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Liban - Liban

« El-hawa ma byinchara », ou comment lutter contre l’industrie de la prostitution et le trafic des femmes

Une étude menée par Kafa et un documentaire réalisé par Carol Mansour mettent l'accent sur l'exploitation sexuelle au Liban.

Affiche utilisée par Kafa dans le cadre de la campagne « El-Hawa ma byinchara » pour sensibiliser contre l’industrie de la prostitution.

Elles viennent du Liban, de Syrie, de Russie et d'Ukraine. Les milieux dont elles sont issues sont différents, bien que misérables. Pour autant, ces femmes sont toutes unies par le même sort : elles sont « victimes » de prostitution et de trafic humain.
« Victimes, parce qu'elles ne sont pas libres de leur choix, contrairement à ce que l'opinion publique, surtout les hommes qui paient pour leurs services, ont tendance à croire », affirme Ghada Jabbour, directrice du département de lutte contre le trafic humain à Kafa. « Il n'y a pas d'offre sans demande », poursuit-elle, au cours d'une conférence organisée à l'occasion du coup d'envoi de la campagne « El-hawa ma byinchara » (les relations sexuelles ne s'achètent pas), pour sensibiliser à la nécessité de lutter contre « l'industrie de la prostitution » et contre le « trafic humain ». « Ainsi, si les hommes ne cherchaient pas à payer pour des relations sexuelles, la prostitution et le trafic des femmes pour une exploitation sexuelle n'auraient pas existé et ce business n'aurait pas prospéré », ajoute Ghada Jabbour.


Un documentaire intitulé Akdam ounouf ou la plus ancienne forme de violence, réalisé par Carol Mansour, a été présenté dans ce cadre. Il expose, d'une manière réaliste souvent dérangeante, le vécu de ces femmes russes et ukrainiennes, embauchées comme des « artistes », mais qui se retrouvent à « rendre des services sexuels malgré elles ». Elles sont emprisonnées dans des chambres d'hôtel, d'où elles ne sont autorisées à sortir que dans deux cas. Entre 13h et 20h, pour accompagner un client qui les a repérées la veille dans le cabaret et a dépensé assez d'argent en boissons pour le mériter. Les femmes doivent avant de sortir fournir des informations sur ce client : son nom, son numéro de téléphone, la plaque d'immatriculation de sa voiture, etc. Elles sortent également de l'hôtel entre 22h et 4h, pour être conduites au cabaret où elles effectuent leur show et divertissent les clients. Dans ce documentaire, l'accent est également mis sur les « acheteurs », leurs exigences, leurs lubies, leurs prétextes...

 

(Lire aussi : Dubaï, terre promise pour... l'esclavage sexuel)

 

État des lieux
« Il n'est pas vrai que les femmes se prostituent par choix », insiste Ghada Jabbour. « Près de 90 % d'entre elles ont exprimé le souhait de pouvoir s'en sortir », ajoute-t-elle, présentant les conclusions d'une étude menée par Kafa sur « la demande pour la prostitution ».
Selon cette étude, 80 % des hommes interviewés regardent des films pornographiques et nombreux d'entre eux « reconstituent les scènes » avec les femmes dont ils achètent les services. Les hommes estiment aussi que la prostitution est nécessaire pour assouvir leurs besoins sexuels, qui sont par ailleurs des « besoins naturels, au même titre que le besoin de manger ou de boire ». Ils vont même jusqu'à affirmer que sans la prostitution, « ils pourraient devenir incontrôlables et la société pourrait en souffrir, notamment les femmes qui ne sont pas dans le domaine ».
L'étude montre également que la prostitution est rationalisée par l'argent. Les hommes considèrent ainsi que lorsqu'ils achètent un acte sexuel, « la femme dans la prostitution doit répondre à tous leurs besoins et désirs », mais aussi qu'ils « achètent le droit de contrôler la femme durant la durée de l'acte et de l'exploiter ».
« Une société qui permet que ses femmes soient prostituées par les hommes et vendues comme une commodité ne peut pas parvenir à l'égalité des genres », martèle pour sa part Zoya Rouhana, directrice de Kafa, soulignant que la prostitution est l'une des formes les plus répandues du trafic humain.
Pour lutter contre la prostitution et le trafic sexuel, le Liban doit « amender le code pénal de manière à pénaliser l'acheteur de ces relations et de le sensibiliser aux conséquences de ses actes », constate Ghada Jabbour. « De plus, les femmes ne doivent plus continuer à être sanctionnées. Après tout, elles sont des victimes, exploitées par les facilitateurs et les "acheteurs" », ajoute-t-elle, présentant un nombre de recommandations pour contrer ce phénomène.

 

(Lire aussi : Entre sexe et argent, la prostitution, un véritable fléau au Liban !)

 

Le modèle suédois
Pourquoi ne pas suivre le modèle suédois, d'autant que la Suède a été le premier pays au monde à émettre des lois, en 1999, pour pénaliser les hommes qui « achètent les services sexuels » ? Mme Gunilla Ekberg, avocate et experte en matière de trafic humain et prostitution, explique dans ce cadre que les lois suédoises émises dans ce sens sont « innovatrices et basées sur les principes des droits de l'homme ».
S'attardant sur ce modèle suédois qui a d'ailleurs été adopté par d'autres pays, comme la Norvège en 2009, Gunilla Ekberg note que, dans le cadre de son travail, « elle n'a jamais rencontré de femme qui aimerait rester dans la prostitution ». « Il faut comprendre que ces femmes sont issues de milieux pauvres, indique-t-elle. Elles ont été éduquées que leur corps ne leur appartient pas, mais qu'il appartient à quelqu'un d'autre. Elles ne choisissent pas cette voie, mais on les y mène. Souvent, elles y restent pour des questions de survie. »

 

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