Rechercher
Rechercher

À La Une - En toute liberté

Désémigrer

Ils sont là pour désémigrer. Pour réapprendre un Liban dont il ne reste, dans leur mémoire et leur culture, que des fragments, sous forme de réminiscences, souvenirs, goûts culinaires, assortis de quelques mots pour dire un pays. C’est peu.
Mais trouveront-ils davantage par ces temps troublés ? Pourront-ils, en quelques jours, remonter le fil du temps ? Pourront-ils redevenir libanais, serait-ce de cœur, quand ils viennent au pays et ne retrouvent, de sa légende, que des fragments noyés dans la stridence ? Qu’est-ce, dans ces temps troublés, être libanais ?
Être libanais aujourd’hui, c’est avoir du dégoût pour la vaste supercherie qu’on nous force à tenir pour une vie politique. Être libanais, aujourd’hui, c’est autant aimer que haïr, autant goûter qu’être dégoûté, autant s’émerveiller que perdre ses illusions.
Une patrie, comme l’étymologie le montre, c’est une affaire de famille. C’est un trésor culturel que nous transmettent la société et la culture dans laquelle nous naissons. C’est un héritage, comme des bijoux de famille, un vieux chêne, les dalles fraîches d’une chapelle de montagne, une vue sur la mer, l’odeur d’un champ de blé bruissant sous le vent, une aube giboyeuse, une amitié, un refrain immémorial qui s’entête à revenir, le bruit d’une partie de trictrac, le ressac de la vague contre un rocher, le goût d’une galette au thym, la lune qui se lève, « la nuit heureuse de transporter les mondes », mais dans la concorde. Sans elle, tout perd de sa saveur.
Comment retrouver ce qui est perdu ? Comment retrouver ce qui n’a peut-être jamais existé ? Il vaut mieux ne pas essayer ; laisser le pays venir à nous, le laisser innerver petit à petit nos paysages intérieurs, représentations, projets. Redevenir libanais, c’est entrer dans une mémoire et un rêve.
Oui, nous assistons au coucher du Liban. Dans une belle couleur orange et rose, comme un immense bougainvillier embrasé, il disparaît peu à peu à l’horizon ; et tandis que le ciel prend feu, derrière la mer, quelque part, se lève un nouveau Liban.
Ils sont là pour désémigrer. Pour réapprendre un Liban dont il ne reste, dans leur mémoire et leur culture, que des fragments, sous forme de réminiscences, souvenirs, goûts culinaires, assortis de quelques mots pour dire un pays. C’est peu. Mais trouveront-ils davantage par ces temps troublés ? Pourront-ils, en quelques jours, remonter le fil du temps ? Pourront-ils redevenir libanais,...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut