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Lifestyle - Hotte d’or

Teorema di svenimento

Photo via Instagram

Ce n'était pas un hurlement. Pas un glapissement. Mon cri était inhumain. Un cri de bonheur. Un cri volontaire, puissant, félin. Un cri de conquérante. J'étais Christophe Colomb. En 1936, c'était un mardi soir, nous soupions vers la Butte aux Cailles, Gabrielle Chanel m'avait dit : Toi, chérie chérie, quand tu veux quelqu'un, tu l'as. Et aujourd'hui, je le veux. Non : je l'exige. J'ai affrêté un avion privé pour Londres, où j'ai vite rejoint la suite que je loue à l'année au Mandarin Oriental. J'ai réussi à avoir son portable. Je l'ai appelé. J'ai appelé Pietro Boselli. Je lui ai fait croire que je préparais une thèse basée sur une comparaison newtonienne des polynômes de Donaldson et des intégrales de Feynman que j'avais envie de placer au cœur de la théorie de Fourier. Je lisais au hasard des notes faxées par mon ami Grigori Perelman, médaille Fields en 2006 (je suis le seul être humain au monde auquel il adresse la parole et souvent, nous buvons, nus dans un jaccuzzi à ciel ouvert, du suutei tsaï de Mongolie) ; je lisais avec une voix dangeureusement langoureuse, comme si je déclamais des chapitres entiers de la Venus Erotica d'Anaïs Nin. Pietro ne respirait plus. Ce n'est pas qu'il a raccroché, mais je pense que je les ai totalement interloqués, ses 26 ans et lui-même. Non, non, je n'ai pas raccroché, chère madame K., votre proposition m'honore (s'il savait combien c'est lui qui va m'honorer...), je me demandais juste si j'étais assez qualifié pour vous aider. Je lui ai beuglé que le doyen de son université et mon ami Grigori m'ont dit le plus grand bien de son cerveau (je n'ai pas dit de son corps), que tout le charivari orchestré par ses élèves sur Instagram et les réseaux sociaux n'est surement pas lié qu'à ses abdominaux et à ses pectoraux, et que j'entends bien financer son doctorat à hauteur de 200 000 £ par an. À quelle heure souhaiteriez-vous que j'arrive, chère madame K. ? Je lui ai dit que le champagne sera sabré à 20h00 précises. Il me restait huit heures. Mon styliste, l'infatigable Mak. B., m'a ordonné d'aller au 201-202 Sloane Street, chez Tom Ford, et d'essayer le fourreau-pantalon dont tout le buste, en tulle, laisse deviner les seins sous des as de piques brodés de sequins noirs. Le bonheur d'une femme, quel que soit son âge, ne tient qu'à un mot : tissu. À 19h55, 26 bouteilles de Veuve Clicquot rosé attendaient nichées dans leurs glaçons, 26 bougies Castelbel enflammaient la suite de fragrances pivoinées, 26 petits plats à zakouskis piaffaient d'impatience et moi-même, en Tom Ford et pieds nus, bouillonnait. À 19h59, il frappe à ma porte. J'ouvre, déjà ivre et pantelante de désirs de tétraèdres dans l'espace, de cribles d'Ératosthène, d'asymptotes, de trigonométrie, de pi sous toutes ses décimales, et tandis qu'il pénétrait mon espace, divin et démiurge, comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma, je chuchotais, aérienne, ces deux mots : miam-miam.

 

La précédente chronique de Marguerite K.

Ce n'était pas un hurlement. Pas un glapissement. Mon cri était inhumain. Un cri de bonheur. Un cri volontaire, puissant, félin. Un cri de conquérante. J'étais Christophe Colomb. En 1936, c'était un mardi soir, nous soupions vers la Butte aux Cailles, Gabrielle Chanel m'avait dit : Toi, chérie chérie, quand tu veux quelqu'un, tu l'as. Et aujourd'hui, je le veux. Non : je l'exige. J'ai...

commentaires (1)

je n'ai jamais compris l'interet de cette rubrique...c'est une blague?

Otayek Nada

02 h 39, le 01 avril 2015

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Commentaires (1)

  • je n'ai jamais compris l'interet de cette rubrique...c'est une blague?

    Otayek Nada

    02 h 39, le 01 avril 2015

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