Nous sommes les acteurs passifs d'un grand roman d'espionnage. Grand en volume, vu que nous en goûtons peu la qualité. Le début piétine, c'est brouillon, ce ballet de Russes, d'Américains, d'Iraniens, de Saoudiens, que sais-je, chorégraphie désordonnée, mal embouchée et dont on n'entrevoit ni l'évolution ni la fin. Cette crise évolue par poussées aléatoires. Tout semble improvisé, sans objectif précis. La seule part tangible de cette mise en scène de forcené qui part dans tous les sens, c'est l'attentat. Et la psychose de l'attentat. Nos rôles, dans cette partie de l'histoire, sont coincés entre le moment où l'explosion a lieu et celui, indéfini, où l'on reste hantés par la perspective de la prochaine. C'est étroit, pour faire une vie, même s'il y a toujours pire. La plupart d'entre nous voient le temps s'écouler en vain. C'est d'autant plus désolant que la guerre nous avait déjà pris nos jeunes années.
Que faire ? Pouvons-nous attendre que « cela » passe, sachant que « cela » n'est pas près de passer ? Il y eut des guerres de Cent ans. La nôtre, bon an, mal an, en a près de quarante avec quelques plages de rémission. Céder à l'inaction quand toute action semble vaine, laisser aller ne servira qu'à accélérer la fin de ce petit pays qui se vide de ses meilleures volontés. Or nous avons tant de combats à mener qui n'ont rien à voir avec les guerres qu'on nous impose. Des combats pour la vie, pour le progrès, pour la civilisation. Certes, il s'agit de petits pas sans effets spectaculaires. Comme de s'opposer à la construction d'un pont, la fameuse autoroute Fouad Boutros qui va bientôt scinder en deux le charmant quartier de Mar Mikhael. Comme d'exiger que ce projet soit remplacé par un parc Fouad Boutros, une zone piétonne mieux à même de désengorger la circulation automobile en ayant pour effet naturel de l'interdire tout simplement. C'est l'architecte Hashim Sarkis, titulaire de la chaire Agha Kan à Harvard, qui recommande cette évidence : créer des jardins pour réconcilier les habitants avec la ville ; et avec l'énorme budget alloué à ce projet désastreux, réorganiser et revamper les transports en commun, unique moyen de réduire les bouchons. Comme aussi d'exiger et obtenir le vote d'une loi contre la violence domestique. Placer ce vote en tête des priorités de la Chambre. Il y a suffisamment de violence et de tyrannie à l'extérieur pour que les familles aient en plus à les subir dans l'espace sacré de leur foyer. À part cela, lire, s'instruire, prendre le temps de penser. La psychose parasite en nous tout espace de réflexion. Nous revoilà pris dans le tourbillon superficiel des années de guerre où une gaîté hystérique doublée d'une mélancolie apathique nous tenait lieu de philosophie.
Quoi qu'il arrive, aux armes, marchons. Le Liban n'est pas une coquille vide. Il contient un peuple vibrant qui ne manque pas de ressources. Que ceux qui sont encore debout remplacent ceux qui tombent. Que ceux qui sont encore là remplacent ceux qui partent. Même si cela fait longtemps que nous n'avons pas vu le bout du tunnel, ne manquons pas de vision.
commentaires (4)
Je lis toujours Fifi ( Presque), j'arrive jamais a commenter , elle dit vrai en tout , pour tout et je suis en principe un contradicteur , meme avec Scarlett je contredits , pas elle , mais ses detracteurs , Fifi c'est fi ...del....
FRIK-A-FRAK
18 h 52, le 27 février 2014