Dans son discours de lundi soir, le secrétaire général du Hezbollah a surpris les milieux du 14 Mars par ce qu'ils ont considéré comme une grande modération et presque un appel du pied en direction du courant du Futur. Après les critiques claires adressées par Hassan Nasrallah la semaine passée à l'Arabie saoudite, accusée d'être à l'origine de la pensée takfiriste, les propos de lundi ont intrigué le 14 Mars. Comment faut-il les interpréter et comment réagir à cette main tendue après toute une série de critiques ? Le 14 Mars s'est d'ailleurs gardé de réagir à chaud, préférant prendre son temps pour décortiquer la nouvelle position de Nasrallah.
Certains membres de ce groupe politique voient dans cette « main tendue » du Hezbollah au courant du Futur l'indice d'une véritable angoisse pour l'avenir. Selon cette théorie, Nasrallah aurait tenu ces propos conciliants sur injonction des Iraniens qui seraient inquiets de la victoire des républicains dans les élections de mi-mandat aux États-Unis. Cette victoire serait ainsi déterminante pour l'avenir des négociations irano-américaines sur le dossier nucléaire et pour la politique étrangère du président américain, en particulier sur le dossier syrien.
D'autant que les républicains sont connus pour leur hostilité à l'Iran et pour leur appui à une politique plus musclée en Syrie. Leur victoire serait donc perçue par les Iraniens comme une menace qui risque de remettre en cause les acquis de l'année précédente qui se résument ainsi : des négociations en voie de développement positif avec les États-Unis et l'Occident en général, une position américaine mesurée en Syrie avec le refus d'établir une zone tampon dans le nord de la Syrie et d'y envoyer des troupes au sol. Désormais, avec la nouvelle majorité républicaine dans les deux Chambres américaines, la politique de Barack Obama en Syrie, en Irak et avec l'Iran devrait donc changer dans le sens d'un durcissement.
Pour cette raison, les Iraniens souhaiteraient agir rapidement et profiter du temps qui reste avant la date butoir du 24 novembre (dernier délai des négociations entre la communauté internationale et l'Iran) pour trouver une solution au Liban et protéger ainsi le Hezbollah. Ce serait donc pour cette raison que sayyed Nasrallah aurait tenu des propos aussi apaisants et aurait tendu la main dans une volonté de trouver un terrain d'entente avec le courant du Futur. Ce discours ayant été suivi de la participation des députés du Hezbollah à la séance parlementaire pour la prorogation du mandat du Parlement, celle-ci serait le premier indice de cette bonne volonté « irano-hezbollahi ». Voilà en gros les grandes lignes de l'explication donnée par certains milieux du 14 Mars aux propos apaisants de Nasrallah.
Invitées à commenter ce point de vue, des sources proches du Hezbollah affirment qu'il ne repose sur aucun élément concret, ajoutant que ces milieux sont habitués à faire des analyses erronées comme celle qui annonçait, après le début du dialogue irano-américain, le lâchage du Hezbollah par l'Iran pour faire plaisir aux Américains ou celle encore qui prévoyait l'abandon de Bachar el-Assad par l'Iran après le départ de l'ancien Premier ministre irakien Nouri al-Maliki. Selon les sources proches du Hezbollah, il est fort probable que le dialogue entre la communauté internationale et l'Iran se prolonge au-delà du 24 novembre et les sanctions économiques pourraient être maintenues, sans même être allégées, mais cela ne signifie nullement que les grandes lignes de la politique étrangère américaine vont changer. Ces sources sont convaincues que l'ouverture de l'administration américaine en direction de l'Iran est une décision stratégique qui ne sera pas remise en cause, même si le dialogue peut prendre plus de temps que prévu. De plus, l'opposition à cette stratégie n'est pas entre les républicains et les démocrates. Elle est plus nuancée, car certains républicains y sont favorables et certains démocrates y sont opposés. Le processus sera donc ralenti mais il ne sera certainement pas suspendu. D'autant que les enjeux actuels des États-Unis sont au Pacifique et leur souci principal est actuellement la Chine et la possibilité d'entraver son développement. Par conséquent, ils préfèrent stabiliser le Moyen-Orient pour pouvoir se consacrer à la Chine et, pour cela, ils ont besoin de l'Iran.
Concernant la Syrie, il est aussi clair, pour ces sources proches du Hezbollah, que les États-Unis n'ont pas de solution de rechange à la chute du régime syrien et ils ne souhaitent pas rééditer la tragique expérience de l'Irak. Il n'est donc pas question pour eux d'envoyer des troupes au sol, ni en Syrie ni en Irak, tout comme ils ne veulent pas de développements majeurs dans le rapport des forces actuels. Pour toutes ces raisons, les sources proches du Hezbollah ne croient pas du tout à des changements dramatiques dans la politique étrangère américaine dans la région. En tout cas, les sources proches du Hezbollah affirment que l'ouverture de sayyed Nasrallah en direction du courant du Futur n'est pas le reflet d'une crainte, mais l'expression d'une conviction profonde qu'il faut saluer les positions courageuses de Saad Hariri et l'aider ainsi que son courant à traverser cette période difficile, d'autant que le Liban a besoin de toutes ses composantes sociales et religieuses. Il fallait donc rendre hommage aux positions du chef du courant du Futur dans son appui à l'armée et saisir cette occasion pour resserrer les rangs et protéger le Liban d'une éventuelle « fitna » entre les sunnites et les chiites.
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commentaires (4)
Hassan Nasrallah n'est pas un enfants de coeur et n'aura pas fait ce pas si l'Iran et son parti n’était pas dans la mouise. Sur ce, nous allons assister a plus de concessions de la part du Hezbollah et que cela lui plaise ou pas nous le verrons même se retirer de Syrie courant l’année prochaine. Il trouvera l'excuse de la livraison d'armes a l’armée pour se justifier et essayer de se désembourber en gardant autant que possible la tête haute. L'Iran va faire la même chose une fois les Républicains de retour. Il est vrais que pas tous ne sont d'accord avec la ligne dure, mais ce que les 8 Marsistes oublient ou ne veulent pas mentionner c'est que les Républicains qui arrivent ne sont pas des colombes mais majoritairement les faucons du "tea party. La, je doute fort que les Iraniens soient très cool. A partir de Janvier beaucoup de choses vont changer et soyez en sure pas en faveur de l'Iran et de ses suppôts. Attendez vous aussi a des troubles en Turquie!
Pierre Hadjigeorgiou
10 h 32, le 07 novembre 2014