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Liban - Liban

A Btedii, une « solution tribale en vue, parrainée par le Hezbollah »

Une délégation de Dar el-Fatwa et du Futur présentant ses condoléances à la famille Fakhri hier à Btedii. Photo Ani

Les réactions au crime de Btedii révèlent la nature des rapports politico-tribaux dans la Békaa-Est, fondés sur le fin équilibre que maintient le Hezbollah avec les tribus de la plaine. Depuis qu'il les a affrontées et « domptées » il y a près de quinze ans, comme le rappellent des habitants de la Békaa, le Hezbollah laisse faire les tribus dans leurs activités vitales (trafic transfrontalier, cultures illicites...) et leur accorde une apparence d'autonomie, l'image d'une « açabiya » tribale intouchée (valorisation des traditions tribales, manifestations de force occasionnelles...). Veillant sur ce dynamisme dont il est le régulateur incontesté, le parti chiite y gagne une couverture à ses propres actions. Par exemple, les images des tribus qui sont passées aux armes pour protéger leurs villages aux frontières syriennes avaient servi à couvrir l'interventon du Hezbollah, qu'il n'assumait pas encore entièrement. La marge de manœuvre laissée aux tribus donne surtout au parti chiite la possibilité de se démarquer, voire de se laver les mains de leurs actions, en sollicitant même l'appui de l'État lorsque les circonstances l'exigent. Ce dernier cas de figure se manifeste à travers la tragédie de Btedii.


Le Hezbollah et avec lui les tribus de Baalbeck-Hermel, réunis hier au domicile de Yassine Ali Hamad al-Jaafar en présence du président du Conseil national de l'audiovisuel, Abdel Hadi Mahfouz, ont stigmatisé l'assassinat de Nadima et Sobhi Fakhri, et la tentative d'assassinat de leur fils Roméo, toujours hospitalisé. Les tribus ont surtout désavoué les assassins, avant d'annoncer une visite prévue aujourd'hui à la famille Fakhri. Le député Walid Succariyyé, membre du bloc de la Fidélité à la Résistance, qui s'était rendu la veille chez le commandant en chef de l'armée, a souhaité l'arrestation des criminels et insisté sur le fait qu'ils « ne bénéficient d'aucune couverture politique ». « Quel intérêt a le Hezbollah de les couvrir ? » a-t-il demandé.


La tragédie de Btedii a cela de particulier que le foyer des Fakhri en question, visé par les criminels, est proche de la tribu Jaafar, du fait d'intérêts financiers communs, apprend-on de sources concordantes. Les neuf fugitifs qui étaient poursuivis par l'armée avaient choisi sciemment le domicile de Sobhi Fakhri à Btedii, convaincus que ce dernier consentirait à leur prêter ses deux véhicules à des fins de diversion. Suite au refus imprévu de la famille, une bousculade a eu lieu, suivie des tirs de feu mortels pour le couple. Les signes d'un cafouillage se dégagent des versions concordantes sur la tragédie, dont les répercussions sont telles que le parti chiite ne peut les occulter.

Si des sources proches du Hezbollah à Baalbeck affirment à L'Orient-Le Jour que « les assassins sont pour l'instant sous la protection de la tribu de Jaafar de Dar el-Wassi'a », elles révèlent qu'ils seront « remis à la justice dans les prochains jours, en vertu d'une solution tribale, parrainée par le Hezbollah et par l'évêque de Baalbeck ». Ces concertations sont prises en charge directement par le Parti syrien national social, dont relevaient les victimes. C'est ce qui explique d'ailleurs que le 14 Mars ne soit pas intervenu directement dans l'affaire en dépit de ses appels à la mise en œuvre entière du plan de sécurité dans la Békaa. Une délégation de Dar el-Fatwa et du Futur s'est rendue hier à Btedii, appelant à « mettre un terme à l'anarchie sécuritaire ».
Le secrétariat du 14 Mars a renvoyé au Hezbollah la responsabilité de « l'échec du plan de sécurité, qu'il continue de refuser dans la Békaa ».


Si les assassins de Btedii sont qualifiés de « voyous », même dans leur propre camp, d'autres comme eux continuent d'étaler impunément leur force. Il y a quelques semaines, le frère d'un haut fonctionnaire de la Békaa a été agressé par des membres de la tribu Jaafar alors qu'il se rendait à la chasse. Il a été dépouillé de son téléphone portable, de ses équipements et de son véhicule 4x4.
« Suite aux pressions exercées sur la tribu par le biais de son frère, les cambrioleurs lui ont finalement rendu le véhicule, mais seulement après l'avoir délibérément embouti contre un arbre », raconte un habitant de Baalbeck à L'OLJ.

 

Pour mémoire

Pour mémoire : Tragédie de Btedii : « Si les coupables ne sont pas remis à la justice, on va vers le pire »

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commentaires (2)

C'est cela le vrai visage du Liban! Une société tribale qu'on a affublée d'un voile de démocratie...Et vous voulez que le Liban devienne un état de droit? Quelle blague!

Georges MELKI

10 h 33, le 20 novembre 2014

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Commentaires (2)

  • C'est cela le vrai visage du Liban! Une société tribale qu'on a affublée d'un voile de démocratie...Et vous voulez que le Liban devienne un état de droit? Quelle blague!

    Georges MELKI

    10 h 33, le 20 novembre 2014

  • IL FAUT QUE LE HEZBOLLAH ET LA TRIBU JAAFAR ACCEPTENT DE LIVRER LES ASSASSINS POUR QUE L'ETAT PUISSE LES ARRÊTER... SI LES COLOMBELLES NE SE SONT PAS ENVOLÉES DÉJÀ ET À L'ABRI DE LIEUX INCONNUS MAIS BIEN CONNUS ! CHEZ LES "AUTRES" AUSSI LA MÊME CHOSE ! QUELLE DÉCADENCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 32, le 20 novembre 2014

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