La diplomatie de la prière

La rencontre interreligieuse de prière pour la paix prévue dimanche au Vatican entre le pape François, Mahmoud Abbas et Shimon Pérès est en pleine préparation. On sait déjà que la rencontre, décidée à Bethléem, aura lieu en fin d'après-midi. Auparavant, le pape François aura célébré dans la matinée la messe de la Pentecôte dans la basilique Saint-Pierre. On sait aussi que le pape a proposé au patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée, de se joindre à cette initiative, et que ce dernier est attendu samedi soir à Rome. Par contre, on ne sait pas encore précisément où se tiendra la réunion de prière. Il est question de l'organiser dans les jardins du Vatican.
De nombreux observateurs restent sceptiques sur l'utilité concrète de cette rencontre ; il reste qu'elle sera très médiatisée, alors que l'entrée en fonctions du nouveau gouvernement d'union palestinien, associant le Fateh et le Hamas, a suscité l'irritation du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et que la mission de paix de John Kerry bat de l'aile.

Le secrétaire d'État du Vatican, Pietro Parolin, a tenu à préciser qu'il s'agit d'une « initiative symbolique destinée à raviver le désir de paix et l'espérance ». C'est une déclaration de prudence. « On peut être certain que le pape y croit profondément, qu'il ne s'agit pas d'une invitation de courtoisie, mais d'une invitation fondée sur la conviction profonde que la prière peut contribuer à la construction de la paix », estime le P. Fadi Daou, fondateur de l'association Adyan.
« C'est la diplomatie de la prière, on ne peut en dire plus, enchaîne ce prêtre profondément engagé dans le dialogue interreligieux. C'est fait dans l'esprit d'Assise, sauf qu'à Assise, il s'agissait de chefs religieux, alors qu'ici, nous avons des chefs politiques, ce qui est d'une originalité absolue, d'autant que tous deux proviennent de courants plutôt laïcs. Le fait que les deux dirigeants aient accepté l'invitation est déjà un signe que la prière peut faire la différence. La force morale du pape a rayonné. Et ce n'est pas le moindre des paradoxes qu'au moment même où la situation politique durcit, l'invitation à la prière du pape soit acceptée. »
Sophie de Villeneuve, rédactrice en chef du site en ligne Croire rappelle qu'à Bethléem, le pape avait dit : « Construire la paix est difficile, mais vivre sans paix est un tourment. » François souhaitait même que la réunion de prière se tienne pendant son pèlerinage en Terre sainte. C'est pour des motifs politiques et d'organisation qu'elle a été reportée au 8 juin au Vatican. « Que le jour finalement choisi pour l'invitation à la prière coïncide avec la fête de la Pentecôte est un joli coup du hasard... ou de la providence », commente-t-elle.
En effet.

À plusieurs reprises déjà, le pape a publiquement accordé la primauté au spirituel, par exemple en consacrant tout son pontificat à la Vierge de Fatima puis le monde entier au Cœur de Marie. Plus concrètement, le 8 septembre 2013, il avait appelé à une journée de prière et de jeûne pour la paix en Syrie et au Moyen-Orient. Un changement inattendu et même inespéré du cours de la crise s'en était suivi et le risque d'une frappe occidentale sur la Syrie, avec ses possibles conséquences militaires, avait disparu.
Peut-on en espérer autant dimanche ? Peut-on infléchir l'histoire avec une démarche aussi immatérielle qu'un temps de prière interreligieux ? Car la prière peut se transformer en force d'action. Et ne serait-il pas souhaitable d'accompagner la réunion qui doit se tenir au Vatican d'une intention de prière partie du Liban ?

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