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Moyen Orient et Monde - Syrie

« Vas-y, jette un baril sur nous » ; « Parce que vous êtes des agents » ; « Au moins nous ne sommes pas des criminels »...

À Montreux, des journalistes antirégime ont demandé avec insistance au ministre de l’Information Omrane el-Zohbi (centre) quand le président Bachar el-Assad devait quitter le pouvoir. Philippe Desmazes/AFP

Ils se toisent, se provoquent et même parfois s'insultent : au siège de l'ONU à Genève où se déroulent les négociations entre le régime syrien et l'opposition, une âpre bataille médiatique oppose partisans et détracteurs de Bachar el-Assad.


Dans les couloirs du Palais des Nations, sur les pelouses alentour et surtout lors des conférences de presse, les deux camps sont à couteaux tirés, chacun tentant d'imposer son point de vue et de contrer celui de l'autre en affirmant représenter la « vraie voix de la Syrie ». Dans les points de presse, ils rivalisent pour monopoliser le micro, si bien que vendredi, le médiateur de l'ONU et instigateur des négociations de paix, Lakhdar Brahimi, a lancé à la salle, en plaisantant : « Vous êtes tous syriens ici ou quoi ? »


Car si le régime de Damas et l'opposition sont réunis pour la première fois dans la même pièce depuis le début en 2011 du conflit sanglant qui ravage la Syrie, le contact est tout aussi inédit entre médias pro et anti-Assad. « La nouveauté de Genève est que l'État syrien est représenté pour la première fois sur le plan politique et sur le plan médiatique dans une conférence sur la Syrie », ce qui n'était pas le cas lors des conférences des Amis de la Syrie où seule l'opposition était présente, affirme Habib Salmane, directeur de l'information à la télévision d'État syrienne, présent à Genève. Profitant de l'aubaine, les journalistes prorégime harcèlent les membres de l'opposition avec leurs questions. Ceux appuyant l'opposition font de même avec les dignitaires de la délégation de Damas.


Dans la ville suisse de Montreux, où s'était tenue mercredi la conférence internationale sur la Syrie, des journalistes antirégime ont pourchassé le ministre de l'Information Omrane
el-Zohbi dans le centre de presse en lui lançant avec insistance : « Quand Assad partira-t-il ? » Et à Genève, l'opposant Burhane Ghalioun s'est retrouvé dans un couloir assailli par des journalistes prorégime qui le pressaient de répondre : « Les rebelles ont montré des vidéos de têtes décapitées, qu'est-ce que tu as à répondre à ça ? »

 

« Mensonges », « agents », « criminels »
Le régime de Damas considère les rebelles comme des extrémistes « terroristes » appuyés et financés par l'étranger, notamment par l'Arabie saoudite et le Qatar. Et les médias financés par ces deux pays, al-Arabiya et al-Jazira, sont les plus honnis par le régime pour leur couverture très favorable avec la rébellion. Hier, lorsque la journaliste d'al-Jazira a demandé au ministre de l'Information pourquoi il refusait d'être interviewé par sa chaîne, ce n'est pas le dignitaire syrien qui a répondu. Mais un reporter de Sham FM, radio privée proche du pouvoir. « Parce que vous êtes des agents » (d'un pays hostile), a-t-il lancé. La journaliste d'al-Jazira a alors répliqué : « Au moins nous ne sommes pas des criminels. »


Autre exemple de tension lors de la conférence de presse de l'opposant Louai Safi qui appelait à la création d'un corridor humanitaire pour les quartiers rebelles assiégés de la ville de Homs. « Ne pense pas que tu peux me dicter ce que je dois dire ici, toi qui représentes les médias de la propagande », a lancé l'opposant à un journaliste de l'agence officielle SANA qui lui demandait avec insistance pourquoi l'opposition voulait faire sortir les « terroristes » de Homs.


Des insultes extrêmement vulgaires, souvent sous le niveau de la ceinture, fusent parfois. D'autres s'inspirent du contexte de la guerre comme lorsqu'un journaliste anti-Assad a crié à son confrère de la presse officielle : « Vas-y, jette un baril sur nous », en référence aux barils d'explosifs largués selon des ONG sur la ville d'Alep, tuant des centaines de civils. La tension est parfois tellement grande que les journalistes manquent d'en arriver aux mains, forçant la sécurité de l'ONU à intervenir.


Certains journalistes syriens vivent une situation inédite. Ahmad Fakhouri était présentateur à la télévision d'État jusqu'à ce qu'il fasse défection en 2012. « Je revois d'anciens collègues ici, je veux les saluer mais certains sont embarrassés, d'autres ont détourné le regard », confie ce jeune homme qui travaille désormais dans une chaîne satellitaire financée par les Émirats arabes unis. « Je suis opposant, mais en tant que journaliste, je peux critiquer l'opposition et les rebelles tout comme les renseignements et Assad. C'est cela le vrai journalisme. »

 

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