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À La Une - Entretien

« Garder le Liban à l’écart des crises régionales est crucial pour l’Europe »

Un représentant spécial de l’Union européenne (UE),  Bernardino León, a affirmé hier qu’il était trop tôt pour savoir si et comment les événements en Égypte affecteraient le Liban et la région.

Bernardino León : « La crise des réfugiés, un fardeau qui aurait été trop lourd, même pour un pays plus grand. »

De passage à Beyrouth entre deux visites au Caire, Bernardino León, représentant spécial de l’Union européenne (UE) pour la région de la Méditerranée du Sud, a livré hier ses impressions sur la situation au Liban et sur les événements dans la région. « L’Europe considère qu’il est crucial que Beyrouth reste à l’écart des crises régionales », a-t-il dit, en réponse à une question sur les craintes européennes vis-à-vis des derniers troubles sécuritaires au Liban. « Nous déploierons tous les efforts nécessaires pour cela, a-t-il ajouté. Ce n’est pas le premier message que nous adressons à tous ceux qui auraient l’intention de menacer la stabilité au Liban. Il est très clair que la sécurité au Liban est une ligne rouge pour l’UE. » 


Au cours d’un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, au an-Nahar et au Daily Star, en présence de l’ambassadrice de l’UE Angelina Eichhorst, M. León s’est attardé sur les répercussions de la crise des réfugiés syriens sur le Liban, « un fardeau qui aurait été trop lourd, même pour un pays plus grand ». « L’UE comprend que le Liban ne peut pas faire face à ce défi économique seul, a-t-il dit. Nous sommes déjà très actifs sur ce plan, l’UE apporte l’aide la plus substantielle pour traiter ce problème. Le flot de réfugiés a également le potentiel de provoquer de l’instabilité dans les régions où ceux-ci sont installés, notamment des troubles sécuritaires. Nous voulons aider les autorités libanaises à affronter ces problèmes qui revêtent une dimension politique. Étant donné la nature de mon mandat, nous ne traitons pas seulement avec les autorités politiques, mais nous sommes aussi en contact avec l’opposition, avec des partis politiques, avec la société civile. »

 

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M. León a indiqué que, dans le cadre de l’aide apportée au Liban, l’UE aspire à convaincre les acteurs financiers de l’Europe – les institutions, les banques, le secteur privé – à investir dans ce pays. Mais il a reconnu qu’il est difficile de promouvoir le Liban auprès des investisseurs européens. Il a invoqué les troubles dans la région, notamment la guerre en Syrie et les événements de cette semaine en Égypte. Mais aussi certains problèmes spécifiques auxquels le Liban devrait s’attaquer, notamment l’application de la loi, la transparence, la lutte contre la corruption... de manière à créer un climat plus propice aux affaires.
« Nous allons discuter de ces questions avec toutes les parties concernées, non seulement les autorités politiques, a précisé le responsable européen. Je ne sais quelle va être la forme du nouveau gouvernement, mais il sera nécessaire de faire face à ces problèmes qui sont indépendants des crises régionales. Quelles que soient les divergences d’opinion entre les parties libanaises, nous croyons qu’elles sont toutes d’accord sur la nécessité d’augmenter les investissements venus d’Europe. »

« L’Europe aurait préféré une solution politique »
Étant donné la nature de la mission du représentant de l’UE, qui est, comme il la définit lui-même, celle de « contribuer à faire réussir les transitions dans les pays où elles ont lieu », il était naturel qu’il soit interrogé sur le sujet de l’Égypte et des répercussions des derniers événements du Caire sur le Liban et la région. « Il est encore trop tôt pour estimer les conséquences de ce qui se passe au Caire sur les pays environnants », a-t-il dit. « Il y avait, cette semaine, beaucoup de gens dans les rues égyptiennes pour rappeler que la révolution qui avait eu lieu il y a deux ans portait sur l’intégration, et non l’exclusion, sur le partage du pouvoir, et non la création d’une démocratie fondée sur une seule majorité, a-t-il poursuivi. Il est très clair que ceux qui avaient fait la révolution il y a deux ans sont les mêmes à être redescendus dans la rue cette semaine pour rappeler qu’il s’agit de “leur” révolution. »


Il a ajouté : « Le cas égyptien est assez particulier : à la dernière élection présidentielle, les deux candidats représentaient deux camps extrêmement polarisés. Beaucoup de révolutionnaires avaient voté pour le candidat des Frères musulmans tout en s’attendant qu’il tienne compte, dans sa prestation, de toutes les tendances. Les problèmes économiques, qui sont de nature à ralentir la transition, ont rendu la situation encore plus complexe. L’UE aurait bien sûr préféré une solution politique, en d’autres termes un accord entre les Frères musulmans et les autres camps politiques, non une intervention militaire. Nous croyons toujours que c’est ainsi que cela devrait se passer à l’avenir. Le plus important, c’est que l’armée égyptienne a assuré qu’il ne s’agissait pas d’un coup d’État militaire, mais simplement d’une action destinée à restaurer les valeurs essentielles de la révolution. Nous nous attendons à ce qu’elle le prouve, et qu’il y ait une reprise du processus politique ainsi que des élections bientôt. Il faudra aussi que les Frères musulmans fassent partie intégrante de ce processus. »
L’UE compte-t-elle geler ses aides aux régimes qui ne pratiquent pas l’intégration et l’ouverture ? « Il est certain que si un pays suit une voie non démocratique, le niveau de coopération avec l’Europe s’en ressentira, a-t-il répondu. Plus les pays feront des efforts en ce sens – pour l’instant, l’Égypte et la Tunisie sont en tête –, plus ils jouiront d’une coopération européenne importante. Toutefois, il est difficile de prédire quelle direction vont prendre les événements en Égypte. »

« Un changement qui ne s’est pas matérialisé »
Sa visite de quelques heures au Liban était la première qu’effectue Bernardino León à ce pays dans le cadre de ses nouvelles fonctions. Il jette un regard particulier sur l’histoire récente du pays « qui est un cas unique dans la région ». « Certains analystes estiment que le printemps arabe a commencé à Beyrouth en 2006-2007, a-t-il déclaré. Le sentiment général, cependant, est que le changement revendiqué alors par les manifestants ne s’est pas matérialisé. Mais ce pays n’en a pas moins beaucoup d’atouts, tels que l’importance du rôle que jouent les femmes, ce qui n’est pas le cas partout ailleurs, ainsi que le rôle de la société civile et des médias, le pluralisme, l’ouverture... Ces atouts seront précieux quand le changement surviendra. »
Le responsable européen reste cependant prudent quand il s’agit d’estimer si ce pays sera influencé par les changements dans la région. « Je crois que la région est en train de se transformer, a-t-il précisé. Nous voyons, en Égypte et en Tunisie, une foule de jeunes qui revendiquent le changement et le droit de contrôler leur propre avenir, dans un cadre d’intégration sociale et d’ouverture. Ce n’est pas mon rôle de dire si le Liban pourrait être influencé par cette vague ou non. »

 

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