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Lifestyle - Tous les chats sont gris - Nightlife

Et toi non plus, tu n’as pas changé

Dix-huit ans après son ouverture à la rue Monnot, le Pacifico n'a pas pris une ride. Tout comme ses deux copropriétaires, Michel Saidah et Camille Chahwan, qui renouvellent l'aventure et transportent les margueritas, fajitas et autre nachos-guacamole dans leur nouveau local. À quelques pas, sur la même rue, pour ne rien changer à cette recette savamment pimentée et dont on raffole comme au premier jour...

Nous sommes en mars 1997. À l'époque, le Liban, et Beyrouth plus particulièrement, sort péniblement la tête de l'eau. Les Libanais sont alors partagés entre une volonté de ménage, d'oxygène, de sorties, d'euphories et une envie de s'engouffrer davantage, tant le constat des dégâts est affligeant. La rue Monnot, elle, devient une cicatrice béante ; une ligne de démarcation entre deux villes qui se scrutent en chiens de faïence. Et voilà que Michel Saidah et Camille Chahwan, de retour d'exil, s'aventurent dans ce quartier improbable et y aménagent le premier bar/restaurant avec un nom à lui seul dépaysant : Pacifico.

Car, au cours de leurs années berlinoises, les deux hommes rencontrent un talentueux proprio de bars, Andy Tyll, avec qui ils s'égarent sur les chemins des cocktails et sont séduits par la tendance du moment : les bars/restaurants aux accents sud-américains. Bien leur en a pris, c'est sans doute grâce à leur concept et leur cadre que le Pacifico est resté sur toutes les lèvres, depuis dix-huit ans déjà...Le pari est donc gagné : imposer, dans un secteur qui n'a pas toujours caressé les estomacs dans le sens du poil et où les établissements n'ont cessé de jouer aux chaises musicales, le tex-mex le plus gracieux de la capitale. Avec un mot d'ordre : la qualité, que répètent sans cesse les deux propriétaires des lieux. Mais au-delà de cette obsession de qualité, le Pacifico est l'un de ces rares endroits de nuit qui sont rentrés puis se sont solidement ancrés dans les coutumes des fêtards libanais, pourtant réputés pour leur infidélité et leur besoin de changement compulsif.

Dix-huit ans, une sacrée relation entre le Pacifico et la nuit libanaise. Une vie, « 3iché » – comme on aime bien le répéter ici –, c'est ce que sont venus fêter, ou pleurer les habitués et moins habitués des lieux, dimanche dernier, à l'occasion de la fermeture de l'établissement légendaire de la minuscule impasse rue Monnot. Ce soir-là, les présents ont donc suivi à la lettre ce dicton gravé sur les murs jaunes : « Vivo este dia como si fuera mi ultimo » (Vivre ce jour comme si c'était mon dernier), comme s'ils repassaient le film de leurs souvenirs. Avec leurs smartphones, ils sont revenus sur tous les coins où ils avaient laissé traîner un souvenir... Et de réaliser que, finalement, rien n'avait changé. Sous les ventilos sortis d'un motel de Havana, on revenait aux prémices d'une histoire d'amour, été 1998, à ce baiser volé par un shot de tequila de trop, adossés sur le coin du bar. On se remémorait ce premier « date », printemps 2001, collés-serrés sur la terrasse aux dimensions d'un balcon parisien. On se souvenait d'un chagrin d'amour, Noël 2007, qu'on avait noyé dans un pitcher de frozen margerita ; d'une demande en mariage en 2010, solennelle, agenouillé entre deux tables bondées. Et puis on s'est rappelé de tous ces soirs, semaine comme week-end, où l'on débarquait à 20 heures en tenue de sport et déguerpissait, de force, à la fin de la nuit.

Servis par d'adorables messieurs en tenues d'apothicaire, on commençait la soirée accoudé au comptoir, face à l'énorme miroir style bar de La Havane, à avaler un puis deux Bloody Mary rehaussés d'une branche de céleri, avant de tituber, tout sourire, vers un banquet comme on l'aime : copieux, épicé, relevé et souvent gras. Se relaient à table une flopée de plats en « as ». D'abord les tortillas, ces chips qu'on trempe dans une salsa de tonnerre. Puis, la guacamole vient envahir les assiettes ; on la marie aux nachos recouvertes par un nuage de fromage, aux quesadillas redoutables ou aux éternelles fajitas qui débarquent à table, frétillant comme un sang chaud sud-américain.

Non, rien n'a vraiment changé. Et, au final, pas la peine d'employer le passé pour évoquer le Pacifico car ce n'est qu'un au revoir. Michel Saidah et Camille Chahwan ne font que déplacer leur bébé (qui a mûri, tout de même!) un peu plus haut de la rue Monnot, dans une magnifique bâtisse traditionnelle. La même déco, le même bar, le même menu, la même centaine de cocktails, la même ambiance, avec un jardin plus vaste. Tiens, voilà de quoi nous consoler.

 

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