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À La Une - crise

Un début de syrianisation en Égypte ?

Des dizaines de milliers de pro-Morsi dans la rue contre le « coup d’État militaire » ; au moins 8 morts.

Hier soir des heurts entre anti et pro-Morsi ont éclaté aux abords du Caire . Asmaa Waguih/Reuters

Des dizaines de milliers de partisans des Frères musulmans, harangués par leur chef décidé à poursuivre la mobilisation, ont manifesté hier pour exiger le retour du président Mohammad Morsi évincé par l’armée, dans un climat de tension extrême.


À l’issue d’une journée de manifestations des deux bords, des affrontements ont éclaté dans la soirée au Caire aux abords de la place Tahrir entre pro et anti-Morsi, faisant au moins huit morts. Des tirs étaient entendus et les deux camps se jetaient des pierres sur le pont du 6-Octobre à proximité de la place emblématique de la capitale égyptienne, où s’étaient rassemblés des milliers d’opposants au président islamiste. Face aux heurts, l’armée va intervenir pour séparer pro et anti-Morsi, a indiqué en fin de soirée un porte-parole. « Nous ne prenons pas parti. Notre mission est de protéger la vie des manifestants », a affirmé le colonel Ahmad Ali.


Mobilisés pour un « vendredi du refus » du « coup d’État militaire » et « l’État policier », des milliers de partisans de M. Morsi s’étaient dirigés vers la télévision d’État après être partis d’une mosquée de Nasr City, un faubourg du Caire, scandant « Mohammad Morsi est notre président » et « Traîtres ! », pour se rendre devant la Garde républicaine située non loin du palais présidentiel. Ils ont ensuite essayé d’accrocher sur les barbelés entourant le bâtiment une photo de l’ex-chef d’État, toujours détenu par l’armée, bravant à deux reprises les avertissements des soldats, avant que des tirs n’éclatent, faisant trois morts.

 

(Portrait : Morsi, du "président de tous les Egyptiens" à l'homme qui divise)


Auparavant, le guide suprême des Frères musulmans, Mohammad Badie, s’était présenté devant la foule pour l’encourager à rester « dans les rues par millions jusqu’à ce que » le président déchu soit revenu au pouvoir. « Nous avons déjà vécu sous un régime militaire et nous ne l’accepterons pas une nouvelle fois », a-t-il prévenu, faisant référence à l’intérim controversé assuré par l’armée entre la chute de Hosni Moubarak en février 2011 et l’élection de M. Morsi en juin 2012. Pendant son discours, des hélicoptères militaires survolaient la foule à basse altitude.
L’opposition à M. Morsi a appelé pour sa part à des manifestations massives, en particulier dimanche, pour « défendre la révolution du 30 juin », allusion à la journée ayant vu les plus importantes manifestations contre le président déchu.

Nouveaux rouages
Les nouvelles autorités mises en place par l’armée, après l’éviction de M. Morsi mercredi, semblaient tout aussi déterminées à mettre en place rapidement de nouveaux rouages dans le pays et mener à bien leur « feuille de route » qui doit aboutir à des élections anticipées.
Le président intérimaire Adly Mansour, nommé par l’armée, a dans son premier décret dissous la Chambre haute dominée par les islamistes, qui assure l’intégralité du pouvoir législatif, et nommé un nouveau chef des renseignements. Mais ces décisions pourraient faire monter encore davantage la tension, déjà alimentée par les accrochages qui ont fait plus de 50 morts dans le pays depuis le 26 juin.

 

(Portrait : Adly Mansour, un juge peu connu du public à la tête de l'Egypte)


Après une vague d’arrestations lancée contre les dirigeants des Frères musulmans, dont est issu M. Morsi, le procureur général a annoncé que des poursuites seraient engagées contre neuf d’entre eux, dont M. Badie, dans le cadre d’une enquête pour incitation « au meurtre de manifestants ».
Dans le cadre de cette enquête, le procureur général égyptien a libéré hier soir Saad al-Katatni, le chef du Parti de la justice et de la liberté, vitrine politique des Frères musulmans, et l’adjoint du guide suprême de la confrérie, Rached Bayoumi, a indiqué l’agence officielle MENA. L’agence a ajouté que MM. Katatni et Bayoumi avaient passé deux jours en détention et avaient été libérés après que le parquet se fut « assuré de leur lieu de résidence ».
Le prédicateur salafiste Hazem Salah Abou Ismaïl, qui n’avait pas pu se présenter à la présidentielle égyptienne de juin 2012, a quant à lui été arrêté et accusé d’incitation à la violence, rapportent des sources au sein des forces de sécurité.

 

(Chronologie : De la chute de Moubarak au renversement de Morsi)


Concernant le procureur général, Abdel Meguid Mahmoud, il a présenté sa démission, trois jours seulement après avoir retrouvé son poste à l’issue de plusieurs mois de batailles juridiques, rapporte l’agence de presse officielle MENA.

Réactions
Après la destitution de M. Morsi, l’armée a appelé à rejeter la « vengeance » et à œuvrer en vue de « la réconciliation nationale », tandis que M. Mansour a exhorté sur la chaîne britannique Channel 4 à l’« unité ».
Embarrassé après la destitution du premier président démocratiquement élu d’Égypte, même s’il était contesté, l’Occident a encore exprimé son inquiétude, Washington demandant au pouvoir de ne pas procéder à des « arrestations arbitraires ».
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé quant à lui le « coup d’État » militaire et dénoncé l’hypocrisie des capitales occidentales face à cette initiative « contraire à la démocratie ». Le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh, a de son côté appelé à garder foi dans le printemps arabe.
L’Union africaine a pour sa part suspendu l’Égypte, en rejetant « toute prise illégale du pouvoir », ce que le ministère égyptien des Affaires étrangères a dit regretter « profondément ».
Élu en juin 2012, M. Morsi était accusé de tous les maux, administrations corrompues, dysfonctionnements économiques, tensions confessionnelles, par ses adversaires qui voyaient en lui un apparatchik islamiste inexpérimenté et avide de pouvoir. Il a été évincé par l’armée après des manifestations d’une ampleur inédite réclamant sa chute. Le coup de l’armée, soutenu par une grande partie de la population, par l’opposition et par de hauts responsables religieux, ouvre la voie à une nouvelle et délicate période de transition dans le plus peuplé des pays arabes.
Pour le représentant de l’opposition Mohammad el-Baradei, l’intervention de l’armée pour faire partir M. Morsi a été une « mesure douloureuse » mais nécessaire pour « éviter une guerre civile ».

 

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