L'exclusion de l'Iran et de la Syrie de l'alliance internationale contre « l'État islamique » (EI), en dépit du mécontentement de la Russie, a été voulue par Washington, qui a pris en compte les mises en garde arabes et régionales contre le renflouement du régime de Damas.
C'est ce que reconnaît un diplomate libanais, qui relève en outre l'affaiblissement de la position iranienne dans la région, après les développements en Irak. Un homme politique arabe ajoute pour sa part que l'Occident craint toute démarche susceptible de renflouer le régime syrien, et surtout de consolider un rôle iranien efficace dans la région, au détriment du rôle arabe.
À la base, rappelons-le, l'Iran tend à jouer un rôle de premier plan au Moyen-Orient, en tirant profit de sa présence en Irak, en Syrie et au Liban, dont le Hamas et le Hezbollah sont des outils-clés.
Or les plans de Téhéran se seraient heurtés à deux défaites successives : sa marginalisation en Irak et l'évaporation des efforts de rapprochement irano-saoudien, d'une part, et sa mise à l'écart par l'Occident dans la lutte contre l'EI, d'autre part.
Un diplomate occidental rentré d'une visite récente à Téhéran rapporte que des responsables iraniens font état de « leur gêne et leur inquiétude au sujet des récents développements en Irak et surtout de leur exclusion, avec la Syrie, de la guerre contre l'EI ».
À cette gêne s'ajoute surtout l'embarras. En effet, la Syrie et l'Iran ne peuvent pas, sur le plan du principe, s'opposer à l'alliance contre « l'État islamique », qu'ils avaient été les premiers à qualifier de
« monstre » à éradiquer, comme l'indique un observateur. Une opposition à cette alliance reviendrait à défendre la cible que cette alliance entend combattre.
(Repère : Coalition internationale contre l'EI : Qui va faire quoi?)
Face à cette situation, l'Iran et la Syrie ont l'option d'agir en exerçant des pressions, par le biais de leurs alliés régionaux, en vue d'intégrer la coalition internationale. Ainsi, Téhéran a déjà provoqué une escalade au Yémen et au Liban, souligne le diplomate occidental.
Pour ce qui est du Liban, précisément, le diplomate occidental rapporte la gêne des Iraniens face au lien établi entre le règlement du problème de la présidentielle, et le dénouement, non pas en Syrie, mais en Irak. La gêne de l'Iran face à cette équation s'est exacerbée par sa mise à l'écart de l'alliance contre l'EI. La réaction de Téhéran n'a pas tardé à se manifester par une décision de bloquer, jusqu'à nouvel ordre, l'élection d'un nouveau chef de l'État au Liban. La carte libanaise est précieuse pour Téhéran et utile pour compenser sa double défaite.
Entre-temps, les responsables iraniens continuent de se désister de toute responsabilité au niveau de la présidentielle et affirment officiellement que celle-ci est aux mains du Liban, du Hezbollah et de la Syrie, mais non de Téhéran.
Cette radicalisation implicite de la position iranienne serait due surtout à sa crainte de perdre sa position en Syrie, en faveur de la composante sunnite. C'est cette crainte de voir la même communauté sunnite s'emparer du pouvoir en Syrie, comme elle l'a fait en Irak, qui motive ses choix actuels, selon un observateur politique.
Les répercussions, au Liban, de ces tiraillements régionaux risquent d'être dramatiques. Le Liban pourrait en effet payer le prix de la guerre menée contre l'État islamique.
Un responsable sécuritaire craint le déplacement de membres de l'EI de l'Irak jusqu'en Syrie, pour combattre le régime, ainsi que l'opposition modérée que Washington a décidé d'armer et d'entraîner. Des sources sécuritaires concordantes n'écartent pas la possibilité d'un afflux de combattants de l'EI au Liban lorsque la guerre internationale menée contre l'organisation atteindra la Syrie. En effet, le Liban est « le ventre mou » dans la bataille menée contre les fondamentalistes, à cause de la perméabilité de ses frontières et de la facilité d'infiltration en territoire libanais.
Un autre élément qui motiverait l'infiltration de l'EI au Liban est le slogan que cette organisation arbore contre le Hezbollah et sa volonté de le traquer, à cause de sa participation aux combats en Syrie aux côtés du régime.
(Lire aussi : Washington va aider des rebelles syriens affaiblis)
Ce constat obscur est récurrent dans tous les rapports sécuritaires et alimente la vive inquiétude des responsables. Ceux-ci ont vite fait de notifier les parties étrangères concernées de la nécessité impérieuse de prendre des mesures préventives contre une attaque de l'EI au Liban.
Cette mobilisation doit se traduire, au niveau diplomatique, par la participation du Premier ministre Tammam Salam aux réunions de l'Assemblée générale de l'Onu, à New York. Il est prévu qu'il évoque la question des frontières libano-syriennes et qu'il sollicite l'aide internationale pour empêcher l'infiltration d'éléments armés, en vertu de la résolution 1701.
Il existe surtout un double enjeu auquel tendrait le Premier ministre, à la lumière de la coalition contre
l'EI : profiter de la position arabe et internationale contre le fondamentalisme, cette menace directe à la stabilité des zones frontalières libanaises, mais avec le moins de dégâts possible, comme le rapporte un ministre. La question reste de savoir comment mettre en œuvre cet enjeu, à l'heure où les ministres du 8 Mars s'opposent avec virulence à la coalition internationale contre l'EI, le tandem Amal-Hezbollah y percevant une attaque non déclarée contre la résistance et l'axe de la « moumanaa ».
Face à cette situation, des protagonistes régionaux continuent de presser les parties libanaises à élire un président de la République, seul capable de veiller sur la phase transitoire. Le Liban est loin de se joindre aux combats contre l'EI, faute de moyens logistiques et matériels. Faut-il rappeler que l'armée n'a toujours pas reçu les armes promises par la France, en vertu du don saoudien de trois milliards de dollars US ? Dans cette phase transitoire qui s'annonce, le pays devra donc attendre que passe le pire...
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commentaires (5)
Pensez vous qu'un Iran NPR affaibli comme vous le dites meriterait une telle declaration d'un kerrydiot ? Les Etats-Unis estiment que l'Iran a "un rôle" à jouer dans la lutte contre les miliciens de Daesh, même s'il n'est pas question de faire pour autant participer Téhéran à la coalition contre l'EI.Dans ce combat contre les extrémistes de l'islam, qui ont conquis d'importants territoires en Irak et en Syrie, "il y a un rôle à jouer pour pratiquement tous les pays, y compris l'Iran", a déclaré le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, sans donner plus de précisions sur ce que pourrait être ce rôle.
FRIK-A-FRAK
19 h 09, le 20 septembre 2014