Rechercher
Rechercher

Parlant d’otages...

On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Aussi est-on bien obligé d'en convenir avec le Conseil des ministres : techniquement parlant, aucun parallèle ne peut être établi entre l'affaire des militaires retenus en otage et la récupération, par le Hezbollah, d'un de ses combattants capturé par les rebelles syriens.

De fait, il y a d'un côté une vingtaine de soldats et de gendarmes captifs, et de l'autre un seul et unique combattant. Ici, par ailleurs, un État confronté à une bande d'égorgeurs qui ont amplement démontré leur odieuse virtuosité au couteau ; et là, une milice qui, pour sa chance, avait affaire à l'Armée syrienne libre, c'est-à-dire au groupe armé le plus digne de respect parmi tous ceux qui s'entre-tuent en Syrie. Ici encore, un gouvernement désuni, et donc forcément indécis, malgré les délibérations de la cellule de crise, les voyages du directeur de la Sûreté générale et les initiatives déployées en privé par plus d'un ministre ; et là, un parti théocratique où la consigne ne souffre pas de discussion. Ici ensuite une foultitude d'intermédiaires locaux ou étrangers, qataris, turcs et autres dont nul cependant ne semble éprouver un quelconque sentiment d'urgence ; et là, un discret tête-à-tête propice aux transactions. Ici enfin, une autorité harcelée par les familles des militaires captifs envahissant chaque jour la place publique ; et là, un public endoctriné à outrance, nourri au culte du martyre et qui s'en remet stoïquement à la décision du chef suprême.

Mais trêve de technique et place au bon sens et à cette éthique politique qui fait cruellement défaut dans notre pays et sans laquelle pourtant toute société ne serait autre chose qu'une jungle. Ce n'est pas remonter au déluge que de rappeler l'obstination du Hezbollah à faire cavalier seul en matière de guerre ou de paix. Il n'a demandé l'avis de personne pour se fourvoyer dans la guerre civile de Syrie, et c'est tout naturellement en solo qu'il procède à des échanges d'otages, qu'il s'agisse d'Israël, de rebelles syriens ou du diable. Or c'est cette même liberté d'action, propre aux États constitués, qu'il dénie à l'autorité légale dont il fait paradoxalement partie. Hostile à tout troc avec les islamistes sunnites, la milice a réussi à imposer à l'exécutif ce risible slogan : Oui à la négociation, non à l'échange. Mais qu'y aurait-il donc à négocier, on vous le demande, si ce n'est précisément un échange ?

Les hauts faits d'armes évoqués et invoqués pour justifier le marché conclu avec l'ASL – la capture de deux combattants antirégime – ne doivent pas faire illusion. Car non seulement le Hezbollah a paru administrer une leçon de savoir-faire à l'armée ; mais son succès de crypto-diplomatie, se doublant d'un terrible ultimatum du front al-Nosra, ne pouvait que décupler l'amer sentiment, l'indignation et la colère des familles des militaires captifs : celles-là mêmes contre lesquelles sévissaient brutalement hier les forces de l'ordre, tabassant au passage les cameramen présents.

Tout dialogue est, bien sûr, salutaire. Pour réconfortante que soit cependant la perspective, toute fraîche, d'une reprise de la concertation entre les deux grandes formations sunnite et chiite du pays, elle ne doit pas, à son tour, susciter de folles espérances. D'entrée de jeu, les deux dossiers les plus litigieux seront en effet laissés au vestiaire. Le premier est l'engagement actif du parti de Dieu pour la survie de cette grande geôle syrienne que gère, depuis des décennies, le clan des Assad. Le second est ce formidable arsenal de la milice qui fait en réalité du Liban tout entier... un otage.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

On ne mélange pas les torchons et les serviettes. Aussi est-on bien obligé d'en convenir avec le Conseil des ministres : techniquement parlant, aucun parallèle ne peut être établi entre l'affaire des militaires retenus en otage et la récupération, par le Hezbollah, d'un de ses combattants capturé par les rebelles syriens.
De fait, il y a d'un côté une vingtaine de soldats et de...