Selon certains analystes, le Liban est à la veille d'une nouvelle phase de tensions politiques. Le coup d'envoi aurait été donné par le discours du ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk lors de la seconde commémoration de l'assassinat du général Wissam el-Hassan. Dans son discours de circonstance, il s'en était en effet pris au Hezbollah et même aux SR de l'armée. Ce qui avait d'ailleurs été jugé assez curieux venant de la part d'un haut responsable de l'État qui critiquait ouvertement un service public.
Quelles que soient les interprétations des motivations de M. Machnouk, son discours a marqué la scène politique. Certains voient dans les accusations qu'il a portées contre le Hezbollah la volonté de répondre aux contestations dont il fait l'objet au sein de la communauté sunnite et du courant du Futur, où aussi bien les partisans du ministre Achraf Rifi que ceux de l'ancien Premier ministre Fouad Siniora contestent sa coordination avec le Hezbollah. D'autres préfèrent y voir l'indice d'une dégradation évidente dans les relations entre l'Arabie et l'Iran.
Que les enjeux soient purement internes ou régionaux, ce discours inhabituel chez celui qui a pris soin de se poser en homme d'État et en ministre du Liban a entraîné une série de réactions. Mais le Hezbollah, lui, a décidé de ne pas répondre au ministre de l'Intérieur, pour ne pas se laisser entraîner dans une polémique inutile à ses yeux, dans l'étape actuelle, sachant que – et tout le monde s'est empressé de le dire – quelle que soit l'ampleur des tensions, il n'est pas question pour l'instant de faire tomber le gouvernement actuel. Les proches de Nouhad Machnouk ont d'ailleurs fait parvenir au Hezbollah qu'en dépit des critiques, le ministre a traité les morts du Hezbollah dans l'attaque du jurd de Brital « de martyrs » du Liban, parce qu'ils sont tombés pour défendre le pays contre une agression venue d'au-delà des frontières... Les proches du ministre ont donc suggéré au parti chiite de voir tous les aspects de ses propos au lieu de se contenter de n'en relever qu'une seule partie.
Toutefois, la détermination des deux camps à ne pas arriver à une rupture ne cache pas la réalité de la complication des relations irano-saoudiennes qui n'auraient jamais été aussi mauvaises, surtout après l'avancée des houthis au Yémen, un pays considéré comme la chasse gardée des Saoudiens.
Des Libanais qui sont rentrés récemment de Riyad reflètent le mécontentement grandissant des autorités saoudiennes des agissements de l'Iran, ainsi qu'une grande crainte saoudienne de la conclusion rapide d'un accord entre la communauté internationale et Téhéran sur le dossier nucléaire. Selon ces visiteurs, les autorités saoudiennes auraient récemment reçu des échos sur la possibilité de la signature d'un tel accord avant le départ de la responsable de la diplomatie européenne, lady Catherine Ashton, dont le mandat expire en novembre. Certes, Mme Ashton a bien dit que même si son mandat expire bientôt, elle serait prête à continuer à mener les négociations avec l'Iran. Mais les Saoudiens pensent aussi que le président américain serait pressé de conclure cet accord avant les élections de mi-mandat qui doivent aussi se dérouler en novembre. Enfin, les Iraniens eux aussi seraient décidés à aller jusqu'au bout de ces négociations, en raison de la crise économique que leur pays traverse. Pour toutes ces raisons, les Saoudiens seraient donc assez inquiets, d'autant que les Iraniens ont marqué ces derniers temps beaucoup de points dans la longue confrontation qui agite actuellement la région. Après la percée de Daech à Mossoul et dans toute la province de Ninive ainsi que dans d'autres provinces irakiennes et même en Syrie, l'Arabie saoudite considérait que l'Iran avait reçu un sérieux coup dont elle ne se remettrait pas facilement.
Or, en quelques mois, l'Iran a certes jeté du lest en Irak, mais la première visite hors de son pays du nouveau Premier ministre irakien a été à Téhéran, où il se trouve actuellement. En même temps, l'Iran a avancé ses pions à Gaza, où non seulement il a retrouvé son influence sur le Hamas, mais il a aussi imposé le Jihad islamique comme une organisation désormais incontournable sur la scène palestinienne. Hier même, lors de la visite du chef de cette organisation à Téhéran, il a été annoncé que la République islamique compte aider les Palestiniens de Cisjordanie à s'armer. En même temps, l'Iran s'est empressée d'armer les combattants kurdes, alors que l'Occident hésitait encore à le faire et que la Turquie se faisait tirer l'oreille. La République islamique et la Russie ont aussi adressé un avertissement à la Turquie pour l'empêcher de mener une offensive terrestre en Syrie. Enfin, au Yémen, l'Iran a poussé les houthis à s'emparer d'une vaste portion de territoire qui les place désormais à la frontière avec l'Arabie, mais aussi aux portes du canal de Suez... L'Arabie saoudite et les pays du Golfe en général se sentent plus ou moins encerclés par l'Iran, qui se pose désormais en puissance régionale.
Face à ces développements, il est clair que les Saoudiens cherchent une riposte appropriée. Pour l'instant, le Liban n'est pas une arène directe d'affrontement, mais le bras de fer qui continue de se jouer dans la région aura forcément un impact sur sa situation interne...
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commentaires (4)
CETTE GUERRE IRANO / SAOUDIENNE NE NOUS CONCERNE PAS SANS L'IMPLICATION DE NOS CHERS MERCENAIRES QUI S'ACHARNENT À FOND CONTRE NOS INTÉRÊTS. MICHEL AOUN POUR L'IRAN ET SAAD HARIRI POUR L'ARABIE SAOUDITE. ILS ONT BEAUCOUP D'ÉNERGIES POUR CE RÔLE.
Gebran Eid
13 h 17, le 22 octobre 2014