Un trillion de dollars, 4 000 GI tués, des dizaines de milliers d'Irakiens victimes des « dommages collatéraux », une sécession kurde en marche et une guerre civile qui n'attendait que l'occasion de se déclarer... Pour ÇA ? Mieux vaut ces temps-ci résister à l'envie de relire les déclarations faites à l'époque par le sieur George W. Bush et ses deux acolytes, le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld. Non seulement ces trois-là n'ont rien vu venir mais, de plus, ils entrevoyaient une Mésopotamie transformée par leurs soins en havre de paix et de prospérité, en modèle pour les autres pays de la région. Oubliez l'eldorado de stabilité mais retenez l'image de l'exemple à donner, l'œil fixé sur la Syrie, le Yémen, l'Afghanistan – en attendant les autres.
L'Irak se rapproche un peu plus chaque jour du cratère d'un volcan qui s'apprête à entrer en éruption ; l'assaut programmé contre Ramadi, Garma et Falloujah pourrait intervenir ou non dans les heures à venir mais les habitants des deux villes n'en ont pas moins, simple mesure de précaution, repris le chemin de l'exil ; les tribus se disent prêtes à prendre les armes contre le pouvoir central, c'est-à-dire aux côtés d'el-Qaëda – une éventualité que nul n'aurait eu l'audace d'envisager il y a peu – et les sunnites sont invités à se battre pour, vient d'affirmer le porte-parole de l'EILL (État islamique en Irak et au Levant) Abou-Mohammad al-Adnani, « éviter d'être réduits par les chiites en un esclavage dont vous ne vous relèverez plus ». En bref, toutes les pièces d'un bien étrange puzzle que jamais l'Amérique n'aurait imaginé sont en train de se mettre en place, avec comme toile de fond pour le Grand Satan une alliance de facto avec son ancien pourfendeur. Lundi, Téhéran a offert d'envoyer, en même temps que Washington, des armes et des munitions au gouvernement de Nouri al-Maliki. Et, comme pour ne pas être en reste, John Kerry a proposé au régime des mollahs de prendre part aux négociations de Genève 2, une invite dédaigneusement repoussée par les intéressés qui refusent un strapontin et réclament une participation effective au règlement des contentieux moyen-orientaux.
Les rebelles ne sont en fait que de vulgaires terroristes et nous allons les traiter comme tels : le Premier ministre irakien semble avoir calqué son attitude sur celle de Bachar el-Assad, tablant sur le ras-le-bol des habitants de la province d'al-Anbar et leur ardent désir de retrouver une vie normale. La similitude avec la Syrie est notable : dans la Djezireh, le rôle des tribus est tout aussi important que sur le plateau de la Chamiyé où leur nombre avoisine le chiffre impressionnant de 150. Les deux régimes longtemps ennemis, du temps de Hafez el-Assad et de Saddam Hussein, ont tenté à maintes reprises d'en limiter l'importance avant de se résoudre dernièrement, en raison de la tournure prise par les événements, à faire patte de velours, avec un succès mitigé, il convient de le reconnaître.
Si, de ce côté, le ton est au « tout plutôt que le pouvoir central » incarné par les chiites, la réalité est quelque peu différente de l'autre côté de la frontière où, sans se montrer aussi radical, on préfère dans un premier temps donner la priorité à l'expulsion des jihadistes, dont les innombrables exactions ont achevé de détourner d'eux une population à bout et qui voit, trois ans après le début de son soulèvement, le pouvoir entamer une lente reconquête qui présage un retour des années noires inaugurées il y a une cinquantaine d'années.
À l'échelle régionale toutefois, la conjoncture n'est pas aussi nette qu'il y paraît. À Riyad où le flou entoure le délicat sujet de la succession du souverain en place, on s'inquiète de la montée en puissance de la République islamique, cette dernière, pour sa part, se souciant en premier lieu des graves dangers qui menacent ses deux atouts qui sont l'Irak et la Syrie, mais aussi de l'ombre que lui font les pasdaran, cette carte maîtresse entre les mains du guide de la révolution, l'ayatollah Ali Khamenei.
Et les États-Unis dans tout cela? Votre génie, avait dit un jour en plaisantant Gamal Abdel Nasser à Miles A. Copeland Jr, à l'époque l'antenne de la Central Intelligence Agency au Caire, est que vous n'avez jamais entrepris d'actions clairement définies, simplement des actions stupidement compliquées*.
Un sujet à proposer aux conseillers de Barack Obama.
* Cité par l'écrivain Hugh Wilford dans son livre « America's Great Game – The CIA's secret Arabists and the shaping of the modern Middle East », éd. Basic Books, 342 pages.
commentaires (3)
ILS N'ONT JAMAIS RÊVÉ... MAIS JAMAIS... D'UN IRAQ HAVRE DE LA PAIX ET DE LA PROSPÉRITÉ ET SURTOUT COMME MODÈLE AUX AUTRES PAYS ARABES. RÊVENT CEUX QUI Y CROIENT. AU CONTRAIRE ILS SAVAIENT CE QU'ILS CHERCHAIENT LES TROIS MOUSQUETAIRES PÉTROLIERS, AVEC LEUR PARTENAIRE DARTAGNAN-TERRORISTE-DE-BEN-LADEN... L'ANARCHIE ET LE DÉMANTÈLEMENT DE TOUS LES ETATS DU PROCHE ORIENT EN MINI ETATS IKHWANISTES POUR LES PROPULSER À CONTRE TEMPS VERS LES ÂGES SOMBRES DE L'HISTOIRE HUMAINE !
LA LIBRE EXPRESSION
15 h 16, le 09 janvier 2014