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Liban - Réfugiés

Pour les chrétiens d’Irak, le Liban est la dernière escale avant l’Occident

Ils sont originaires de Mossoul et de Bagdad. Ils ont effectué de nombreuses escales à Dohuk, à Erbil ou à Damas avant d'arriver au Liban, où ils ont présenté une demande d'asile vers un pays occidental. Syriaques, assyriens, chaldéens et grecs-orthodoxes, ils attendent leur départ alors qu'ils habitent au Golden Beach, un centre balnéaire d'Antélias (lire l'article du samedi 11 avril).

Les trois enfants de Dalia, entourant le neveu de Patricia. Les deux femmes se connaissent de Bagdad.

Construit en 1979, le Golden Beach abrite actuellement une soixantaine de familles chrétiennes venues de Syrie et d'Irak. De bouche à oreille, alors qu'ils étaient toujours à Bagdad ou à Hassaké, ils ont appris l'existence de ce centre balnéaire où ils peuvent louer des chalets à des prix abordables, moins chers que les appartements qu'on leur propose en ville. Ici, le courant électrique est continuellement assuré, et le prix des abonnements à l'Office de l'eau et à EDL inclus dans celui de la location. Les familles qui habitent les lieux paient uniquement, en dehors du loyer, leur connexion à l'Internet.
Nombre d'Irakiens qui ont loué des chalets sont parents, ou étaient voisins dans leurs villes d'origine. Toujours grâce au bouche-à-oreille, beaucoup d'entre eux ont pris cette initiative avant même d'arriver au Liban, à travers leurs proches qui habitent le centre balnéaire.
Les familles irakiennes, qui ont fui l'organisation de l'État islamique, sont beaucoup plus traumatisées que leurs homologues syriennes, et leur sentiment de persécution de loin plus perceptible. Avec la chute de Saddam Hussein en 2003, la marge de liberté dont ils bénéficiaient s'est rapidement rétrécie, jusqu'à disparaître. Ils ont aussi connu peu de jours de paix, depuis le début de la guerre Irak-Iran en 1980.

 

Maintenant, je sais ce que c'est que d'être chrétien
Dalia est arrivée au Liban avec son mari et ses trois enfants, âgés entre 10 et 15 ans, en octobre dernier. Ils sont originaires de Bagdad.
La jeune femme est assyrienne et son mari grec-orthodoxe. Elle est contente d'habiter le Golden Beach où la piscine sera remplie le mois prochain. « Les enfants pourront nager. Déjà ici, ils jouent dans un endroit protégé », note-t-elle. Elle est surtout contente d'habiter au Liban. « Quand je suis arrivée, j'ai su vraiment ce que c'était que d'être chrétien, de vivre dans un pays où les chrétiens ne sont pas des citoyens de deuxième catégorie », ajoute-t-elle. « J'ai été éblouie par les lumières et les décorations des rues à Noël, par les foules qui se rendent à la messe de minuit ; et pour Pâques c'est la même chose, tout le monde se rend à l'église. À Bagdad, nous fêtions Noël et Pâques, mais ce ne sont pas des jours chômés et nos voisins ne savaient pas que ce sont des fêtes importantes pour nous », dit-elle encore. Dalia montre la croix en or qu'elle porte au cou. « À Bagdad, je ne peux pas me promener dans la rue avec cette croix. Et j'habillais tout le temps ma fille, actuellement âgée de 12 ans, de pantalons et de tops à manches longues. J'ai toujours eu peur que quelqu'un l'enlève parce que nous sommes chrétiens », poursuit l'Irakienne.


Le mari de Dalia était cameraman, jusqu'au jour où il a été atteint de plusieurs éclats d'obus à la jambe lors d'un bombardement américain. Il a changé de métier et il est devenu DJ, animant des soirées, notamment celles organisées par sa paroisse. Au cours de la dernière année passée dans la capitale irakienne, il a reçu plusieurs menaces de miliciens lui signifiant que la musique et la fête étaient contraires à la religion musulmane. Mais ce fut une explosion non loin de leur appartement qui a décidé le couple à quitter Bagdad.
Aujourd'hui, Dalia est contente de pouvoir porter des vêtements de couleur toute l'année. « Depuis plus de sept ans, les chiites de la ville célèbrent Achoura durant deux mois lunaires (et pas dix jours comme le veut la tradition) et nous devions porter des couleurs sombres quand nous sortions », explique-t-elle.
Son fils aîné, Rowen, qui veut devenir cameraman comme son père, évoque, lui, son école à Bagdad. Jusqu'au primaire, l'adolescent était scolarisé dans une école chrétienne. Ensuite, il a été inscrit dans une école publique. « J'étais le seul chrétien de la classe et parfois des enseignants parlaient de religion et désignaient les chrétiens comme des mécréants », se souvient-il.
La famille a présenté une demande d'asile pour le Canada, auprès du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Dalia aimerait bien aussi rester au Liban, « même si la vie ici est très chère ».

 

(Pour mémoire : Voisins dans les villages chrétiens du Khabour syrien, ils se retrouvent dans un centre balnéaire au Liban)

 

Une situation qui se dégrade de jour en jour
Patricia connaît Dalia de Bagdad. Elle est arrivée il y a trois mois avec sa sœur et son père au Liban. L'une de ses sœurs mariée vivait déjà au centre balnéaire, c'est elle qui leur a loué un chalet. Son neveu dans les bras, Patricia est venue prendre le café chez Dalia. À Bagdad, elle travaillait avec sa sœur dans un magasin de vêtements. « Un jour, deux femmes voilées sont entrées chez nous. Nous avons pensé qu'elles étaient des clientes. Elles ont fermé la porte derrière elles et nous ont expliqué qu'il vaudrait mieux pour nous de porter le voile quand nous sommes au magasin et quand nous sortons en ville. De jour en jour, la vie devenait de plus en plus difficile à Bagdad. Nous n'avions plus le choix, il fallait partir. Depuis que j'ai ouvert les yeux, je n'ai jamais vu un jour de paix dans mon pays », confie-t-elle. La jeune femme, sa sœur et son père devraient partir bientôt à Chicago qui compte des dizaines de milliers d'assyriens.
Autres locataires du Golden Beach, Maya, syriaque, et Imad, son mari chaldéen, qui vivent avec leurs trois enfants, deux garçons de cinq et de trois ans et une fille de deux ans atteinte d'une infirmité motrice cérébrale. La famille est originaire de Mossoul et a fui la ville en juin dernier avec l'entrée des jihadistes de l'État islamique. Le couple et ses enfants ont pris la route en voiture avec des voisins et sont arrivés à pied à Dohuk, après avoir été cambriolés et dépouillés de leur argent et des quelques bijoux que Maya possédait.
« Mes beaux-frères sont toujours à Dohuk. C'est grâce à l'argent qu'ils nous envoient que nous arrivons à vivre au Liban », indique Maya qui ambitionne un meilleur avenir pour ses enfants. « À partir de 2003, la situation à Mossoul est devenue intenable. Au cours des quelques dernières années, je ne sortais pas en ville sans porter le voile et cela pour éviter d'entendre les remarques des habitants », dit-elle, notant également que certains voisins sunnites ont fui la ville avec les chrétiens et les yazidis en juin dernier car ils craignaient, eux aussi, l'État islamique.
La famille, qui est arrivée au Liban en novembre dernier, a également déposé une demande d'asile auprès du HCR. Maya explique que sa fille malade est prioritaire et lui trouver les traitements adéquats en Occident sera plus facile. « La petite est fragile. Elle a l'air d'avoir quelques mois mais elle a deux ans. Elle tombe souvent malade... À notre arrivée au Liban, nous avons payé son hospitalisation. Actuellement, le HCR nous aide pour les frais de l'hôpital », dit-elle.

 

(Pour mémoire : La misère discrète des assyriens du Khabour réfugiés au Liban)

 

« Où qu'ils aillent, les chrétiens d'Orient construisent des églises »
Dans un autre chalet, une femme essuie ses larmes. Rawa, syriaque-orthodoxe, est arrivée avec sa famille de Bagdad il y a deux semaines. Sa sœur et son beau-frère habitaient déjà le Golden Beach. Le périple de Rawa, de son mari Raad et de leurs trois enfants a été trop long.
« Je suis originaire de la plaine de Ninive, mais je suis née à Bagdad, où ma famille possède des immeubles et travaille dans la construction. La situation s'est détériorée après 2003, mon frère a été enlevé et Bagdad est devenue une ville dangereuse. Pour plus de sécurité, j'ai emmené ma famille en Syrie, je me suis installée dans les faubourgs de Damas en 2007. J'effectuais des allers-retours à Bagdad. J'ai travaillé dans le commerce du tissu. Puis la guerre a éclaté en Syrie. En 2013, des miliciens ont enlevé mon fils, âgé de dix ans à l'époque, contre rançon alors qu'il attendait le bus de l'école. Les chrétiens, des minoritaires, sont vulnérables. Il a été relâché huit heures après son enlèvement. Nous avons alors estimé que l'Irak était un endroit plus sûr et nous sommes partis à Mossoul. Quand les combattants de l'État islamique sont entrés en Irak, nous étions heureusement en visite chez des parents à Erbil. Depuis juin dernier, nous attendions là-bas. Nous pensions que les choses rentreraient dans l'ordre et que nous reviendrions chez nous... Mais voilà, nous sommes arrivés au Liban il y a deux semaines. Nous avons déjà postulé pour une demande d'asile auprès du HCR. » La famille sera probablement relocalisée aux Pays-Bas où la fille aînée du couple habite avec son mari.
« J'en ai ras le bol d'être ballottée d'un endroit à l'autre. Aidez-moi à partir, je veux m'installer ailleurs, dans un endroit où je me sentirai en sécurité. Je veux un meilleur avenir pour mes enfants », supplie presque Rawa, les yeux noyés de larmes.
« En Irak, cela fait 35 ans que l'on attend. On a attendu la fin de la guerre contre l'Iran. On a attendu la fin de la guerre du Koweït. On a attendu la fin de l'invasion américaine, maintenant on attend le départ de l'État islamique... » dit-elle désespérée.
« Si cela ne tenait qu'à moi, je ne quitterais jamais le Moyen-Orient, je n'aurais jamais quitté l'Irak. Mais nous sommes menacés à tout instant. Nous sommes en danger et personne ne nous protège », renchérit Raad, son époux. Puis il ajoute, comme pour se donner du courage : « Où qu'ils aillent, les chrétiens d'Orient construisent à leur arrivée des églises. Je n'ai pas peur que ma communauté s'éteigne. Cela n'arrivera pas. »

 

Pour mémoire

Rémy et Novart, assyriens des villages de Hassaké, racontent l'enfer

 

Construit en 1979, le Golden Beach abrite actuellement une soixantaine de familles chrétiennes venues de Syrie et d'Irak. De bouche à oreille, alors qu'ils étaient toujours à Bagdad ou à Hassaké, ils ont appris l'existence de ce centre balnéaire où ils peuvent louer des chalets à des prix abordables, moins chers que les appartements qu'on leur propose en ville. Ici, le courant...

commentaires (3)

A-t-on besoin de rappeler que le debut de cette catastrophe est l'invasion par un ivrogne patente president du plus grand pays terroriste au monde qui pretent agir pour le bien des peuples au nom de la democratie et bla bla bla ... Ca fend le Coeur d'entendre certains se plaindre alors qu'ils criaient haro sur le dictateur . Je les entend encore a ces fendards !

FRIK-A-FRAK

17 h 46, le 16 avril 2015

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Commentaires (3)

  • A-t-on besoin de rappeler que le debut de cette catastrophe est l'invasion par un ivrogne patente president du plus grand pays terroriste au monde qui pretent agir pour le bien des peuples au nom de la democratie et bla bla bla ... Ca fend le Coeur d'entendre certains se plaindre alors qu'ils criaient haro sur le dictateur . Je les entend encore a ces fendards !

    FRIK-A-FRAK

    17 h 46, le 16 avril 2015

  • C'EST DOMMAGE ! TRISTE ET MALHEUREUX !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 36, le 16 avril 2015

  • les larmes me montent aux yeux....Et nous au Liban on arrive meme pas à élire un président de la république...a force de jouer avec le feu, le tour des chrétiens du Liban arrivera bientot...

    HADDAD Fouad

    10 h 27, le 16 avril 2015

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