Rechercher
Rechercher

Économie - Liban - Transports

Uber au Liban : des débuts prometteurs et un impact difficile à cerner

Conçu pour proposer une alternative plus souple aux transports classiques de passagers en milieu urbain, Uber a connu une croissance assez exceptionnelle depuis sa création et emploie désormais plus d'un millier de collaborateurs dans le monde, sans compter ses partenaires. Deux mois après son implantation au Liban, son existence n'a toutefois pas encore transformé le quotidien des chauffeurs de taxi locaux.

Sébastien Wakim peut compter sur une croissance « à deux chiffres » pour les premiers pas d’Uber au Liban. Photo Philippe Hage Boutros

Attablé à la terrasse d'un café du centre-ville de Beyrouth, Sébastien Wakim, directeur général de la filiale d'Uber au Liban, pianote sur l'écran de son téléphone. Quelques glissements de phalanges plus tard, le jeune ingénieur de formation réussit l'exploit de se faire livrer une boîte de douceurs orientales précommandées à travers l'interface de l'application développée par sa société. Le tout, en moins de dix minutes malgré la circulation, très dense en ce jour de délibération au Parlement.


Fondée en 2009 par Garrett Camp et Travis Kalanick et déjà implantée dans 200 villes dans 45 pays à travers le monde, Uber a investi le marché libanais il y a deux mois environ. Après Abou Dhabi, Doha, Riyad, Djeddah et Dubaï, Beyrouth est la sixième ville du Moyen-Orient à accueillir ce service qui « opère des applications mobiles de mise en contact de clients avec divers services de transport de personnes », selon la formule consacrée. Le petit tour avec les douceurs fait d'ailleurs partie d'une campagne promotionnelle programmée par la start-up californienne, à l'image de celle qui s'est déroulée en France, par exemple, en association avec la maison gastronomique Fauchon.


M. Wakim a été recruté par Uber il y a tout juste un an. Il a d'abord dirigé la filiale émiratie de l'entreprise américaine, avant d'être associé au projet d'implantation dans son pays natal. À la tête d'une équipe de 4 personnes, il dit ressentir « une grande satisfaction face aux résultats plus qu'encourageants » obtenus depuis le mois de juillet. S'il affirme ne pas être en mesure de pouvoir communiquer de chiffres, il confie toutefois avoir déjà atteint le seuil de « plusieurs milliers d'utilisateurs ». Une dynamique qui lui permet de tabler sur une « croissance à deux chiffres », alors que le nombre de trajets organisés au Liban via les applications mobiles Uber X et Uber Black se comptent aujourd'hui en « milliers ».

 

(Lire aussi : Les taxis se mobilisent à travers l'Europe contre les VTC)


Ce succès, M. Wakim l'explique par plusieurs facteurs, le premier étant directement lié à l'aura de l'entreprise californienne depuis sa création. « Le lancement d'Uber à Beyrouth a été facilité par le fait que beaucoup de Libanais avaient déjà téléchargé l'application depuis l'étranger, avant même que la version locale ne soit mise en place », concède-t-il. Un autre paramètre se rapporte, lui, aux spécificités de l'environnement des transports routiers au Liban, qu'ils soient publics ou privés. M. Wakim met ici en avant le « nombre important de conducteurs de véhicule qui travaillent à leur compte » et pour qui une plateforme de liaison aussi intuitive que Uber est aussi « sécurisante qu'avantageuse ». Un troisième dénominateur concerne l'universalité du système de mise en relation et de l'application développés par la start-up, ce qui permet aux utilisateurs d'avoir « une même interface » dans toutes les villes qui accueillent la plateforme. Enfin, le facteur temps a également une place centrale dans la stratégie d'Uber, qui a préféré abandonner l'idée des réservations au profit de la disponibilité pour renforcer l'attractivité de son service. Côté tarifs, les prix proposés par la société se situent dans la moyenne du marché, à l'exception des prestations « premium », accessibles via l'application Uber Black.

 

Les chauffeurs de taxi partagés
Mais l'existence même de ce nouveau venu n'est pas forcément perçue comme une bonne nouvelle pour tout le monde. En Allemagne, la société a déjà essuyé plusieurs revers infligés par la justice administrative allemande depuis 2013, à la suite de requêtes ou de plaintes déposées par des professionnels du transport payant de passagers. En France, à la suite d'une assignation formulée par l'Association française des taxis (AFT), le tribunal de commerce de Paris a ordonné à la filiale française de la start-up de modifier son système de facturation en juin dernier. Même aux États-Unis, certaines parties souhaiteraient voir les législateurs poser des limites à l'expansion des systèmes de « véhicules de tourisme avec chauffeur » (VTC), accusés de contourner la loi et d'opposer une concurrence déloyale aux professionnels licenciés.


Au Liban, les avis des uns et des autres semblent plus contrastés. Marwan Fayyad, président de l'Association des chauffeurs de taxi et des professionnels du transport, précise que son organisation a prévu de publier un « mémorandum sur la question dans les jours à venir ». Le texte s'adressera « aux ministres respectifs de l'Intérieur, de la Justice et des Transports », et les enjoindra de « recadrer, sur le plan légal », des sociétés comme Uber ou encore Careem, basée aux Émirats arabes unis, qui a également fait irruption sur le marché libanais l'été dernier. En l'absence de réaction des institutions concernées, M. Fayyad promet que son association portera l'affaire sur le terrain judiciaire.


Le directeur opérationnel de la centrale Allô Taxi, Chadi Tannous, est, pour sa part, moins catégorique. Sa société s'est elle aussi lancée, il y a deux mois environ, dans le développement d'une application en ligne pour mobile. Un projet en gestation « depuis deux ans » et qui a permis à cette entreprise « d'augmenter son volume d'activité de 40 % », précise-t-il. Pour M. Tannous, l'irruption de Uber et Careem sur le marché libanais aurait même « contribué à donner un coup de pouce » au lancement de l'application mobile de sa société en générant un « effet de mode ». M. Tannous estime enfin que le fait que la start-up californienne ait limité les options de paiement de ses prestations à la plateforme mobile « constitue plus un handicap qu'un avantage », en comparaison avec Allô Taxi, « plus flexible à ce niveau ».


La sérénité affichée par M. Tannous se reflète d'ailleurs chez la plupart des gestionnaires de centrale de taxis interrogés. L'Orient-Le Jour a contacté une dizaine de sociétés basées dans le Metn et le Kesrouan (parmi lesquelles les sociétés Alliance, Charlie, Trust, Geryes et Charbel) pour recueillir leur ressenti par rapport à l'implantation d'Uber au Liban. Si aucun des responsables qui ont accepté de répondre ne pense que sa société sera « obligée de baisser ses tarifs pour concurrencer Uber », la plupart d'entre eux estiment que « la fidélité de la clientèle équilibrera le marché ». Une majorité d'entre eux est d'accord pour affirmer que « la coexistence est possible, du moment que la loi est respectée ». Cela dit, tous reconnaissent que « les petites sociétés de taxis (10 véhicules ou moins) souffriront davantage que les grandes (plus de cinquante véhicules) de ce renforcement de la concurrence ».


Toujours est-il que Uber fait désormais partie intégrante du marché du transport de passagers au Liban, avec des chauffeurs pouvant joindre quasiment n'importe quel point du pays à partir de Beyrouth. « Nous travaillons toujours à développer nos réseaux afin de pouvoir répondre à toutes les demandes tout en respectant nos engagements », conclut M. Wakim, pour qui l'aventure ne fait que commencer.

 

Lire aussi

Quand le partage bouscule l'économie traditionnelle

Attablé à la terrasse d'un café du centre-ville de Beyrouth, Sébastien Wakim, directeur général de la filiale d'Uber au Liban, pianote sur l'écran de son téléphone. Quelques glissements de phalanges plus tard, le jeune ingénieur de formation réussit l'exploit de se faire livrer une boîte de douceurs orientales précommandées à travers l'interface de l'application développée par sa...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut