Drapeaux jaunes du Hezbollah et ceux verts du mouvement Amal, banderoles immortalisant le souvenir de Rafic Hariri, portraits grandeur nature de Recep Tayyip Erdogan, panneaux électoraux datant de 2005, et même vieilles pubs annonçant la soirée très hot de Nawal el-Zoghbi à l'occasion du Nouvel An, tout y est passé. À la lumière du dialogue entre le courant du Futur et le Hezbollah, la capitale Beyrouth a été nettoyée hier de tous ses messages politiques, suite au feu vert donné par les deux parties qui ont voulu faire preuve de bonne volonté et tenter de baisser les tensions dans la capitale. La même décision politique qui avait permis leur érection a mené ainsi à leur disparition.
Tôt le matin, les pompiers de Beyrouth et les services d'hygiène du conseil municipal de la capitale se sont joints à la police pour « dépolitiser » les rues de Aïn el-Mraissé, de Ras Beyrouth, de Zokak el-Blat et de Tarik el-Jdidé. Les retraits et suppressions de banderoles ont aussi été effectués sur plusieurs axes principaux dans les régions de Bir Hassan, la Cité sportive, Tayyouné, l'autoroute de l'aéroport, le rond-point de l'ambassade koweïtienne et la descente de Rihab. Le mohafez de Beyrouth, Ziad Chebib, a pour sa part effectué une tournée dans la capitale, accompagné de responsables de partis et d'associations diverses, remerciant tous les citoyens qui ont pris l'initiative d'ôter les panneaux en début de semaine, bien avant les forces de l'ordre. « Le dialogue a eu des répercussions positives et nous espérons qu'il se poursuive, a noté le mohafez. Le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk a donné ses indications et 90 % des slogans politiques ont disparu du paysage. »
« C'était une excellente tournée, a-t-il par ailleurs confié à L'Orient-Le Jour. Nous avons senti que les habitants de Beyrouth attendaient ce jour avec impatience et ce sont eux qui nous ont aidés à nettoyer les rues de toutes ces affiches. Les pompiers poursuivront leurs travaux dès vendredi et nous ferons en sorte de surveiller les rues dans la période qui suivra pour nous assurer que les slogans et panneaux ne seront pas mis à nouveau. » « Les montants des amendes seront alors lourds », a ajouté M. Chebib, qui a affirmé qu'il n'est pas responsable du nettoyage de la banlieue sud qui s'inscrit dans le cadre des opérations de la mohafazat du Mont-Liban, mais que les slogans y seront sûrement supprimés bientôt dans cette région.
En effet, la campagne de suppression des slogans, drapeaux, banderoles et calicots partisans devrait toucher toutes les régions, notamment Tripoli, le Sud et l'ensemble du littoral. À Saïda, le Hezbollah a retiré hier ses slogans et banderoles à l'entrée et à l'intérieur de la ville, décrochant notamment une maquette arborant les photos de plusieurs de ses martyrs. Au Nord, également, le mohafez Ramzi Nohra a supervisé une opération de nettoyage massive, assurant que tous les slogans doivent disparaître même s'ils étaient élevés sur les façades des maisons.
Un dommage collatéral, la liberté...
Sur un autre plan, et dans la foulée, un énorme graffiti peint à Tabaris en 2012 par les artistes Ashekman et l'ONG March, et qui reprenait le slogan « Être libre ou ne pas être », a été effacé par les forces de l'ordre. L'ONG March engagée dans la lutte anticensure n'a pas tardé à publier un communiqué dans lequel elle a dénoncé cet acte, estimant que « la société civile au Liban a encore une fois été réduite au silence à la faveur de compromis politique ». « Il semble que la règle de la loi, la liberté d'expression et le respect de l'art sont des valeurs malléables au profit des accords politiques. Cela est-il la solution aux problèmes du Liban ? Faire taire les voix appelant à la liberté et littéralement recouvrir de peinture les messages positifs? » a poursuivi l'organisation, s'interrogeant si le autres graffitis ailleurs au Liban subiront le même sort. De son côté, le mohafez de Beyrouth Ziad Chebib a assuré à L'Orient-Le Jour qu'il n'était pas au courant de ce dessin mais que tout graffiti n'ayant pas obtenu de permis préalable devra être effacé. Le responsable au sein de March, Jad Ghorayeb, a toutefois assuré que l'ONG avait eu en 2012 le consentement du propriétaire de l'immeuble concerné, ainsi qu'une autorisation signée par le mohafez de Beyrouth à l'époque, Nassif Kalouche. « Nous avons contacté la municipalité et le propriétaire du bâtiment, mais apparemment cela concerne uniquement le mohafez de Beyrouth. Comment donc notre graffiti a été effacé alors que nous avons une autorisation signée par Nassif Kalouche, sans oublier que ce graffiti n'a rien à voir avec la politique, a-t-il déclaré. S'il s'agit d'une erreur, que le mohafez fasse preuve de bonne volonté et qu'il nous permettre de peindre un autre graffiti pour remplacer l'ancien. »
Pendant ce temps, le député du courant du Futur Ammar Houri a assuré que la campagne de suppression des drapeaux et banderoles n'est qu'une étape partielle, affirmant qu'il ne s'agit pas du but ultime du dialogue entre son parti et le Hezbollah, et que « le courant du Futur attend la suppression des armes illégales ». Le dialogue portera-t-il d'autres fruits, ou se résumera-t-il à une simple campagne ponctuelle de déblayage ? Affaire à suivre.
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Je souhaite que le Ministre des Finances décide enfin de récupérer les salaires des députés qui boycottent le Parlement depuis huit mois et de stopper le paiement de leurs salaires ultérieurs tant que ces voleurs de l'argent public restent chez eux au lieu de se conformer à leur mission pour laquelle ils ont été élus. Je vise spécialement les députés de ma circonscription électorale.
Un Libanais
14 h 55, le 06 février 2015