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Liban - L’éclairage

La catastrophe de Ersal remet sur le tapis le dossier du contrôle des frontières

Les obsèques du capitaine Danny Khairallah, tué lors des combats de Ersal, le 6 août 2014 à Beyrouth. AFP PHOTO/ANWAR AMRO

La question du contrôle de la frontière libano-syrienne et des points de passage illégaux, par lesquels les miliciens et les armes entrent clandestinement en territoire libanais, est plus que jamais d'actualité, depuis le début des affrontements entre l'armée et les groupuscules extrémistes à Ersal. Si bien qu'un certain nombre de leaders politiques appellent le gouvernement Salam à s'occuper de ce dossier de manière prioritaire. Mais des parties au sein du 8 Mars, et tout particulièrement le Hezbollah, refusent net que le dossier soit soulevé, et s'opposent à la proposition des ministres Kataëb de mettre en application la 1701 à la frontière conformément aux alinéas 12 et 14 du texte, afin d'empêcher le trafic d'armes.


La 1701, notamment dans ses alinéas 11, 12, 13 et 14, octroie à la Finul basée au Liban-Sud la mission de contrôler la frontière à la demande du cabinet afin d'aider l'armée libanaise dans cette région, notent des sources diplomatiques. Selon un ancien ministre, lorsque la 1701 a été adoptée, certaines parties libanaises avaient tenté d'étendre la zone d'influence de la Finul de manière à ce qu'elle contrôle aussi la frontière est pour empêcher l'entrée d'armes au Liban. Cependant, cette tentative s'était heurtée à un refus syrien et l'opposition ferme des alliés libanais de Damas, l'argument étant à l'époque que « des forces internationales ne se déploient qu'entre deux États ennemis ou en conflit ». L'unité allemande avait préparé un plan de contrôle de la frontière est en coordination avec l'armée, avec mise en place de miradors, fermeture des points de passage illégaux, raffermissement du contrôle sur les points de passage légaux, etc. Mais cela avait été étouffé dans l'œuf, le Liban étant incapable de demander officiellement au Conseil de sécurité de l'Onu l'aide de la Finul à l'armée s'agissant de la frontière syrienne. Le président Michel Sleiman avait ensuite relancé l'affaire avec son homologue syrien Bachar el-Assad lors du premier sommet entre eux, à Damas, au lendemain de l'élection de Sleiman et suite au douloureux épisode de Nahr el-Bared. Le chef de l'État avait réclamé à l'époque le tracé des frontières et leur contrôle, mais Assad s'y était opposé, réclamant que ce tracé commence d'abord au niveau des hameaux de Chebaa occupés par Israël, c'est-à-dire qu'il progresse du Sud au Nord. Une commission sécuritaire conjointe avait été créée, et avait tenu quelques réunions, avant de tomber dans l'oubli. Le Liban a ensuite créé une force mixte à la frontière, mais cette dernière est restée poreuse, livrée au trafic d'armes et aux infiltrations clandestines de miliciens.


Mais la situation n'est plus la même qu'en 2006, comme le souligne fort à propos un ancien ministre de l'Intérieur. C'est désormais Damas qui réclame le contrôle des frontières et qui se plaint auprès de ses protégés locaux du chaos et de l'entrée d'armes et de miliciens sur son territoire en provenance du Liban. Beyrouth accueille positivement ce revirement syrien qu'il souhaite depuis si longtemps. Selon un responsable sécuritaire, une aide européenne – des équipements modernes, notamment des scanners – serait promise au Liban pour ce faire.


Pourquoi le Hezbollah rejette-t-il aussi catégoriquement le déploiement de la Finul à la frontière ? Pour un ancien ministre, une telle démarche est inopportune pour le parti chiite à l'heure actuelle parce qu'elle serait de nature à entraver ses mouvements dans la région, et surtout en Syrie. Dans les milieux du courant du Futur, l'on estime que le Hezbollah s'oppose à l'initiative parce qu'un tel déploiement couperait le parti, au plan logistique, de la Syrie et de l'Iran, notamment concernant l'envoi de combattants en Syrie et en Irak. Pour le leadership du Hezb, il s'agit donc de rien moins que d'une volonté supplémentaire « d'étouffer la résistance » et « d'en maîtriser les armes », ce qui est naturellement inacceptable. Des sources proches du conseil des ulémas musulmans estiment que cette dernière appellera l'État à prendre le contrôle de la frontière, afin d'en finir avec le flot d'accusations de terrorisme auquel elle est confrontée en raison des exactions des milices islamistes. Le 8 Mars n'est pas d'accord, en arguant d'absence de consensus sur le fait d'assigner ce rôle à la Finul dans ces circonstances. Le 14 Mars, lui, se pose des questions sur les véritables motifs qui poussent le Hezbollah à s'opposer aussi farouchement à cette initiative. Pourtant, notent-elles, le déploiement de forces internationales tout le long de la frontière serait de nature à empêcher le passage de milices comme Daech ou al-Nosra au Liban. Le secrétaire général du Hezbollah n'affirme-t-il pourtant pas avoir mené son équipée en Syrie dans un but préventif, à savoir bloquer l'accès des hordes d'extrémistes au territoire libanais? La Finul ne serait-elle pas le rempart idéal contre eux ? À considérer que l'argumentaire du parti chiite soit sincère, si la décision de contrôler les frontières avait été prise en 2006, et si le Hezbollah ne s'y était pas opposé, aurait-il eu besoin de s'ingérer dans les combats en territoire syrien ? Les voitures piégées auraient-elles pu traverser ?


Mais retournons à Ersal, une catastrophe que personne n'a voulu éviter, et qui est étroitement lié, selon le Futur, aux batailles en cours dans le Qalamoun et aux revers accumulés par le Hezbollah et le régime syrien dans cette région, ce qui a nécessité l'implication, malgré elle et dans un but d'exploitation de la part du Hezb, de l'armée, sous divers prétextes.


Faudra-t-il que les événements de Ersal se reproduisent encore et encore, dans d'autres régions frontalières, notamment dans le Akkar, avant que le cabinet ne prenne la décision de demander au Conseil de sécurité l'application de la 1701 à l'est en coordination avec l'armée, et donc le déploiement de la Finul en vertu d'un plan convenu au préalable ? Cette question, qui vise à empêcher l'accomplissement d'une bien sinistre prédiction, il faut aujourd'hui l'adresser aux parties qui rejettent l'initiative, et qui prolongent, ainsi, l'hémorragie dont est victime le pays.

 

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La question du contrôle de la frontière libano-syrienne et des points de passage illégaux, par lesquels les miliciens et les armes entrent clandestinement en territoire libanais, est plus que jamais d'actualité, depuis le début des affrontements entre l'armée et les groupuscules extrémistes à Ersal. Si bien qu'un certain nombre de leaders politiques appellent le gouvernement Salam à...

commentaires (3)

En attendant que la polémique se calme sur la livraison d'armes à l'armée libanaise, et que celle ci soit totalement formée à ces nouvelles armes, il serait subtil de proposer à Normal 1er (François Hollande) d'envoyer toutes les unités combattantes de la Légion Etrangere. Ces unités, au lieu de les envoyés en Afrique (gangrenée par des perpétuels coups d'états), permettrait de couvrir et de sécuriser la frontière entre le Liban et la Syrie sur 40 kms de long et 20 kms de large. La Légion Etrangère, c'est 7 700 hommes (400 officiers, 1 700 sous-officiers et 5 600 légionnaires) répartis dans 12 unités différentes Avec 7650 hommes, la Légion, qui représente 5% de l'armée de terre, n'a pas de problèmes de recrutement. Il y a huit candidat par places offertes, contre environ trois en moyenne dans l'armée de terre. L'âge moyen d'engagement de 23,5 ans, plus élevé que dans le reste de l'armée. Ce sont des unités aguerries aux combats de rue et de la guérilla. Il ne faut surtout pas oublier que la Bekaa est un fief du Hezbollah. L'armée libanaise doit faire face ( ce qu'elle fait avec beaucoup de courage et de sérieux) à deux adversaires : les jidahistes et les syriens, en n'oubliant pas le Hezbollah qui ne lui facilite pas la tâche. François Hollande, comme Obama, est empêtre dans une situation en France qui lui interdit toute initiative. Ban KI Moon, il faut oublier. Il n'a que son sourire à offrir

FAKHOURI

15 h 15, le 07 août 2014

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Commentaires (3)

  • En attendant que la polémique se calme sur la livraison d'armes à l'armée libanaise, et que celle ci soit totalement formée à ces nouvelles armes, il serait subtil de proposer à Normal 1er (François Hollande) d'envoyer toutes les unités combattantes de la Légion Etrangere. Ces unités, au lieu de les envoyés en Afrique (gangrenée par des perpétuels coups d'états), permettrait de couvrir et de sécuriser la frontière entre le Liban et la Syrie sur 40 kms de long et 20 kms de large. La Légion Etrangère, c'est 7 700 hommes (400 officiers, 1 700 sous-officiers et 5 600 légionnaires) répartis dans 12 unités différentes Avec 7650 hommes, la Légion, qui représente 5% de l'armée de terre, n'a pas de problèmes de recrutement. Il y a huit candidat par places offertes, contre environ trois en moyenne dans l'armée de terre. L'âge moyen d'engagement de 23,5 ans, plus élevé que dans le reste de l'armée. Ce sont des unités aguerries aux combats de rue et de la guérilla. Il ne faut surtout pas oublier que la Bekaa est un fief du Hezbollah. L'armée libanaise doit faire face ( ce qu'elle fait avec beaucoup de courage et de sérieux) à deux adversaires : les jidahistes et les syriens, en n'oubliant pas le Hezbollah qui ne lui facilite pas la tâche. François Hollande, comme Obama, est empêtre dans une situation en France qui lui interdit toute initiative. Ban KI Moon, il faut oublier. Il n'a que son sourire à offrir

    FAKHOURI

    15 h 15, le 07 août 2014

  • IL NE FAUT PAS ALLER PAR DEUX CHEMINS. REPLI IMMÉDIAT DES LIBANAIS EMBOURBÉS EN SYRIE... ET, L'ARMÉE, APPUYÉE PAR LA FINUL, QUE çA PLAISE OU NON, BON GRÉ... MAL GRÉ... DOIT ÊTRE DÉPLOYÉE ET DOIT BOUCLER DANS LES DEUX SENS TOUTES LES FRONTIÈRES AVEC LA SYRIE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 59, le 07 août 2014

  • Bien entendu, le contrôle de la frontière est une nécessité évidente. Celle-ci doit être totalement imperméable, et dans les deux sens, tant aux jihadistes sunnites de EI et consorts qu'aux jihadistes chiites du prétendu "Parti de Dieu". Mais tant que l'Etat libanais sera soumis aux diktats de Sa Majesté H. N. les soldats de l'Armée Nationale continueront à mourir pour le seul bénéfice du Hezbollah.

    Yves Prevost

    06 h 50, le 07 août 2014

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