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À La Une - Interview

Jean-Christophe Cambadélis (PS) à « L’OLJ » : « Les Libanais n’ont pas à craindre les discussions en cours avec le régime iranien »

Député de Paris, premier vice-président du Parti socialiste européen et l’une des principales figures de proue du Parti socialiste français, Jean-Christophe Cambadélis reçoit « L’Orient-Le Jour » rue de Solférino en vue d’une analyse géopolitique des bouleversements en cours au Moyen-Orient et leur impact direct sur le Liban.

Le député PS Jean-Christophe Cambadélis sur les bancs de l'Assemblée nationale en mars 2013 à Paris AFP/Thomas Samson

Il est qualifié par les cadres du Parti socialiste français de « pragmatique ». Il fut jadis trotskiste et il est considéré aujourd’hui comme l’un des porte-étendards du courant social-démocrate du parti. Jean-Christophe Cambadélis est présentement l’un des principaux ténors du PS. Député de Paris, secrétaire national du PS en charge de l’Europe et des affaires internationales, premier vice-président du Parti socialiste européen (PSE), son nom est cité par la presse française comme l’un des trois favoris dans la course à la présidence du PS, l’actuel secrétaire général du parti, Harlem Désir, étant pratiquement sur un siège éjectable, d’autant qu’il y a quelques jours, il a contredit publiquement le président François Hollande dans l’affaire de la jeune Rom, Leonarda, expulsée tout récemment de France.


Jean-Christophe Cambadélis a une connaissance approfondie des grands dossiers internationaux et il suit de près dans ce cadre les développements se rapportant à la conjoncture moyen-orientale, plus particulièrement en ce qui concerne les dossiers du Liban, du Hezbollah, du terrorisme, de la crise syrienne et des relations avec la République islamique iranienne. Malgré un emploi de temps chargé, dû aux soubresauts qui secouent son parti, il a reçu L’Orient-Le Jour dans son bureau de la rue de Solférino, siège du PS, dans le 7e arrondissement de Paris.


L’entretien est axé d’emblée sur les développements régionaux dont l’impact sur le Liban n’échappe à personne. M. Cambadélis se montre sur ce plan confiant quant à l’avenir du pays du Cèdre, affirmant que les discussions en cours entre Téhéran et les puissances occidentales, dans le sillage de la politique d’ouverture affichée par le nouveau président iranien, ne se feront pas au détriment de la souveraineté et de l’indépendance du Liban. « Les Libanais n’ont pas à craindre de ces pourparlers », souligne-t-il d’entrée de jeu, réfutant ainsi, sans la moindre hésitation, les appréhensions de certains milieux libanais qui craignent que la relance du dialogue avec Téhéran n’ait pour conséquence une emprise implacable du régime des mollahs iraniens non seulement sur le Liban mais aussi sur la région en général, par le biais, notamment, d’un blanc-seing qui serait accordé au Hezbollah sur l’échiquier politique local, ce qui renforcerait encore davantage sa position prédominante sur les plans militaire, sécuritaire et politique.


« Les Libanais doivent être rassurés sur ce plan », déclare M. Cambadélis. Dans une allusion à peine voilée à l’entrevue entre le président Hollande et le président Rohani, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU à New York, il souligne sans détour : « Le président Hollande a toujours défendu l’indépendance et la souveraineté du Liban. Il faudrait être un piètre politique pour songer à troquer l’arrêt du nucléaire iranien contre l’intégrité du Liban. La démarche du président Hollande a été de saisir une opportunité de dialogue après l’élection du président Rohani. En politique internationale, personne n’est naïf. Les Iraniens ne peuvent pas penser que sur base du simple fait que le guide de la révolution iranienne a permis à Rohani de se présenter à l’élection présidentielle, cela suffirait à modifier le climat politique international. L’Occident ne prend pas cela pour de l’argent comptant et les Iraniens ne peuvent pas le penser. »
« Nous sommes dans une phase de désescalade, ajoute à ce propos Jean-Christophe Cambadélis. Chaque partie s’emploie à mesurer ou jauger la posture de l’autre. Les Iraniens ne peuvent pas croire qu’en gagnant simplement du temps, ils aboutiront à un résultat. À un certain moment, la communauté internationale réclamera des faits, des éléments concrets. »


Mais précisément, en cas de concessions faites par Téhéran sur le dossier nucléaire, le pouvoir iranien ne pourrait-il obtenir en contrepartie la réalisation de ses aspirations quant à la mise en place du croissant chiite, s’étendant de Bagdad à Beyrouth en passant par Damas, avec ce que cela implique comme renforcement de l’emprise du Hezbollah sur le Liban et le maintien de Bachar el-Assad ? « Personnellement, j’estime que le pouvoir iranien n’est pas dans une position offensive, mais qu’il est plutôt dans une situation défensive, souligne M. Cambadélis. L’instrumentalisation qu’il fait du croissant chiite vise à resserrer l’étau auquel il est soumis. En outre, accepter la mise en place d’un tel croissant chiite reviendrait à plonger toute la région dans un nouveau cycle de tourmentes du fait que de nombreux pays, plus particulièrement les États du Golfe, ne sauraient accepter que l’Iran soit dans une position prépondérante dans la région. »

 


La stratégie de paix d’Obama
Faisant montre d’une remarquable vision stratégique de l’évolution des grands dossiers internationaux, M. Cambadélis se livre à une analyse particulièrement fine de la politique suivie présentement par l’administration américaine dans la région, notamment au plan des efforts déployés en vue de faire aboutir le processus de paix israélo-arabe. « Les précédents présidents américains, relève-t-il à cet égard, axaient principalement leurs efforts pour aboutir à une paix entre Israël et les pays arabes sur le règlement du contentieux territorial, ce qui débouchait rapidement sur un blocage. »
« Le président Barack Obama semble suivre une autre approche, relève M. Cambadélis. Il a une vision stratégique de toute la région dans sa globalité. Dans le but d’engager le processus de paix israélo-arabe sur la bonne voie, il s’emploie à désamorcer un à un tous les foyers de tension, tous les dossiers explosifs qui constituent autant de sources d’inquiétude pour Israël. Cela inclut ainsi le nucléaire iranien, les armes chimiques syriennes, ainsi que la situation et l’arsenal militaire du Hezbollah au Liban. »


Dans cette perspective et au sujet du cas spécifique des armes du Hezbollah, M. Cambadélis souligne la nécessité de « trouver le moyen de retourner à un débat démocratique sur la scène politique libanaise ». « C’est un but vers lequel nous devons tendre, précise-t-il. Le Hezbollah est, certes, armé. L’objectif à atteindre devrait être le désarmement de toutes les factions libanaises et la participation de tous, y compris le Hezbollah, à un processus démocratique. »

 


Le rôle de Poutine
Dans le cadre de cette vision stratégique globale, M. Cambadélis souligne qu’il est « excessif » de dire que les derniers développements en rapport avec le projet de frappe occidentale contre les forces du régime syrien, à la suite du bombardement de la Ghouta de Damas aux armes chimiques, ont eu pour résultat de faire du président Vladimir Poutine « l’acteur international numéro un » dans la région. « Le président Poutine n’a pas les moyens d’être le premier acteur dans la région, souligne M. Cambadélis. La Russie est un pays en pleine reconstruction. Elle n’a pas les moyens de mener le jeu et d’être le principal acteur. Le rôle des États-Unis, de l’Union européenne et d’autres pays de la région est incontournable. »


« En outre, poursuit M. Cambadélis, l’épisode du projet de frappe occidentale contre le régime syrien a peut-être débouché sur une victoire médiatique pour le président Poutine, mais d’un point de vue stratégique, cet épisode a été en quelque sorte un revers pour la Russie, car il a montré que si l’obstacle du Conseil de sécurité est contourné, le président Poutine ne peut plus rien faire et ne peut plus influer sur le cours des événements. En clair, la seule force du président Poutine est le droit de veto au Conseil de sécurité. Les puissances occidentales ont prouvé qu’elles étaient en mesure de contourner cet obstacle et, auquel cas, le président Poutine ne peut plus rien faire. »

 

 

Bachar n’est pas l’homme de l’avenir pour une Syrie réunifiée

Abordant le dossier de la guerre syrienne, Jean-Christophe Cambadélis exclut une éventuelle inflexion de la position occidentale à l’égard du régime syrien, suite aux derniers développements. « Il n’y a pas de solution en dehors d’un gouvernement de transition bénéficiant de tous les pouvoirs exécutifs, souligne-t-il sans ambages. Et dans ce cadre, Bachar el-Assad n’est pas l’homme de l’avenir pour une Syrie réunie. »


Au-delà de cette position de principe, M. Cambadélis n’écarte pas la thèse selon laquelle le régime de Bachar el-Assad s’emploie réellement à manipuler d’une certaine façon les organisations fondamentalistes et jihadistes, ou tout au moins certaines d’entre elles. « Lorsque Bachar el-Assad libère de prison des fondamentalistes, ce n’est sûrement pas dans un esprit d’ouverture, précise à ce sujet M. Cambadélis. Quand il y a des bombardements qui visent la banlieue de Damas, ils ne sont pas dirigés contre les positions d’el-Nosra. L’intérêt de Bachar el-Assad est de se retrouver en tête à tête avec les jihadistes pour dire qu’il fait la même chose que le président Hollande au Mali. Le jeu de Bachar el-Assad à ce propos est évident. »

 


La libération des deux évêques, du père Paolo et des journalistes
M. Cambadélis réfute par ailleurs en bloc l’argumentation avancée par certains milieux, notamment au Liban, qui soulignent que « Bachar el-Assad est peut-être un boucher, mais il défend les minorités chrétiennes ». « Un tel argument est irrecevable tant sur le plan du droit international qu’au niveau de la morale politique, souligne M. Cambadélis. Il faut, certes, protéger les minorités, et d’ailleurs, tel est l’un des enjeux de la phase de transition qui est prônée. Cette transition vise à mettre en place une large coalition au sein de laquelle on assurerait un rôle aux minorités. Il s’agit donc de prévoir une contribution des minorités dans le cadre d’une coalition contre Bachar el-Assad et non pas de mettre en place une alliance des minorités sous l’égide de Bachar el-Assad. »


Dans un tel contexte, Jean-Christophe Cambadélis ne manque pas de réclamer avec force la libération des deux évêques grec-orthodoxe et syriaque-orthodoxe, du père italien Paolo Dell’Oglio et des quatre journalistes français détenus en otages en Syrie. Il s’agit là, selon lui, d’un « geste nécessaire », dans la perspective de la conférence de Genève 2 en vue d’un règlement en Syrie.

 

 

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