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Hasardeux banco

Des employés de banque en grève, c'est littéralement monnaie courante. Des patrons de banque verrouillant leurs guichets pour protester contre une législation inepte, comme c'était le cas hier, c'est en revanche du jamais-vu.


C'est un fait que, de par le monde, les banques n'ont pas souvent bonne presse, en matière de revendications sociales. Tenace, dans l'imagerie populaire, est en effet l'image de ces institutions s'adonnant au commerce d'argent, âpres au gain et insensibles aux affres de leurs clients en difficulté. Une fort singulière – et piquante – illustration en était fournie tout récemment par les prostituées de luxe d'Espagne : s'érigeant en défenseurs du peuple, elles ont solennellement banni de leurs carnets d'adresse les banquiers, aussi longtemps qu'ils se montreraient chiches de leurs crédits envers les petites et moyennes entreprises, ainsi que les familles dans le besoin...


Plus sérieusement cependant, il se fait que dans notre pays, la banque n'est pas seulement un des rares secteurs jouissant encore d'une relative bonne santé : cela en dépit de la crise endémique résultant, comme par un fait exprès des blocages délibérément, systématiquement opérés par certaines forces politiques. Au Liban, la banque, notamment par ses souscriptions massives aux bons du Trésor, est surtout l'argentier d'un État frisant la faillite. Dès lors, le trop ambitieux projet de grille des traitements et salaires en cours de discussion au Parlement, et qui fait assumer à ce même secteur une part démesurée de l'énorme effort financier requis, risque de fragiliser encore davantage les finances publiques. Non moins désastreux d'ailleurs est le resserrement du crédit à l'industrie et au commerce, la baisse des intérêts sur les dépôts et même que la fuite des capitaux, qu'il pourrait entraîner.


De cette aberration, le Parlement n'est pas seul responsable. En parrainant un projet de loi entaché d'impréparation, sinon d'inconscience, le gouvernement, sourd aux cris d'alarme du chef de l'État, a cru s'être débarrassé du brûlot en le lançant au Parlement. Or c'était là politiser, au sens le plus terre à terre du terme, un débat censé revêtir un strict caractère socio-économico-financier. En se livrant dès lors à une surenchère effrénée, à une irresponsable démagogie en l'absence des ressources financières nécessaires, nombre de députés, et non des moindres, ont poussé à la roue de l'outrance et de l'absurdité.


On n'oubliera pas, pour finir, et la question ne relève pas de l'anecdote, que la banque est bien placée pour être dûment informée des tours et détours d'une classe politique trop souvent affairiste et finalement peu soucieuse de l'intérêt public. En fustigeant celle-ci jeudi, le président de l'Association des banques a peut-être eu la main un peu lourde. Mais en poussant l'indignation jusqu'à exiger des excuses publiques, en allant jusqu'à inciter un de ses fidèles à poursuivre le téméraire pour diffamation, le président de l'Assemblée, lui, n'a fait que décliner – et cela dans le meilleur des cas – une totale méconnaissance de cette belle moralité qui empuantit les allées du pouvoir.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Des employés de banque en grève, c'est littéralement monnaie courante. Des patrons de banque verrouillant leurs guichets pour protester contre une législation inepte, comme c'était le cas hier, c'est en revanche du jamais-vu.
C'est un fait que, de par le monde, les banques n'ont pas souvent bonne presse, en matière de revendications sociales. Tenace, dans l'imagerie populaire,...