'à l'os, en pleureraient. Un peu. Au moins. Même s'ils ont enterré toute leur famille. Même s'ils ont tout perdu. Palmyre est à chacun d'entre eux. Pas Tadmor. Palmyre. Presque comme un fils. Comme une mère.
Il y a quelque chose d'extrêmement troublant dans cette indifférence au cœur de laquelle se bat, aujourd'hui, Irinia Bokova. La directrice générale de l'Unesco, bien plus, avant elle, que René Maheu, Amadou-Mahtar M'Bow, Federico Mayor Zaragoza ou Kõichirõ Matsuura, est atrocement seule. Surtout qu'il n'y a ni pétrole ni minerais sous toute cette beauté.
On ne peut pas empêcher les guerres, ni que les hommes meurent de ces guerres : c'est la loi de la nature. On ne se bat pas contre la nature : sans doute, parfois, sait-elle ce qu'elle fait. Pas les hommes.

Il y a quelque chose d'extrêmement troublant dans la jouissance qu'éprouvent les monstres en détruisant, quand ils savent qu'ils ne peuvent pas les revendre, des œuvres d'art immatérielles, immarcescibles, universelles. Quelque chose d'extrêmement troublant, aussi, lorsqu'un être humain, au-delà de son appartenance socioprofessionnelle, au-delà de son acculturation et de son éducation,...

commentaires (4)

PIRE QUE DES ANIMAUX... DES BRUTES !

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 35, le 19 mai 2015

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Commentaires (4)

  • PIRE QUE DES ANIMAUX... DES BRUTES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 35, le 19 mai 2015

  • Sous l'impulsion d'une idéologie connue mais condamnée du bout des lèvres , Ziad en ce jour de Mai 2015 reconnait la nocivité d'une action tendant à détruire ce qu'aucun gouvernement depuis la création de ce temple n'avait osé faire avant cela ! Bravo , il y a du progrès dans l'air !

    FRIK-A-FRAK

    11 h 16, le 19 mai 2015

  • Les animaux ont peur du regard des pierres. Car il leur dit : vous n'êtes que des animaux.

    Halim Abou Chacra

    06 h 01, le 19 mai 2015

  • Grâce au Sain syrien, ce patelin redeviendra pour 1 temps le pays du talent et de l’entregent. Entité, là, presque arrivée, il voudra repartir de ses propres ailes ! Dans ses échappées belles, il repensera aux démangeaisons de ses vingt ans, rêvant de Liberté et de Progrès pour cette contrée qui l’entoure et toutes ces choses. La rupture mûrit dans son fin esprit, ce qui n'est pas Rien pour 1 bled qui prône si volontiers les sectarismes et les violences en tous genres. Un jour, ce pays passera sec à l'acte, cédant au "démon Libre de midi". Balancera son conFort sectaire, enfin tout ce qui compose la vie d’1 pays + ou moins réussi archaïquement parlant, et partira avec ce Sain syrien parsemer ce Progrès au hasard des steppes sablées de cette bâdïyâh désertée. La Modernité c'est 1 admirable technique : Il s'agit d'aider les + arriérés, mais vraiment très arriérés, à se libérer d’un sectarisme très, très fort. Ces cent fleurettes, comme disait l’autre…. Mau-Mau, ces cents microscopiques provoquent 1 infusion dans les villes ou les campagnes mortes, ranimant les zkkâkks d’1 ville antique même ; tous sectaires. V'là, on est bien loin là, du développement sectaire à l’aveuglette. C'est parce que ce pays a eu grâce à ce Sain la tête pleine d'humanité en ces temps sectaires, qu’on pense à ce Syrien de temps en temps : 1 Sain qui interviendra pour humaniser ; n’en déplaise aux sales de tout poil ; des vies si indigènes mais Saines dans une situation fakihdio-bääSSyrienne si Malsaine.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 13, le 19 mai 2015

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