Le 15 février, le gouvernement fêtera sa première année, une année riche en développements et finalement en décisions, en dépit de la vacance à la tête de la République. Le 15 février 2014, le gouvernement de Tammam Salam est né après des négociations de plusieurs mois et alors que personne n'y croyait plus. Soudain, comme par miracle, les parties qui refusaient jusqu'alors l'idée même de se parler ont accepté de partager le pouvoir exécutif en s'asseyant à la même table. Le Hezbollah et ses alliés ont renoncé au fameux tiers de blocage, alors que le 14 Mars a laissé tomber l'exigence du retrait du Hezbollah de Syrie pour accepter de participer à un gouvernement dans lequel il est représenté. On a beaucoup parlé à l'époque d'un tiers de blocage déguisé à travers le ministre de la Jeunesse et des Sports Abdel Mouttaleb Hennaoui, mais en réalité, tout le débat politique, qui a longuement occupé les médias sur le tiers de blocage, s'est avéré totalement inutile, puisqu'il n'a jamais été question en un an d'exercice du pouvoir d'en arriver là.
Heureusement d'ailleurs que les Libanais ont la mémoire courte car s'ils devaient revoir les polémiques qui avaient lieu il y a un peu plus d'un an sur les exigences des uns et des autres et sur le contenu de la déclaration ministérielle, ils auraient compris que dans leur pays, les politiciens ont un discours de pure forme qui n'a aucune portée concrète. Que sont devenues les déclarations enflammées sur l'impossibilité de s'asseoir aux côtés des représentants du Hezbollah tant qu'il se bat en Syrie aux côtés du régime alors que même l'ancien Premier ministre Fouad Siniora, faucon parmi les faucons, a présenté ses condoléances au Hezbollah à la suite du raid israélien à Kuneitra qui a causé la mort de six cadres du parti ? Qu'est devenu le refus de reconnaître le droit à la résistance pour libérer les territoires qui restent occupés dans la déclaration ministérielle alors que nul n'a vraiment condamné la riposte du Hezbollah à partir des fermes de Chebaa ?... Dire que tous ces débats avaient lieu il y a un peu plus d'un an ! On aurait dit qu'ils remontent à plusieurs années. Mais tel est le Liban, pays des contradictions et de la mémoire courte, où l'on s'enflamme et l'on se calme au gré des développements régionaux.
Avec le recul, on comprend mieux l'insistance des parties étrangères pour la formation d'un gouvernement de coalition qui regroupe la plupart des composantes politiques du pays. On se souvient aussi des navettes effectuées dans ce but par l'ambassadeur des États-Unis au Liban entre Beyrouth et Riyad. Il est clair qu'il fallait assurer au Liban un filet de sécurité minimale en cette période particulièrement délicate, et qu'en fin de compte, les pays concernés prévoyaient une vacance à la tête de la République et voulaient éviter une réédition de l'expérience de fin 2007 jusqu'à mai 2008, où un gouvernement tronqué a pris la relève et a placé le pays au bord de l'effondrement. Or, en 2007-2008, les circonstances régionales n'étaient pas aussi complexes et le Liban n'abritait pas encore un million et demi de réfugiés syriens. Voilà pourquoi les États-Unis, la France, l'Arabie saoudite et l'Iran s'étaient mis d'accord pour donner le feu vert à la formation du gouvernement « de la nécessité nationale » comme l'a surnommé son chef Tammam Salam. Et voilà pourquoi le 8 Mars et ses alliés ont, par exemple, accepté à la dernière minute une formule qui place « le faucon » Achraf Rifi à la tête du ministère de la Justice...
Depuis sa naissance, ce gouvernement n'a pas cessé « de passer entre les gouttes », parvenant à instaurer une sorte de stabilité et un minimum de cohésion. Avec sagesse, le Premier ministre Tammam Salam a compris le rôle qui lui est assigné et les limites de sa mission, et il est parvenu au cours de l'année écoulée à gérer les conflits et à choisir le bon timing pour lever les réunions, lorsque les conflits se faisaient trop violents. Selon ses proches, il agit en concertation régulière et constante avec le courant du Futur et le Hezbollah pour éviter l'éclatement de son gouvernement. Il a même fait adopter un mécanisme de prise des décisions qui accorde à chaque ministre un droit de veto, ce qui lui est d'ailleurs reproché par « les faucons sunnites » qui estiment que par ce procédé, il a fait de chaque ministre l'égal du Premier ministre, bradant à leurs yeux les droits de cette fonction.
C'est d'ailleurs à cause de cette pression exercée par « les faucons sunnites » que Tammam Salam a décidé pour l'instant de ne plus convoquer un Conseil des ministres pour donner le temps aux ministres de dépasser leurs divergences. Car tant que ce gouvernement « de l'intérêt national » continue de bénéficier d'une couverture internationale et régionale, il restera en place, quels que soient les conflits et les tiraillements entre ses membres. C'est pour cette raison, par exemple, que ce gouvernement a pu procéder à des nominations administratives urgentes, décider un plan de sécurité pour Tripoli, un autre pour la Békaa, qui est en voie d'application, et régler le problème du « bâtiment B » à la prison de Roumieh. Par contre, la situation à Ersal et le dossier des militaires pris en otage, qui ont une dimension régionale, restent en suspens car ceux qui veulent un minimum de stabilité au Liban ne souhaitent pas pour autant un règlement définitif des problèmes, ce dernier restant tributaire des développements régionaux.
commentaires (5)
BON... LE CARAMEL ! QUAND SERVI À MERVEILLE !
LA LIBRE EXPRESSION
20 h 01, le 14 février 2015