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À La Une - L'homme de la semaine

Bradley Manning, jeune soldat à la personnalité complexe

La taupe de WikiLeaks reconnue coupable de violation de la loi sur l'espionnage mais pas de collusion avec l'ennemi.

Bradley Manning, la taupe de WikiLeaks, a été reconnu mardi coupable de violation de la loi sur l'espionnage. Saul Loeb/AFP

La justice militaire américaine a reconnu coupable mardi Bradley Manning, la taupe de WikiLeaks, de violation de la loi sur l'espionnage, pour laquelle il encourt une longue peine de prison, mais l'a acquitté de l'accusation de collusion avec l'ennemi.

 

Selon le verdict lu par la juge Denise Lind, Manning risque plus de 100 ans de prison après avoir été reconnu coupable de 20 des 22 charges dont il était accusé, en particulier sept condamnations pour violations de la loi sur l'espionnage de 1917.

 

Il a toutefois échappé à l'accusation de collusion avec l'ennemi. "Soldat Manning, sur l'accusation No 1, la Cour vous déclare non-coupable", a déclaré la juge au début d'une lecture de neuf minutes, au cours de laquelle la salle d'audience était plongée dans le silence. Le jeune soldat risquait la réclusion criminelle à perpétuité s'il avait été reconnu coupable d'avoir aidé l'ennemi, en l'occurrence el-Qaëda, en transmettant 700.000 documents confidentiels au site qui les a publiés.

 

Agé de 25 ans, le frêle soldat vêtu d'un uniforme bleu, de fines lunettes sur le nez, a écouté le verdict au côté de son avocat civil David Coombs.

 

La juge a ensuite passé en revue chacun des 21 autres chefs d'accusation. Elle n'a décrété l'accusé innocent que de l'un d'entre eux, pour la "possession non autorisée et la transmission volontaire" de la vidéo sur la bavure d'une attaque aérienne dans un village afghan faisant des dizaines de victimes civiles.

Mais sur la base militaire de Fort Meade, au nord de Washington, où se tient depuis début juin ce procès en cour martiale, la juge militaire a reconnu le jeune homme coupable de plusieurs chefs de violation de la législation sur l'espionnage, de vols d'informations aux forces armées et de transmission illicite de câbles diplomatiques ou encore de mémos secrets sur les détenus de Guantanamo.

 

Il a également été reconnu coupable de désobéissance au règlement militaire, de fraude informatique, en insérant un logiciel non autorisé dans le système informatique de l'armée, en détournant les mécanismes de sécurité de ce système et en stockant de manière illicite des informations classifiées.

 

Pour ces 20 charges, Manning encourt jusqu'à 136 ans de prison. Il avait plaidé coupable de dix de ces charges.

Le procès reprend mercredi à 09H30 locales (13H30 GMT) pour sa phase finale destinée à fixer la peine qui lui sera finalement infligée. Cette phase pourrait encore durer plusieurs jours.

 

 

Qui est Bradley Manning ?

Petit gabarit, cheveux blonds rasés de près et visage d'adolescent fendu de lunettes fines, l'ancien soldat originaire d'Oklahoma (sud) ne donne pas l'air d'être l'un des plus célèbres "whistleblowers" (dénonciateurs) de l'histoire des Etats-Unis.

 

Pourtant, cet ex-analyste du renseignement a téléchargé puis envoyé au site internet WikiLeaks, entre novembre 2009 et mai 2010, des milliers de documents classifiés du gouvernement américain sur les guerres en Irak et en Afghanistan, et 250.000 télégrammes du département d'Etat. La "fuite" du siècle a provoqué une tempête dans la diplomatie mondiale et la fureur de la première puissance mondiale.

 

Un statut lourd à porter pour le jeune Manning, entré dans l'armée en 2007 après une enfance passée à subir les quolibets de ses camarades en raison de son côté "intello" ou de son homosexualité.

 

Lors de son réquisitoire, l'accusation l'a dépeint comme un être égoïste et téméraire, qui savait bien qu'en transmettant des documents à WikiLeaks, ils seraient mis en ligne et consultés par les ennemis des Etats-Unis.

Lors d'audiences préliminaires au procès, des témoins du gouvernement avaient dans un premier temps fait référence à un être "déprimé", "anxieux", "sujet à des crises de panique". Sans parler de son mutisme, de son somnambulisme, voire de ses pertes de repères sexuels.

 

Des membres du personnel de la prison de Quantico (Virginie, est) -où Manning a été détenu pendant neuf mois- ont cité des épisodes où il léchait les barreaux de sa cellule en dormant, pleurait en tapant sa tête avec ses mains, ou grimaçait en se regardant dans le miroir, tentant ainsi de justifier son maintien sous un régime ultra-sévère réservé aux suicidaires.

En face, la défense n'a cessé d'assurer que Manning n'était pas suicidaire. Son avocat David Coombs a même raconté que le rêve de son client était "d'aller à l'université, travailler pour le service public et peut-être, un jour, être candidat" à une élection, "car il veut faire la différence dans ce monde".

 

Selon Jeff Paterson, du comité de soutien au jeune homme, Manning "pourrait s'être identifié aux peuples d'Irak et d'Afghanistan" en partie "car il ressent les mêmes choses en tant que membre d'une minorité injustement traitée".

 

Manning ne s'est pas exprimé lors du procès. Mais lorsqu'il a pris la parole pour la première fois à Fort Meade en novembre 2012, il n'a exprimé aucun regret quant à ses actes et adopté un ton assuré pour raconter ses conditions de détention.

En février dernier, témoignant à nouveau, ce féru de géopolitique et de technologies de l'information a justifié ses actes par le désir de "provoquer un débat public sur les forces armées et la politique étrangère" des Etats-Unis. Il précise toutefois qu'il ne s'intéressait qu'aux documents dont il était "absolument sûr qu'ils ne causeraient pas de tort" à la sécurité nationale.

 

 

 

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