Rechercher
Rechercher

Culture - Théâtre

Rafic Ali Ahmad, un soliloque au goût amer...

Le voilà de retour sur scène, au Monnot. Seul, bien entendu, avec le public. Rafic Ali Ahmad « radioscopie » et scanne une fois de plus notre société bancale. Dans la solitude (« Wehcha »), tel un don Quichotte arabe, il pourfend les idées (reçues !). Sur ce ton singulier qui lui est propre : amer et sarcastique.

Seul sur les planches du Monnot, Rafic Ali Ahmad «radioscopie» la société libanaise. Photos Sami Ayad

Les cheveux et la barbe plus blancs que neige, la silhouette svelte et juvénile, à plus de soixante ans, l'acteur préféré des Libanais, figure iconique du monde des planches, s'appelle ici Abou Michel. Mais il aurait très bien pu s'appeler aussi Mohammad, Georges, Semaan, Ali ou Osman...
Dans la plus haute des solitudes, un homme, espadrilles aux pieds,
bonnet sur la tête, couverture en laine sur les épaules, vêtu d'un caban et d'un jeans délavé, soliloque dans la flaque de lumière. Abandonné par sa femme qui a été voir ailleurs et ses enfants partis vers d'autres horizons, mi-clochard, mi-SDF, raté et perdu, il erre avec ses sentiments, ses impressions, sa oisiveté, ses sensations, ses désolations, ses révoltes, ses nostalgies...
En préambule, les images d'une pellicule (d'exécrable qualité visuelle et sonore) sont projetées, en fond de scène nue, pour évoquer un Beyrouth dynamité qui n'existe plus. Et l'on plonge brusquement, d'une époque considérée relativement comme heureuse (on avait alors la paix ou ce qui lui ressemble!), dans les rues encombrées et miséreuses où un vieillard, d'allure encore jeune, livre ses pensées les plus intimes.
Déballage tous azimuts pour régler ses comptes avec cette chienne de vie qui en a fait baver à tant de Libanais. Malgré quelques rires nerveux, gras ou libératoires, constat amer et lourd des déceptions d'une société qui se disloque et se déshumanise. Avec sa pseudoliberté sexuelle, son émancipation féminine entre tradition et croyance, sa déroutante mondialisation, son démantèlement conjugal et familial, son incommunicabilité, ses intolérances, son manque d'humanisme, ses réseaux sociaux à l'addiction servile et perverse, sa politique si peu sérieuse et crédible...

Tout cela est dit pêle-mêle, tête bêche, en passant du coq à l'âne, sans colonne vertébrale d'un texte qui va dans tous les sens, avec des formules plus ou moins heureuses. Dans un esprit d'attente «beckettienne», d'humour populaire, de caricature, de parodie, de gestuelle vive et de pointes acides et moqueuses à l'inconstance des femmes et le machisme des hommes, Rafic Ali Ahmad (à la fois interprète, auteur et metteur en scène de sa pièce) reprend le filon de ce qui a fait ses premiers succès, à savoir al-Jarass et Zawarib... Du berger solitaire au Sud au ramasseur d'ordure dans une venelle de la capitale, en passant aujourd'hui par ce citoyen un peu Monsieur-Tout-le-monde, cassé et blessé, écrasé par le mal de vivre et les déboires, l'inspiration se nourrit de la même veine d'une certaine mise à l'index sociétale.

En défendant avec lyrisme, flamme, parfois en forçant les traits (trop de criailleries) et en ignorant presque la maîtrise d'une voix qui doit dépasser la rampe sans assommer le spectateur (s'époumoner n'est pas convaincre ou émouvoir!), l'acteur fétiche des scènes (et dernièrement des petits et grands écrans) libanaises se dépense généreusement. Sans toutefois combler des vides verbeux et inutilement gesticulant. Avec des trouvailles scéniques usées jusqu'à la corde, telle la femme de Loth carrément statufiée ou la valse avec Afaf, reine des putes, en mannequin de vitrine ! Mais il y a aussi quelques bons moments, intenses et déchirants. Un morceau d'étoffe qui se transforme en linceul ou catafalque. Et cette dernière image, comme calquée sur le bonhomme de Folon, où l'acteur est littéralement happé vers le ciel car il en a marre de vivre dans ce désespoir, cet enfer...
Comédie noire, ou représentation grave faussement truffée d'humour?
Sans doute les deux, mais le message est clair: oyez donc hommes sans foi ni loi, une main tendue au citoyen libanais est plus que bien avenue...On peut parfaitement mourir de solitude et d'abandon!

La pièce Wehcha, écrite, mise en scène et interprétée par Rafic Ali Ahmad, se donne au Monnot jusqu'au 8 février.

Les cheveux et la barbe plus blancs que neige, la silhouette svelte et juvénile, à plus de soixante ans, l'acteur préféré des Libanais, figure iconique du monde des planches, s'appelle ici Abou Michel. Mais il aurait très bien pu s'appeler aussi Mohammad, Georges, Semaan, Ali ou Osman...Dans la plus haute des solitudes, un homme, espadrilles aux pieds, bonnet sur la tête, couverture en...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut