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Culture - Micro-trottoir

Festivals d’été au Liban : zoom sur ce que vous avez aimé... ou pas !

La rentrée s'annonce aride, obscure et difficile... Oui mais vous avez chanté tout l'été ! Car, en dépit de tous les sombres pronostics, la saison écoulée a été faste en spectacles de festivals. Le rideau (de pluie !) est tombé le week-end dernier sur de grands moments de musique, chant et théâtre. Que retiendriez-vous de la cuvée estivale 2014 ? Nous avons posé la question à un échantillon de festivaliers assidus de tous âges.

Des concerts de festivals répondant à tous les goûts, des jeunes et des moins jeunes, des « pointus» comme des populaires... Press Photo

Avez-vous fait la tournée des grands festivals cet été? Si oui, quels spectacles avez-vous le plus aimé? Lesquels vous ont déçu? Quel bilan feriez-vous de la saison écoulée? Quelques questions simples dont les réponses donnent un rapide aperçu de vos goûts et attentes, amis lecteurs.


Quelques constantes: la majorité des personnes interrogées se sont déclarées satisfaites de la programmation générale, louant son éclectisme et sa diversité qui répondaient aux goûts des jeunes et des moins jeunes, des pointus comme des populaires, des classiques comme des modernes !
La majorité a également salué le courage et la ténacité des organisateurs qui ont pris le risque de maintenir la quasi-totalité des événements prévus en dépit d'une situation hautement explosive !
Mais beaucoup de nos sondés ont aussi tenu à signaler le mauvais comportement du public: autant les retards des «importants» que les exaspérantes sonneries de téléphone qui retentissent en plein
spectacle...


Un regard étranger pour commencer. Celui de Brice Laemle, étudiant français en journalisme, pigiste au magazine Inrockuptibles et stagiaire à L'Orient-Le Jour, qui a aimé «l'énergie et la fougue déployées sur scène par Tigran dans le cadre de Liban Jazz Festival au Music Hall Waterfront. Ce jeune prodige du jazz a le courage de mélanger avec impertinence notes bleues, électro et rock». Il s'est aussi enthousiasmé pour la performance du groupe libanais Mashrou' Leila au Festival de Zouk Mikaël.
«Le charme du lieu, déjà, qui surplombe la baie au soleil couchant fait son effet. Mais surtout l'aura du chanteur Hamed Sinno qui, dès son entrée sur scène, a capturé le regard des spectateurs sans les lâcher pendant toute la durée du concert. C'était intense tant au niveau des mélodies mélancoliques qu'à celui de l'émotion très personnelle, quasi intime, que dégage sa voix singulière. Bref, on ne sort pas indemne d'un tel concert! Grosse déception par contre pour Yanni. Je m'attendais à voir l'équivalent de Jean-Michel Jarre et je n'ai trouvé qu'un artiste surjouant sa performance de bout en bout. Il en faisait trop au niveau de son comportement et de sa musique, sans cohésion ni complicité entre les différents membres de l'orchestre.»
Côté organisation des festivités, Brice s'est étonné de la durée des festivals aux soirées étalées sur les deux mois de vacances d'été, «alors qu'en France le plus important d'entre eux ne dépasse pas la dizaine de jours. N'y aurait-il pas plus de force pour chaque festival à faire 4 ou 5 spectacles dans une période restreinte?», s'est-il interrogé. Réflexion pertinente. À examiner peut-être?


Gilles Khoury, 23 ans, féru de musique sous toutes ses formes, a été comblé cet été. D'abord par le concert – hors festivals mais qui a ouvert la saison – de Julien Doré au Music Hall Waterfront. «Absolument fabuleux par cette façon qu'il a de réinventer ses chansons en live», s'enthousiasme-t-il. Puis par celui du groupe américain Beirut, «mon groupe favori que j'ai eu le bonheur de voir à Byblos». Ce festival jeune par excellence a d'ailleurs eu ses faveurs. «J'y ai aussi assisté au très bon concert Maalouf-Astakte ainsi qu'à celui de Stromae, dont la performance m'a beaucoup déçu, par contre. Je l'ai trouvée trop enfantine, trop premier degré, pas assez décalée», a-t-il le courage de dire, contrecarrant ainsi l'opinion de 99 % des 7 000 fans présents au concert unique du «Formidable » Belge !
Et de poursuivre sur sa lancée en affirmant n'avoir assisté à aucun spectacle de Baalbeck, «dont la programmation hors site ne m'attirait pas vraiment », soutient-il. Le jeune homme regrette aussi que le choix des artistes, ainsi d'ailleurs que pour le Festival de Beiteddine, ne prenne pas davantage en compte «ceux que le public libanais connaît ». Pour Gilles et la génération qu'il représente, «ce serait bien de ramener plus de noms connus qui drainent plus de monde et d'organiser des festivals toute l'année au lieu de les concentrer sur les 2 à 3 mois d'été ».
Oui, mais la vocation d'un festival n'est-elle pas aussi de contribuer à élargir les horizons culturels et les goûts du public ?

 

Coups de cœur et coups de gueule
Les moins jeunes ont, eux aussi, fait part de leurs coups de cœur et coups de gueule. Sur les 7 ou 8 spectacles auxquels le critique d'art Joe Tarrab a assisté, sa préférence va au double concert de jazz d'Ibrahim Maalouf et Mulatu Astatke. «C'est de loin le meilleur souvenir que je garde de la saison»,
assure-t-il. «Maalouf a déployé tout l'enthousiasme, le plaisir qu'il avait à jouer. Il est resté sur scène jusqu'à 2h du matin et il a appelé des musiciens libanais à l'y rejoindre. C'était un vrai concert de festival ! D'ailleurs la plus belle ambiance était celle de Jbeil, poursuit-il. Avec toute cette vie nocturne déployée autour des concerts, ces expos parallèles qui valent ce qu'elles valent, mais dynamisent quand même, et ces jeunes qui mènent leur propre festival de rue, d'artistes de rue, de soirées...» «C'est un peu le cas à Zouk, qui a offert cette année de très bons spectacles comme celui du formidable baryton irlandais. Et c'est malheureusement ce qui manque à Beiteddine, le fait qu'il n'y ait pas d'atmosphère festivalière autour du calendrier de performances. Dont la plupart étaient plutôt décevantes», regrette-t-il. Déplorant, en particulier, «le spectacle plus que lamentable de Wajdi Mouawad ».
Pour Tarrab, pas de Baalbeck cette année, pour cause de délocalisation. «Je ne vois pas l'intérêt d'aller au Casino pour voir un spectacle du Festival de Baalbeck », tranche-t-il là aussi sans ménagement. «Le Festival de Baalbeck, c'est avant tout ce site unique, incomparable, qui magnifie tout. Du coup, avec moins de stars immenses qu'on aurait à tout pris envie de voir, on est moins tenté d'assister à ses spectacles délocalisés», assure pour sa part Lina B., une Libanaise trentenaire installée en France, qui a en revanche écumé les concerts de Byblos, Beiteddine, Zouk et Jounieh.


D'autres par contre, à l'instar de Joumana Yarak, directrice d'une agence de communication, regrettent que les soirées n'aient pas été maintenues à Baalbeck. «On aurait fait le déplacement en acte de résistance et de soutien au plus ancien et plus prestigieux festival du Liban», affirment-ils.


«Une programmation bonne dans l'ensemble et dans l'absolu», soutient, pour sa part, Mona Iskandar. Cette amatrice de classiques a «adoré» le baryton Bryn Terfel à Zouk Mikaël et apprécié le pianiste Lang Lang à Byblos ainsi que la soprano Angela Giorgio qui s'est produite au Casino du Liban sous le label du Festival de Baalbeck. Par contre, «Depardieu et Ardant m'ont semblé fatigués et las sur la scène du Casino. La pièce était courte et le public est resté sur sa faim».


Mona Moukarzel, romancière qui suit assidument tout ce qui se fait dans le domaine de la scène, de la musique, de l'art et de la culture tout au long de l'année, formule presque mot pour mot les mêmes remarques sur chacun de ces mêmes spectacles. Insistant, une fois de plus, sur l'inélégance du public...


«Majida el-Roumi et Bertrand Cantat dans l'Antigone de Wajdi Mouawad» ont recueilli les suffrages de Nicole H., consultante, férue de culture sous toutes ses formes. «Le concert de la première était d'une ferveur absolue et a soufflé un vent de patriotisme sur un public dense qui n'avait pas hésité à se déplacer au lendemain même de graves problèmes de sécurité. L'intensité du chant et de la musique du second ont porté la tragédie antique présentée également à Beiteddine.» Pièce qui a été d'ailleurs l'un des spectacles les plus controversés de la saison. D'abord pour la participation de l'ex-chanteur de Noir Désir contestée par celles et ceux qui ne voient en lui que «l'assassin» de sa compagne Marie Trintignant. Ensuite, pour la déception provoquée chez les aficionados du dramaturge et metteur en scène libano-canadien par le très mauvais jeu des comédiens. Mais comme le soulignent plusieurs festivaliers, Mouawad est quand même le prince du théâtre francophone et on peut estimer que c'est toujours une chance de l'avoir !


Enfin, pour conclure, le vibrant hommage de Nazek Saba Yared, auteure, intellectuelle, militante et membre du comité d'avant-guerre du Festival de Baalbeck. Laquelle, survolant de son regard d'aigle la scène libanaise, salue haut et fort «le courage, la ténacité, l'énergie des organisateurs d'événements culturels et de festivals qui continuent, dans les circonstances terribles que traverse le pays, d'y diffuser la culture, l'art et la foi en l'avenir ! ».

 

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