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Nos Lecteurs ont la Parole - Maya-Maria TORBEY

Ils sont le vrai Liban

«À vous votre Liban et ses enfants (...). Ils sont ces esclaves dont les chaînes rouillées sont devenues brillantes avec le temps et ils croient qu'ils ont été réellement affranchis (...) Vous avez votre Liban.»
Je ne suis pas le vôtre.
Je suis des cimes de Sannine, de la droiture du cèdre de Dieu. Je suis de la noblesse des colonnes de Baalbeck, ferme comme les rochers de Nahr el-Kalb. J'ouvre les portes de la citadelle de Rachaya, car je suis de Qadisha. De l'école de droit de Beyrouth. De la montagne de Fakhreddine. Je lève mon ancre à Byblos où j'écris de mon encre l'histoire de ma Phénicie. Celle de Tyr, de Sidon. Et celle qui prit la mer vers d'autres horizons. Mais hélas! Chaque soir, à la sortie du musée, je ferme les yeux près du Soldat inconnu.
Il y a ceux qui m'ont devancé. Chacun à son rythme. Chacun à sa façon. Il y a ceux pour qui la statue de l'émigré au port fut un dernier regard, et ceux pour qui la statue des Martyrs au centre-ville fut une dernière demeure. Et entre les deux, celle du Soldat inconnu du musée; ces «petits» inconnus qui, pour certains, sont devenus grands à leur tour. Et à leur tour, un jour, eux aussi sont tombés.
Je suis du prophète de Gibran, du génie de Saïd, du «mijana» de Wadih, des «aboul-zolof» de Zaki. Je m'incline au rythme de la «dabké» de Sabah, et je ris à en mourir de la finesse de Chouchou.
Des langues de bois, je n'en connais pas. Je viens de la diplomatie royale de Malek. Du parallélisme du génie des Rahbani et celui de la musicalité majestueuse de Feyrouz. Et de tant et tant d'autres que même les 90 ans des pages de L'Orient-Le Jour ne suffiront guère à énumérer... Hélas! Encore une fois. Je ne retiens que la confession de Magida qui, dans son cri de «Ya Beyrout», un jour dit: Nous confessons à Dieu que nous étions jaloux de toi...
Je viens de cette ère où tous ces petits sont devenus grands. Par leur génie, leurs efforts, leur talent, leur passion taillée par le marteau et l'enclume de leur patriotisme. Serait-ce étrange qu'ils aient tous vécu presque en même temps? Qu'ils se soient même côtoyés, ont semé ensemble – ou chacun de son côté – ce qui fait désormais partie de notre identité? Cette identité mille fois bafouillée par la petitesse ignorante des demi-hommes qui restent et la folie destructive des demi-dieux qui naissent.
Laissez-les.
Ils peuvent se teinter les plumes des couleurs et de toute leur vivacité. Ils peuvent même prétendre me protéger, voire me sauver... et peut-être aussi me sanctifier. Mais ils ne peuvent pas se prévaloir de ma divinité, eux qui ont perdu tout sens d'humanité. Eux qui haïssent leur ennemi plus qu'ils n'aiment leur propre ami. Leur fils. Ou leur fille. Comment pourrais-je m'attendre à ce qu'ils m'honorent de mon vivant ou dans ma mort?
Laissez-les. Ils sont aveuglés par la folie de leur égoïsme. Ils pensent écrire leurs petites histoires personnelles au sang de la mienne. Ils oublient qu'avant eux j'existais et qu'après eux je subsisterai. Ils oublient la mémoire collective de mon peuple, eux qui n'ont ni Sabah, ni Akl.
Le Liban de Saïd est celui de Sabah. Celui de ce triangle de statues entre l'émigré, le martyr et le soldat inconnu. Les grands résistent ensemble. Et face à la petitesse de ceux qui restent, les grands s'en vont ensemble aussi. Le rideau est ainsi tombé devant des spectateurs éblouis.
«Mon Liban est un mont quiet et révéré, assis entre mers et plaines, tel un poète à mi-chemin entre création et éternité.»
Ils avaient une identité. Ils sont notre identité.
Sabah, Saïd... w tosba7o 3ala watan.
Signé :
L'autre Liban.

Maya-Maria TORBEY

«À vous votre Liban et ses enfants (...). Ils sont ces esclaves dont les chaînes rouillées sont devenues brillantes avec le temps et ils croient qu'ils ont été réellement affranchis (...) Vous avez votre Liban.»Je ne suis pas le vôtre.Je suis des cimes de Sannine, de la droiture du cèdre de Dieu. Je suis de la noblesse des colonnes de Baalbeck, ferme comme les rochers de Nahr el-Kalb....
commentaires (3)

Et, merci Madame !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

10 h 30, le 04 décembre 2014

Tous les commentaires

Commentaires (3)

  • Et, merci Madame !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 30, le 04 décembre 2014

  • VOTRE LIBAN EST CELUI DES LIBANAIS... MAIS Où SONT-ILS AUJOURD'HUI ? JE NE VOIS QUE DES PANURGES DÉMAGOGUES... SE PRÉTENDANT LIBANAIS... QUI GUIDENT AU NOM ET SOUS LES ORDRES D'ÉTRANGERS... ET DES CHEPTELS DE MOUTONS... "PAUVRES MOUTONS LIBANAIS" QUI SUIVENT ET BÊLENT. VÉRITÉ AIGRE ET BLESSANTE OU PLUTÔT MORTELLE POUR CE PAUVRE PAYS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 06, le 04 décembre 2014

  • Emouvant.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    04 h 40, le 04 décembre 2014

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